GroKo – tristesse allemande ?

Publié le 23 février 2018 à 16h19    Mis à jour le 28 février 2018 à 15h29

Hans-Helmut Kotz

Dans ces jours, le sort de la chancelière Merkel et, d’une certaine manière, d’une Allemagne politiquement ennuyeuse se joue. Les membres du Parti sociaux-démocrates votent sur le contrat de coalition – conclus entre les chrétiens démocrates (CDU), les chrétiens-sociaux (CSU, leur parti sœur bavaroise) et la SPD – d’établir un nouvel gouvernement. Ce nouvel essaie de créer une grande coalition (große Koalition – d’où l’acronyme un peu infantile GroKo) – entre les deux Volksparteien, les pas si grands rassembleurs de votes centre-droite et centre-gauche – était, toutefois, saluer avec beaucoup de réticence.

Surtout en Allemagne. Dans les médias, il est difficile de trouver des défendeurs de la GroKo. Les évaluations du contrat étaient presque uniquement négatives. Pas assez d’ambitions ou des réformes. Surtout, les mêmes visages, si gris – et si pragmatique, en manque de vision.

Aussi dans la presse étrangère, les voix déçus dominaient. L’Economist (10 février) titrait d’un réchauffage de la Groko, le Monde (9 février) voyait « une grande coalition dans la douleur », et il sole-24 ore (15 février) fait le diagnostic d’une Merkel en déclin – aboutissant, en fin de compte, « à l’ascension de M. Macron au leadership de l’union européenne et de la zone euro ». Qui sera bon pour la France et l’Europe ?

Seule, la Financial Times (8 février) n’est pas complètement chagriné. Constatant que la SPD a reçus des concessions important de la chancelière – incluant une approche plus dynamique envers l’intégration de la euro zone – elle salue la perspective d’une période de gouvernement stable durant laquelle « l’Allemagne peut préparer la succession éventuelle de la chancelière ».

Très britanniques, la FT aussi fait une remarque sur les circonstances des partenaires – leurs perspectives politiques (du moins) de court terme – et l’alternative « Jamaïque » (noire – CDU-CSU, jaune – libéraux et vert – vert) qui a échoué.

En ce qui concerne les perspectives : Selon les sondages les plus récents, au moment, le centre droite-gauche ne tient plus. Elle est au-dessous de la barre de 50 pourcent. L’extrême droite allemande est tète en tête avec la SPD, entre 16 et 18 pourcent des intentions de votes. (Dans une interview au Monde (16 février) le chef du Movimento Cinque Stelle italien soulignait que c’était exactement « le mérite (de M. Macron) d’avoir réduit le poids des partis traditionnels français ».

Pour le répéter brièvement, l’alternative Jamaïque, que nous avons décrite dans la colonne précédente, serait beaucoup moins positive pour l’euro zone. Les libéraux préféraient une restructuration de la dette publique automatique, des exits des états-membres temporaires et la clôture du mécanisme de stabilisation européen. Tous ces propos auraient laissé flotter les doutes, nourrissaient les soupçons, surtout dangereux dans les situations ambiguës. En conséquence, en situations de crises, ces propos seraient assez difficiles pour les pays membres petites (avec des marchés financiers étroits) ou les grands pays fragiles. Pour ces pays membres, une telle architecture impliquait un désavantage structurel : pour compenser le risque, l’incertitude, des taux d’intérêts structurellement plus élevés.

Dès lors, d’une perspective européenne, la GroKo est une promesse. Il n’est pas seulement symbolique que le titre du contrat est « une nouvelle départ pour l’Europe, une nouvelle dynamique pour l’Allemagne… ». Et les toutes premiers pages sont dédiés au renouvellement de l’Europe. Ces promesses sont assez concrètes, détaillées, incluant des « investissements dans l’Europe », un renforcement de la politique de cohésion, une approche commune pour les salaires minimaux ainsi que les systèmes de minima sociaux, la lutte contre le dumping impôts, l’harmonisation des bases d’impôts ainsi des taux minimales pour les taxes d’entreprise, des moyens budgétaires spécifiques pour la stabilisation économique…et aussi des contributions plus important pour le budget de l’union.

En même temps, le programme laisse plus d’espoir pour une politique budgétaire moins restrictive. Il y aura davantage d’argent pour les pensionnaires, les familles avec enfants – mais aussi pour des investissements dans l’infrastructure, les capacités internets etc. 46 Mrd d’Euro de plus – en restant dans les limites d’une politique budgétaire saines. Faut pas faire nourrir des espoirs trop roses : le ministre de la finance du SPD ne serait pas laxiste, pas du tout. En même temps, avec un surcroit de la demande interne, le surplus allemand dans la balance courante va diminuer.

Probablement, c’était surtout la SPD qui insistait sur ces positions. Et tout cela ne devoir pas plaire à tous. N’importe, maintenant c’est dans le traité et, peut-être curieusement, ces contrats sont pris au sérieux à Berlin. C’est aussi la raison pour laquelle les adversaires de certaines mesures ou approches ont lutté si farouchement contre le contrat. Il est intéressant de constater que les opposants les plus engagés viennent de certains secteurs du patronat et de l’aile économique des conservateurs – et des jeunes socialistes.

Les grands partis allemands sont en désarrois, la SPD en chute libre. D’une certaine perspective, une normalisation européenne, y inclus l’éclatement des partis socialistes dans beaucoup des pays membres de l’UE. De toute façon, si les membres de la SPD votent pour la GroKo, les vieux schémas critiqués par le leader du cinque stelle, qui ne sont pas si mauvaise en vue d’alternatives, ouvrent une fenetre d’opportunité, surtout pour l’Europe.

On va voire mieux dès le 4 mars, après le vote est tenus.

Hans-Helmut Kotz Center for European Studies ,  Harvard University

Hans-Helmut Kotz est Center for European Studies à Harvard University

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