Zone euro

Les mid et small caps, une classe d’actifs incontournable et prometteuse

Publié le 30 mai 2016 à 15h58    Mis à jour le 21 juillet 2016 à 12h22

Propos recueillis par Catherine Rekik

Les perspectives de croissance s’améliorent dans la zone euro. Mais après un début d’année difficile sur les marchés actions, les investisseurs semblent s’intéresser davantage aux valeurs sensibles à la reprise cyclique. Dans ce contexte, Funds s’interroge sur le comportement des valeurs moyennes depuis le début d’année.

Comment la classe d’actifs se comporte-t-elle depuis le début de l’année ?

Arnaud de Langautier, président, Amplegest : Sur dix-huit mois, du 1er janvier 2015 à fin mai, le CAC 40 dividendes réinvestis a gagné 4,73 %, alors que la plupart des fonds small caps ont enregistré des performances à deux chiffres. Depuis le début de l’année, la classe d’actifs résiste assez bien. Les mid et small caps sont un havre de paix pour l’investisseur, aujourd’hui. Cependant, les souscripteurs (institutionnels ou privés) ont toujours en tête le choc de 2008 – les valeurs moyennes avaient cédé 45 % –, ce qui les retient d’investir davantage dans la classe d’actifs dans un marché un peu chahuté. Les mid et small caps ne sont pas victimes des flux ou des arbitrages internationaux, puisqu’elles sont peu suivies, mais nous avons du mal à convaincre nos clients d’investir plus dans la classe d’actifs.

Les clients ont toujours en tête le choc de 2008. Cependant, il n’y a pas eu non plus de sorties massives de ces fonds en début d’année…

Arnaud de Langautier : Les marchés ont certes corrigé d’environ 20 % sur un an, mais il n’y a pas eu de choc. Les petites valeurs ont notamment été soutenues par la qualité des résultats.

Jean-François Arnaud, gérant, Talence Gestion : Dans des marchés volatils, les valeurs moyennes se comportent généralement mieux que les grandes valeurs. Les large caps ont perdu entre 9 et 10 % contre 3 à 6 % pour les valeurs moyennes, selon les zones, car ces derniers sont aujourd’hui concentrés sur les grandes capitalisations boursières. Par ailleurs, la microéconomie est plutôt favorable aux valeurs moyennes, ce qui permet à la classe d’actifs d’assez bien résister.

Jean-Pierre Mariaud, responsable de l’équipe mid et small caps, CM-CIC AM : Beaucoup de sociétés de cet univers d’investissement ont une activité orientée vers la zone euro et vers la France. Elles bénéficient de la reprise ainsi que de la baisse du chômage. Le consensus est plus positif sur la consommation des ménages en zone euro. Ce qui se traduit directement par les publications plutôt bonnes des résultats pour 2015 ou le premier trimestre 2016. Le potentiel de hausse des marges reste significatif, la zone étant encore loin des pics de marges que nous avons connus. La classe d’actifs a encore une capacité de rattrapage.

Nous n’avons pas d’inquiétude particulière sur la liquidité. En prenant les volumes moyens sur les trois derniers mois, nos fonds sont liquides à plus de 50 %. En 2008, la crise a surtout concerné des fonds très concentrés sur des valeurs peu liquides. La liquidité des fonds a toujours été un critère prédominant dans notre gestion, pour que les souscripteurs puissent entrer et sortir à leur guise.

Arnaud de Langautier : La contrainte de liquidité diffère selon que l’on est une boutique ou une société de gestion d’un grand établissement bancaire. Dans les boutiques, les gérants peuvent investir dans des small peu liquides, contrairement aux fonds distribués dans les réseaux.

Vous rappelez cette problématique de liquidité. Est-ce parce que ce risque est aujourd’hui plus important ?

Arnaud de Langautier : Pour éliminer ce risque de liquidité, il est plus judicieux de souscrire à des fonds de small caps plutôt que directement aux valeurs. Le risque est transféré au gérant alors, que pour ce dernier, ce n’est sans doute pas le critère premier de sélection. En tant qu’allocataire d’actifs, je dois rechercher de la performance tout en gardant à l’esprit la liquidité. Sans ce risque-là, nous pourrions accroître notre exposition à la classe d’actifs au-delà de 20 %.

Didier Roman, gérant, Tocqueville Finance : Les performances des valeurs moyennes ne sont pas du tout homogènes. Quelles que soient les périodes, les performances des valeurs espagnoles ou italiennes sont catastrophiques. Cela s’explique à la fois par la santé de l’économie locale et par le savoir-faire des gérants locaux concernant cette classe d’actifs. En France, les valeurs moyennes ont historiquement été travaillées par des gérants spécialisés. C’est le cas en Allemagne également, où l’économie se porte bien, ce qui permet à la classe d’actifs d’afficher de belles performances.

Quant à la liquidité, elle est faible sur certains titres aujourd’hui mais, si les flux reviennent sur la classe d’actifs, cela aura un impact sur les valorisations car les investisseurs voudront tous les titres de qualité qui ne sont pas achetés aujourd’hui.

Y a-t-il une décote aujourd’hui de la classe d’actifs ?

Arnaud de Langautier : Une étude récente publiée par BNP Paribas souligne que, historiquement, les small caps se traitent avec une prime de 20 % sur les large caps. Aujourd’hui, il y a une décote liée en partie à l’illiquidité de la classe d’actifs. Reste à savoir si elle peut se résorber et à quel horizon…

Jean-François Arnaud : En effet, les small caps bénéficient d’une prime historique de 20 %, contre 7 % seulement actuellement. Il y a donc clairement un potentiel de rattrapage. En ce qui concerne la sous-performance des valeurs d’Europe du Sud, elle est en partie liée à la forte pondération des valeurs financières et du secteur oil & gas. En dehors de ces secteurs, certaines valeurs ont réalisé de belles performances.

Jean-Pierre Mariaud : Nous pouvons parler du comportement global de la classe d’actifs, mais notre métier consiste à faire de la sélection de valeurs. Certaines sociétés d’Europe du Sud ont été restructurées et ont amélioré leurs marges. D’autres ont bénéficié de la reprise de la croissance, ce qui leur a permis de réaliser de beaux parcours boursiers.

Qu’entend-on par «valeurs moyennes» ?

Jean-François Arnaud : Les critères de définition peuvent varier d’un indice à l’autre ou d’un pays à l’autre. En ce qui nous concerne, nous nous intéressons aux capitalisations boursières supérieures à 100 millions d’euros, pour éviter les problèmes de liquidité, et inférieures à 5 milliards.

Didier Roman : Dans notre gamme principale, nous sélectionnons des valeurs qui capitalisent moins de 5 milliards d’euros. Dans le fonds PEA-PME, nous investissons dans des petites valeurs.

Arnaud de Langautier : Notre fonds small caps investit dans des titres dont la capitalisation moyenne est autour de 500 millions d’euros, à l’exception de quelques grosses capitalisations qui permettent d’assurer la liquidité du fonds et de suivre les indices. Nos fonds ne sont pas benchmarkés mais, néanmoins, tout le monde regarde les indices.

Jean-François Arnaud : La clientèle privée est plus sensible à l’aspect patrimonial et à des pertes potentielles. Elle va s’intéresser surtout aux classements des fonds, alors que l’investisseur institutionnel regarde à la fois le classement, les indices et la taille du fonds.

Quels sont les principaux atouts de cette classe d’actifs ?

Jean-Pierre Mariaud : Les valeurs moyennes sont avant tout des valeurs de croissance. Elles sont souvent concentrées sur une activité et donc plus lisibles que les grands groupes. Elles ont des capacités importantes de développement, tant au niveau de nouveaux produits ou services que de nouvelles zones géographiques. La qualité du management définit également une bonne valeur moyenne. Dans nos fonds, nous avons tendance à privilégier des managements investis de façon patrimoniale dans la société.

Arnaud de Langautie : Les small caps sont avant tout des histoires de managers faciles à vendre aux clients. Ce sont des sociétés dont les comptes sont plus lisibles et sur lesquelles les gérants ont une bonne visibilité.

Jean-François Arnaud : L’univers d’investissement est sensiblement plus étendu que celui des large caps. Dans la zone euro, on compte entre 1 800 et 2 000 valeurs qui capitalisent entre 100 millions et 5 milliards d’euros. La typologie de valeurs est très variée : beaucoup de valeurs de croissance, mais aussi des valeurs cycliques, des valeurs de rendement ou de retournement. Il y a de belles histoires de sociétés avec un modèle de croissance simple. La classe d’actifs est par ailleurs plus immune à la macroéconomie que les grandes valeurs.

Didier Roman : L’innovation est une caractéristique importante de cet univers d’investissement. Prenons l’exemple du gisement des biotechs, qui pèse 10 milliards d’euros. Dans cette classe d’actifs, il y a aussi des spécificités comme la promotion immobilière, qui n’existe qu’en France.

Dans ces sociétés, le management est souvent actionnaire. C’est un critère important en cas de changement de contrôle : quand une famille cède sa société, elle la vend au vrai prix !

Jean-Pierre Mariaud : L’innovation est effectivement un point essentiel. Dans le cas des biotechs, nous investissons dans de la R&D pure mais, dans tous les secteurs, une société doit être capable d’apporter un produit différenciant.

Didier Roman : Certaines sociétés vont bénéficier de nouvelles normes ou réglementations. L’utilisation du chlore va être prochainement interdite : il faut donc trouver un nouveau procédé pour le remplacer. C’est du ressort d’une PME. De même, dans le secteur de l’automobile, les petites entreprises sont plus en avance que les grandes dans la recherche sur les émissions.

L’univers d’investissement étant très large, comment un gérant de valeurs moyennes travaille-t-il ?

Jean-Pierre Mariaud : Le travail du gérant commence par un screening quantitatif sur la base d’un certain nombre de critères. S’ensuit un travail d’appréciation du management qui repose sur des rencontres régulières. Notre équipe rencontre environ 400 sociétés par an. Nous devons avoir la conviction que le management veille à la bonne exécution de la stratégie. Nous réalisons également beaucoup de visites de sites pour comprendre les aspects opérationnels.

Jean-François Arnaud : L’expérience permet d’avoir un bon niveau général de connaissances sur la classe d’actifs. Après l’application de filtres quantitatifs, la rencontre avec le management et l’analyse financière sont essentielles. Ce n’est qu’après la rencontre avec les dirigeants que nous validons ou pas une décision d’investissement dans une optique de moyen/long terme.

Didier Roman : Au-delà des rencontres avec le management, il y a aussi tout ce que nous pouvons lire sur l’innovation. Des sociétés peuvent se prétendre très innovantes, mais quelques recherches permettent de valider que leurs innovations intéressent effectivement des clients. Nous rencontrons également des organisations syndicales ou patronales ainsi que les intervenants sur les salons professionnels pour bien comprendre l’environnement dans lequel évoluent certaines sociétés. Nous rencontrons parfois des patrons de sociétés étrangères qui nous apportent un éclairage intéressant sur des sociétés françaises.

Arnaud de Langautier : Dans les petites sociétés de gestion, les gérants des différentes classes d’actifs échangent beaucoup entre eux et rencontrent nombre de dirigeants facilement accessibles, ce qui permet aussi d’identifier des opportunités d’investissement. Le travail d’équipe est très important dans cette classe d’actifs, ainsi que la qualité de la recherche que l’on a en interne.

Existe-il des caractéristiques propres à certains marchés européens ? Quels sont les marchés qui offrent le plus d’opportunités ?

Jean-François Arnaud : Chacun de nos fonds sur cette classe d’actifs a ses spécificités. Le client peut ainsi choisir d’investir soit dans des valeurs françaises soit dans un fonds exposé à 70 % à des valeurs de la zone euro.

En ce qui concerne l’allocation géographique, depuis fin 2015, j’ai sensiblement augmenté l’exposition du fonds à l’Europe du Sud pour jouer un scénario de reprise économique dans la zone euro. Certaines valeurs italiennes ont souffert, mais d’autres ont bien performé.

De façon globale, les valeurs européennes ne sont pas considérées comme particulièrement bon marché. Est-ce le cas des valeurs moyennes ?

Jean-François Arnaud : Nous parlons d’un univers dans lequel tout se mélange. L’Euro Stoxx Small Index comporte par exemple 25 à 30 % de valeurs financières, ce qui plombe toute signification de valorisation. J’ai donc plutôt tendance à regarder la valorisation de mon portefeuille que la valorisation d’un indice qui intègre beaucoup de choses.

Par ailleurs, une valorisation doit se rapporter à la croissance sous-jacente. Or, les perspectives de croissance sont assez dynamiques. De plus, les dernières opérations financières font ressortir des primes comprises entre 30 à 40 %. Une acquisition réalisée par un industriel n’est pas un simple aller-retour mais bien une opération stratégique. S’il est prêt à payer 30 ou 40 % de prime, c’est bien que la cible a du potentiel. C’est assez rassurant, comparé à des valorisations qui pourraient sembler un peu élevées sur les marchés. La valorisation n’est pas un problème pour moi aujourd’hui.

Didier Roman : Parmi tous les chefs d’entreprise que je rencontre, je n’en vois pas de particulièrement inquiet. Je suis plutôt confiant sur les perspectives de résultats des valeurs moyennes.

Arnaud de Langautier : Dans cette classe d’actifs, la croissance est plus importante que la valorisation. Tous les gérants de valeurs moyennes sont prêts à payer une petite prime pour des belles histoires de croissance. Actuellement, la plupart des gérants de mid et small caps ont des idées d’investissement, ce qui n’est le cas lorsque les marchés sont chers.

Malgré les échéances politiques et l’environnement de marché, les dirigeants de PME que vous rencontrez régulièrement vous paraissent donc plutôt confiants…

Didier Roman : Dans le secteur des SSII, les dirigeants sont très confiants. Le numérique entraîne de grands bouleversements qui profitent à ceux qui se sont positionnés sur ce secteur. Un cycle d’investissement s’est enclenché.

Jean-François Arnaud : Le premier trimestre 2016 a réservé des bonnes surprises en matière de publication. Cependant, les dirigeants sont assez réservés concernant les perspectives, compte tenu d’une macroéconomie médiocre. Ils maintiennent donc un message prudent. Les carnets de commandes sont également très courts. La visibilité est moins bonne que par le passé.

Arnaud de Langautier : Beaucoup de valeurs moyennes profitent de l’essor de l’e-commerce, où se trouve l’innovation. Elles prennent des parts de marché importantes. En Allemagne, la société Zooplus est spécialisée dans les produits animaliers, un marché très atomisé. Cette plateforme rencontre un formidable succès.

Jean-Pierre Mariaud : Globalement, la croissance est assez modérée en France et dans la zone euro. Cependant, nous assistons à une modification en profondeur des structures de consommation. Zooplus en est un excellent exemple. Prenons le cas également du textile, un secteur qui ne marche pas très bien en raison notamment des conditions climatiques, où Zalando ou Showroomprive affichent des taux de croissance de 20 à 30 %. Il y a un déplacement des modes de consommation et des comportements des agents économiques. Autre exemple avec Wirecard : nous ne consommons pas plus, mais nous payons de façon différente via Internet ou via un mobile. Toutes les sociétés positionnées sur l’émergence de nouveaux segments économiques – notamment les valeurs moyennes – en bénéficient. Il faut cependant s’assurer que le modèle économique soit valable. Dans l’e-commerce, il y a quand même eu des mauvaises expériences.

Les valeurs moyennes sont des cibles potentielles d’OPA. Y a-t-il beaucoup d’opérations actuellement ? Est-ce un critère de sélection ?

Jean-François Arnaud : J’achète une histoire et non pas une opération capitalistique ! Il est impossible de déterminer le timing d’une OPA. Cependant, depuis 2014, les opérations en M&A affichent des montants records dans le monde. Dans la zone euro, nous constatons une accélération des opérations depuis fin 2015 avec des primes importantes.

Didier Roman : Il y a quand même de grands mouvements de concentration dans certains secteurs comme dans l’hôtellerie, par exemple, ou dans la cybersécurité.

Y a-t-il un bon timing pour investir dans la classe d’actifs ?

Jean-Pierre Mariaud : Aux Etats-Unis, le marché le plus ancien des mid et small caps, l’exposition à classe d’actifs des grandes gestions est d’environ 20 %. Les allocataires d’actifs devraient avoir une exposition structurelle aux valeurs moyennes, car c’est un segment de la cote qui progresse plus rapidement et dans lequel on trouve les innovations de rupture.

Arnaud de Langautier : C’est une classe de base dans une allocation. Un investisseur audacieux profitera des chocs de marché pour investir dans la classe d’actifs. Dans un contrat d’assurance vie, l’allocation d’un particulier peut aller jusqu’à 30 %. Il faut certes être patient, mais cette classe d’actifs crée beaucoup de valeur sur le long terme.

Jean-François Arnaud : Le market timing est très compliqué. L’investisseur le plus pertinent est celui qui investit régulièrement dans la classe d’actifs et qui va profiter des baisses de marché pour accroître son exposition. Pour un client particulier, une exposition de 10 à 20 % en valeurs moyennes me paraît judicieuse.

Didier Roman : Les prochaines échéances (Brexit, élections en Espagne, hausse des taux) font peur aux investisseurs, mais je suis convaincu que la chance sourit aux audacieux. Les marchés ont baissé de 12 % : c’est le moment d’investir. 

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