Table ronde

Les atouts des fonds actions thématiques

Publié le 25 novembre 2016 à 16h39    Mis à jour le 31 janvier 2017 à 9h55

Propos recueillis par Catherine Rekik

L’année 2016 a de nouveau été compliquée sur les marchés actions, ce qui s’est traduit par des sorties importantes sur les fonds actions traditionnels. Et pourtant, les investisseurs sont plus que jamais conscients que la prise de risque est nécessaire pour obtenir un meilleur rendement. Dans ce contexte, Funds s’interroge sur l’intérêt d’investir dans les actions via de grandes thématiques. • Pourquoi les fonds thématiques attirent-ils plus facilement des investisseurs peu enclins par ailleurs à investir dans la classe d’actifs ? • Comment sont construits les univers d’investissements ? • Comment les gérants parviennent-ils à dégager de la performance dans les différents cycles de marchés tantôt favorables aux valeurs de croissance ou tantôt aux valeurs défensives ? • Comment déterminer le bon timing pour investir dans des fonds thématiques ? • Quelle place leur accorder dans une allocation actions ?

Qu’est-ce qu’un fonds thématique ?

Vafa Ahmadi, directeur des gestions actions thématiques, CPR AM : Les fonds thématiques trouvent leur fondement dans des phénomènes globaux comme les ruptures technologiques, le vieillissement de la population ou des changements sociétaux. Ces phénomènes sont porteurs de croissance et de performance.

Chez CPR AM, nous considérons que les thèmes doivent être des fonds sur des dynamiques de croissance. Il n’y a pas de sectarisme dans la définition d’un thème dès lors qu’il se traduit par un changement de dynamique de performance des entreprises qui sont actives dans cet univers. Nous essayons de nous démarquer en mettant en avant la pérennité des fonds que nous construisons et en évitant les effets de mode. Il faut prendre le temps d’étudier le fondement de chacun des thèmes et s’assurer que l’univers d’investissement est suffisamment large pour que le gérant puisse procéder à des arbitrages. Dans le cas contraire, on est plus dans une logique sectorielle que thématique.

Pour construire un fonds thématique, il faut donc une thématique pérenne, être précurseur dans l’offre et veiller à ce que l’univers d’investissement soit large et bien qualifié en matière de croissance, de volatilité, etc.

Eric Biassette, responsable de la gestion actions thématiques, Generali Investments :

Un fonds thématique se définit par rapport à un fonds «benchmarké», car l’objectif de gestion est de s’extraire d’un indice de référence contraignant en définissant un nouvel univers d’investissement. Ainsi, en France, le CAC 40 est aujourd’hui à son niveau du quatrième trimestre 1999 et 50 % au-dessus de celui de fin 1997, ce qui signifie que le CAC 40 a gagné 2 % par an, en moyenne, sur près de vingt ans. Les benchmarks ne sont donc pas toujours satisfaisants en termes de performance délivrée. L’enjeu consiste à définir un thème porteur. Chez Generali Investments, nous avons choisi la croissance comme moteur de performance, et nous essayons d’échapper aux tendances de court terme, plus imprévisibles, qui pourraient s’inverser rapidement.

Dans notre approche, nous privilégions donc des thématiques de croissance. Nos fonds ont ainsi deux moteurs de performance : la thématique et le stock picking, c’est-à-dire la génération d’alpha par la sélection de valeurs. Dans notre offre, nous proposons des fonds investis dans les valeurs moyennes, qui constituent une thématique de croissance. Nous avons également lancé un fonds investi dans le thème de la «recovery» dans les pays du sud de l’Europe (Grèce, Italie, Espagne et Portugal) et, plus récemment, un fonds sur la thématique du vieillissement de la population.

L’idée d’un fonds sur la «recovery» en Europe du Sud ne contredit-elle pas l’idée précédemment évoquée de pérennité de la thématique ?

Eric Biassette : Cette thématique s’inscrit dans un horizon de moyen terme. Nous avons lancé le fonds en 2013, après avoir constaté une sous-valorisation des valeurs du sud de l’Europe uniquement en raison de leur situation géographique. Notre approche est toujours la même : valorisation et croissance. Nous avions envisagé une amélioration progressive de la situation économique de ces différents pays, tendance qui se confirme actuellement.

Nicolas Beneton, spécialiste investissement responsable, Robeco : Raisonner en termes de thématique revient à prendre de la hauteur par rapport aux secteurs. Nous recherchons des tendances que nous estimons porteuses sur le long terme. Une fois la tendance identifiée, nous adoptons une allocation par activités mais l’allocation sectorielle ne sera jamais qu’une résultante de choix thématiques. C’est une grille de lecture différente de l’approche benchmarkée.

Chez RobecoSAM, nous envisageons les thématiques de façon durable, pas seulement pour une perspective de long terme mais aussi pour la contribution de la thématique au développement durable, ce qui est un parti pris fort. Prenons l’exemple de l’eau, une thématique assez répandue : nous n’allons pas uniquement chercher à profiter des problématiques porteuses, mais nous l’abordons aussi sous l’angle de l’impact en matière d’amélioration de la qualité de l’eau, de l’accès à l’eau potable, etc., phénomènes qui eux-mêmes créeront plus de valeur. Par ailleurs, il est important de bien définir la notion de croissance du thème choisi et la notion de performance financière générée après la sélection de valeurs. C’est ce qui séduit les investisseurs.

Quel est l’intérêt pour les investisseurs ?

Vafa Ahmadi : Depuis quelques années, nous assistons à une bipolarisation du marché actions en France et de façon globale avec, d’un côté, le succès des ETF qui apportent le beta d’un marché donné dès lors qu’on a une conviction et, d’un autre côté, la recherche d’alpha : quelle source de croissance peut-on mettre à profit pour quelle technique ou enveloppe financière ? Globalement, les ETF prennent de plus en plus le pas sur l’ensemble des fonds actions benchmarkés, tandis que se développent à l’autre bout du spectre des solutions telles que les fonds thématiques ou «impact investing» qui apportent un surcroît de croissance.

Les investisseurs l’ont bien compris. Au départ, les fonds thématiques ont séduit une clientèle retail mais, aujourd’hui, notre premier client dans le fonds CPR Silver Age est une caisse de retraite. Par ailleurs, l’offre de fonds thématiques est encore très oligopolistique : très peu d’acteurs gèrent plus de 4 milliards sur des fonds thématiques en Europe. Je crains cependant que l’intérêt exprimé par les clients donne lieu à une prolifération de gestions thématiques sans un travail solide sur les fondements. On arriverait alors à une saturation du marché avec des thèmes fantaisistes qui nuiraient à la crédibilité de nos fonds thématiques.

Ces fonds thématiques sont donc pour la clientèle privée une façon d’aborder les marchés actions alors que les clients sont toujours averses au risque…

Vafa Ahmadi : C’est une autre façon en effet d’aborder la classe d’actifs. Les clients n’achètent pas la classe d’actifs mais une partie ou un thème bien identifié auquel ils ont adhéré. C’est un investissement en actions différent alors que, effectivement, il y a une aversion importante aux marchés actions.

En achetant la thématique, les clients comprennent-ils bien qu’ils seront aussi soumis aux aléas des marchés actions ?

Nicolas Beneton : Le travail de pédagogie à mener pour bien expliquer aux clients le positionnement de nos thématiques est important. Comme cela a été mentionné précédemment, nous voyons de plus en plus d’investisseurs institutionnels s’intéresser aux fonds thématiques car cela correspond à leurs valeurs. Il y a une dizaine d’années, l’argumentaire d’une thématique se suffisait à elle-même car il y avait peu de fonds, et dont le positionnement était bien identifié.

Aujourd’hui, ce n’est plus une niche d’investissement mais un marché en forte croissance. On ne peut plus se contenter d’évoquer seulement la thématique. Il faut expliquer les effets du positionnement de la thématique, parler des primes de risque captées ou des betas qui vont être joués, des éventuels biais sectoriels ou géographiques, etc. Il faut parler le même langage que l’investisseur final, ce qui amène à conserver une double lecture de ces fonds : le raisonnement thématique du gérant et la restitution de cette thématique dans un contexte d’allocation d’actifs.

Eric Biassette : Nous avons effectivement constaté une aversion au risque actions très forte après l’éclatement de la bulle spéculative des TMT (télécommunications, médias, technologies) en 2000 et, plus récemment, après la crise des valeurs financières. Toutes ces crises ont fait peur aux investisseurs et masquent le sens de l’investissement en actions. En proposant une thématique claire et bien expliquée, avec un processus de gestion établi, nous donnons du sens à l’investissement. Nous revenons à une gestion de conviction, à la fois dans le thème et dans le choix des valeurs, à laquelle adhèrent plus facilement les clients.

Nicolas Beneton : Investir dans une thématique nécessite pour les investisseurs d’assumer leurs convictions concernant les thématiques et avoir aussi confiance dans les convictions de l’équipe de gestion. Il ne s’agit pas de profiter d’une aubaine de marché à six mois mais bien de réaliser un investissement de long terme.

Quelle place faut-il accorder à ces fonds thématiques dans un portefeuille ?

Eric Biassette : La réponse appartient aux clients. Il me semble que la part allouée aux fonds thématiques dans les allocations est généralement relativement limitée, mais croissante.

Vafa Ahmadi : L’investissement dans les fonds thématiques peut être marginal ou pas. Cela dépend uniquement du niveau de risque que le client est prêt à prendre dès lors qu’il comprend le positionnement du fonds. Certains clients utilisent notre fonds CPR Silver Age en satellite, d’autres l’utilisent comme un fonds core car c’est un fonds investi dans des actions européennes avec une tracking error de quatre.

Un fonds thématique est un fonds actif : tout dépend donc de la place qu’un investisseur veut donner dans son portefeuille à un fonds activement géré.

Nicolas Beneton : Il n’est malheureusement pas possible de répondre de façon tranchée à cette question. RobecoSAM propose une gamme de cinq fonds thématiques avec des comportements financiers très différents les uns des autres. Certains fonds proches de la thématique du vieillissement de la population peuvent être cœur de portefeuille, en revanche d’autres seront moins adaptés. L’ennui, avec la notion d’un investissement satellite, est que cela induit des ajustements fréquents et donc des erreurs dans le timing d’investissement.

En effet, qui dit «satellite» dit «tactique» alors que, pour ce type de fonds, il faut privilégier une approche de long terme et faire évoluer ses positions de manière régulière et mesurée plutôt que de procéder à des réallocations soudaines. Les fonds satellites sont souvent les premiers arbitrés, et parfois au plus mauvais moment.

Comment construisez-vous l’univers d’investissement ?

Eric Biassette : Sur la thématique des valeurs moyennes, c’est assez simple, puisque la capitalisation boursière est le principal critère. Nous sommes ensuite vigilants quant à la liquidité et à la capacité à constituer une ligne et à la vendre dans des délais raisonnables.

Pour notre fonds GIS European Equity Recovery, l’approche d’investissement est assez stricte et limitée aux quatre pays d’Europe du Sud. Au sein de l’univers, nous avons exclu des sociétés internationales, comme Inditex. Nous investissons uniquement dans des sociétés qui bénéficient du redressement économique de ces pays. Nous avons ensuite une approche de stock picking : analyse fondamentale, rencontres avec les dirigeants, valorisation par actualisation des cash-flows.

Pour ce qui concerne la thématique du vieillissement de la population (GIS SRI Ageing Population), nous avons défini trois piliers d’investissement : la santé, l’épargne et retraite, la consommation. Au sein de ces piliers, nous avons retenu 13 sous-secteurs d’activités (les soins de la personne, les voyages et loisirs, les suppléments alimentaires et ingrédients, la gestion d’actifs…), tous clairement portés par cette thématique. Pour chaque valeur, nous conservons des études consommateurs mettant en évidence le lien avec le thème. La croissance des entreprises en portefeuille est avant tout tirée par la thématique du vieillissement de la population. Le fonds étant également ISR, nous appliquons en amont un filtre sur l’ensemble des valeurs du MSCI Europe (réalisé par une équipe de six analystes ISR), puis l’équipe de gestion réalise son travail d’analyse et de valorisation, ce qui aboutit à la constitution d’un portefeuille d’environ 50 à 60 valeurs.

Nicolas Beneton : Nous avons chez Robeco une approche opposée. Les cinq thèmes que nous proposons sont liés au développement durable. La croissance fait partie intégrante de la définition du thème. L’appartenance d’une valeur au thème est ensuite définie par son chiffre d’affaires. Quand on parle de gestion ESG, on parle plutôt du comportement des entreprises, alors que, quand on parle de thématiques, on se réfère plutôt aux produits et services qu’elles offrent. Ainsi, nous n’appliquons pas de filtre basé sur des critères ESG et préférons appliquer des exclusions sur certaines activités et mesurer les controverses. Sur le thème du vieillissement de la population, il existe plusieurs leviers de performance mais dans des thèmes plus restreints, nous estimons que cela peut s’avérer problématique de cumuler trop d’approches différentes.

Tous nos fonds thématiques sont gérés de la même façon : nous définissons quatre sous-thématiques, ce qui va permettre une gestion du risque très fine. D’ailleurs, les progrès que nous avons réalisés dans la mesure du risque de nos fonds thématiques constituent la principale innovation ces cinq dernières années. Quand il y a un drawdown dans un fonds, le client veut comprendre pourquoi. Est-ce la thématique dans son ensemble, un titre en particulier ou le positionnement global du fonds ? Avec notre approche, nous pouvons mesurer finement le risque pris tout en restant fidèle au stock picking. Cela nous permet également d’apporter des explications claires lorsque l’équipe de gestion fait évoluer la thématique.

Eric Biassette : Dans la gestion thématique, il faut être irréprochable dans la sélection des valeurs au sein du thème. Un client aura du mal à accepter la présence d’une valeur dans le fonds si son identification au thème est discutable, et ce même si la valeur performe bien. Le client veut être certain que chaque valeur entre dans le thème et nous devons pouvoir le justifier. En effet, le client est convaincu par le thème ; avant de parler de performances, il souhaite s’assurer que nous respectons la thématique.

Nicolas Beneton : Un mouton noir peut suffire à discréditer une thématique !

Vafa Ahmadi : Nous définissons des critères très stricts que nous respectons, car il en va de la crédibilité de notre gestion. Nous devons justifier que la croissance de chaque valeur choisie est bien en rapport avec le thème. En deçà d’un certain seuil d’exposition, nous n’intervenons pas sur la valeur. C’est la garantie contre une tentation très grande de réinventer le monde et de mettre un peu tout dans le fonds. Par ailleurs, nous avons commencé à travailler récemment sur les drawdowns.

Les thèmes ou les sous-thèmes présents dans les fonds vous permettent-ils de vous adapter aux différentes configurations de marché ?

Vafa Ahmadi

C’est une question fondamentale. Si on lance une thématique qui ne fonctionne que dans une certaine configuration de marché, il est probable que le fonds n’existe plus après trois ou quatre phases défavorables de marché. Il faut avoir un univers d’investissement qui donne toute latitude au gérant pour pouvoir au mieux confronter les différentes phases de marché.

A tort ou à raison, nous estimons chez CPR AM que la délégation de gestion est totale. Lorsqu’un client nous confie son argent dans le cadre d’une thématique, il nous incombe de faire tout ce qui est possible, à l’intérieur de la thématique définie, pour dégager la meilleure performance. Cela inclut des rotations sectorielles violentes, comme nous l’avons fait en 2013 par exemple en allant au maximum de notre possibilité d’investir dans des valeurs cycliques.

Eric Biassette

Toute notre approche repose sur le stock picking et la valorisation. Nous ne pouvons pas soudainement arbitrer sur des valeurs cycliques… Nous regardons l’environnement et les opportunités d’investissement dans un univers qui doit être assez large.

Faut-il envisager l’investissement dans des fonds thématiques sur un horizon plus long que pour les fonds actions en général ? Qu’en est-il de la volatilité de ces fonds ?

Eric Biassette

Dans le cadre de la gestion thématique, le client doit avoir en tête un horizon d’investissement de cinq ans ou plus, et ne pas se focaliser sur des événements conjoncturels de marché. En ce qui concerne la volatilité, nos fonds midcaps sont moins volatils que les fonds large caps (diversité des secteurs), contrairement à ce que l’on pourrait croire. La volatilité de nos fonds est généralement relativement faible, car nous privilégions les valeurs de croissance, offrant des perspectives visibles à moyen terme.

Nicolas Beneton

Il est difficile de faire des généralités car, parmi les stratégies thématiques proposées par RobecoSAM, certaines sont plus défensives que d’autres. Elles ne sont pas utilisées de la même façon mais ont toutes un objectif commun : battre un indice de marché standard même si celui-ci n’est pas utilisé pour la construction de portefeuille et pour le suivi du risque. Nous recommandons toujours un fonds sur le long terme afin d’éviter les erreurs de timing déjà évoquées. Il est aussi préférable d’investir régulièrement et par étapes dans des fonds thématiques afin de tirer parti des meilleurs points d’entrée.

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