La pertinence des critères ESG, pour un investissement responsable et durable

Publié le 28 mars 2018 à 17h06

Christine Jeanclos

Au cours des trente dernières années, les chercheurs ont débattu et analysé la manière d’investir en intégrant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur façon de penser, y compris en clarifiant les définitions des termes, la corrélation et la causalité entre les mesures ESG et la performance financière de l’entreprise, et les implications de l’investissement ESG pour différentes parties prenantes.

La recherche initiale souffrait d’incohérence dans la définition des données ESG, mais au fil des ans, les données sur les facteurs ESG se sont améliorées, et le domaine d’étude s’est élargi : des pays développés aux pays en voie de développement, et des entreprises à grande capitalisation boursière aux sociétés de petite capitalisation.

Initialement, la recherche portait principalement sur des données plus simples et objectives liées à la gouvernance de l’entreprise, telles que la composition, l’indépendance, la diversité et la rémunération du conseil d’administration. La validité de la gouvernance comme stratégie de négociation profitable a été établie dans une étude de Gompers et al. (2003) qui a montré que les entreprises bien gouvernées obtiennent de meilleures performances que celles qui sont mal administrées.

La recherche empirique sur les aspects « E » et « S » est moins concluante. D’une part, Derwall et al. (2005) ont documenté une relation positive entre les actions efficientes sur le plan environnemental et les rendements de marché.  D’autre part, Brammer et al. (2006) ont montré que les dépenses de capital affectées à certaines activités sociales de l’entreprise sont destructrices de valeur pour l’entreprise.

A l’avenir, les données ESG devraient devenir plus cohérentes et plus abondantes, et les normes de comptabilité sont susceptibles de s’aligner davantage sur les facteurs ESG, changeant ainsi le contexte global dans lequel prennent forme la définition, la formulation et l’investissement responsable.  Cela laisse donc augurer une nouvelle génération de recherches empiriques sur le sujet.

Un changement majeur intervenu dans la recherche ESG a été l’attention portée à la pertinence, c’est-à-dire, l’ajustement des indicateurs de mesures par secteur permettant d’assurer que seules les données disponibles liées à la valeur financière soient utilisées dans les évaluations ESG.

L’équipe Active Quantitative Equity (AQE) de State Street Global Advisors estime que certains indicateurs ESG sont applicables dans la plupart des entreprises. Il s’agit notamment des politiques environnementales, de l’empreinte carbone et des émissions de gaz à effet de serre. Les questions sociales intersectorielles comprennent des sujets comme le traitement des clients et des employés de l’entreprise. Pour les questions de gouvernance, citons la qualité et l’efficacité du conseil d’administration et la qualité du comité d’audit.

En outre, de nombreux autres indicateurs ESG concernent des secteurs spécifiques. Par exemple, la question environnementale liée à la mesure de la proportion du portefeuille immobilier investi dans des bâtiments durables ne concerne que les entreprises qui détiennent de l’immobilier. Une question sociale comme la politique sur les dons de médicaments n’est pertinente que pour les entreprises dans le secteur de la santé impliquées dans le développement et la vente de médicaments. Une telle analyse ciblée permet non seulement de rendre les facteurs ESG plus pertinents par leur contextualisation, mais aussi de diminuer la possibilité de « greenwashing », procédé par lequel les entreprises se concentrent sur des sujets ESG faciles à maîtriser mais sans lien pertinent avec leur activité.

Le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) développe des normes pour identifier des sujets et des mesures sectorielles pertinentes pouvant être utilisés par les entreprises et les investisseurs pour déterminer les informations ESG à inclure dans leurs déclarations financières et les analyses d’investissement.

Les avantages d’une approche fondée sur la pertinence ont été confirmés dans une étude publiée en 2015 par Khan et al. (2016) dans laquelle les auteurs ont utilisé la cartographie SASB afin de  produire un score pour chaque entreprise mesurant uniquement les questions de durabilité pertinentes et ont montré qu’une telle approche peut produire des rendements de portefeuille positifs. Ces travaux ont donné crédit au concept de l’investissement responsable tel qu’il est défini dans les Principes pour l’investissement responsable (PRI) qui stipulent que l’utilisation de facteurs ESG peut apporter de meilleures performances d’investissement sans faire aucune revendication pour des raisons morales ou éthiques.

Les améliorations dans la disponibilité et la qualité des données, l’apport de données uniques, l’évolution des normes de reporting ESG et la croissance de nouvelles techniques de gestion des données, comme l’intelligence artificielle, sont autant d’indications que la recherche ESG a un bel avenir devant elle.

Nous pensons que l’intégration d’indicateurs ESG pertinents en complément des autres indicateurs classiques de l’analyse financière constitue une puissante combinaison qui offre un potentiel de surperformance à long terme. Contrairement à de nombreuses méthodes traditionnelles de sélection de titres, l’investissement ESG en est encore à son stade embryonnaire, avec des normes et des données en évolution dans l’industrie. Pour le groupe Active Quantitative Equity (AQE) de SSGA, ces enjeux sont en réalité une opportunité d’employer toutes les capacités de recherche disponibles afin de développer un cadre de recherche continue sur l’investissement ESG.

 

Christine Jeanclos

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