La gestion de trésorerie en mode crise

Publié le 27 juin 2014 à 11h37    Mis à jour le 27 juin 2014 à 17h32

H. de La Bruslerie

Y a-t-il une spécificité de la gestion de trésorerie en période de crise ? Nous faisons bien évidemment référence à la période actuelle où il est d’usage d’évoquer à la fois la conjoncture économique médiocre, la raréfaction du crédit bancaire et les difficultés des PME.

Des sources de financement démultipliées

La réponse à des difficultés de financement consiste à trouver du cash à tout prix.  La recette traditionnelle consiste à trouver des gisements internes grâce à la réduction du besoin en fonds de roulement. Réduire les stocks, réduire les créances clients, faire appel au crédit fournisseurs : rien de cela est nouveau et les entreprises qui avaient des marges d’action au ce niveau ont pris les mesures nécessaires. Il existe des limites à une réduction drastique du BFR. L’entreprise doit conserver une certaine maîtrise de sa relation clientèle. De même pour les stocks : l’important est de pouvoir séparer le contrôle, au sens de la maîtrise de la supply chain, et le portage financier des stocks. Souvent, on ne maitrise bien les stocks que si on en est propriétaire. Il faut alors les inscrire à son bilan. Toutes les PME ne peuvent pas faire comme les grands constructeurs automobiles qui exigent de leurs fournisseurs qu’il constituent des stocks de produits déjà livrés au sein même de leurs usines, ces stocks restant la propriété juridique des fournisseurs.

Plusieurs techniques permettent de reporter le poids du financement du BFR sur les partenaires tiers usuels de l’entreprise. Le recours au crédit fournisseurs a été un grand classique connu. Cependant depuis la loi NRE, les relations de crédit inter-entreprises se sont rééquilibrées.

L’allègement des postes clients par les techniques de l’affacturage, de la titrisation et du factoring inversé présente le grand intérêt de déconsolider. L’affacturage est souvent une technique de financement qui vient compléter d’autres formes de financement par crédit en mettant en place un crédit sécurisé pour le prêteur, car assis sur des créances clients, et sécurisé pour l’entreprise sous forme d’une ligne faisant l’objet d’un engagement. Ces financements s’insèrent assez bien dans la notion de pool bancaire les banques calculent leurs positions en risque de crédit en globalisant leurs interventions sur leurs clients quel que soit le contrat juridique support d’un financement (crédit, garantie, affacturage…).

L’appel aux nouvelles sources de financement non bancaire est une nouveauté qui concerne surtout les grandes entreprises. Placement privés, emprunts obligataires sont des formules d’actualité. Cependant le pré-requis de la notation pose un réel problème à de nombreuses PME et ETI. Cet obstacle est, semble-t-il, en train de se lever comme le montre l’exemple de l’émission obligataire de Vilmorin.

La gestion de trésorerie dans un contexte de taux zéro

Les trésoriers membres de l’AFTE, aujourd’hui à la différence d’hier, se sentent plutôt à l’aise. Des raisons conjoncturelles d’absence d’investissement expliquent un peu mécaniquement cette situation « cash » favorable.

Celle-ci a des conséquences importantes sur le mode de gestion des liquidités :

  • Les taux directeurs à court terme sont quasi nuls. Les OPCVM monétaires en euro ne rapportent rien. Comment placer ses liquidités ? Allonger ses placements pour toucher la pente des taux n’a pas de sens lorsque les taux des Bons du Trésor à 4 ans sont de  0,30%.

  • Il faut gérer la trésorerie dans un contexte où l’arbitrage placement/découvert perd son sens. Traditionnellement l’erreur de surmobilisation était couteuse et l’erreur de sous mobilisation, peu couteuse. L’asymétrie des gains et des pertes donnait lieu à la règle  « gérer la trésorerie zéro par le bas ». Pour l’entreprise structurellement créditrice d’aujourd’hui, l’inverse devient vrai: l’erreur de surmobilisation a un coût nul. Il faut maintenant gérer la trésorerie zéro « par le haut » avec des balances structurellement créditrices et inemployées. Peut-être cela explique-t-il (pour partie) les montants colossaux de liquidités détenues par les grandes entreprises mondiales. On évoque 1000 à 2000 milliards de dollars de « cash » qui sont en attente stratégique.

  • La dernière enquête de trésorerie COE-Rexecode met en évidence que la demande des trésoriers porte sur la mise en place de lignes de crédit à moyen terme pour sécuriser l’approvisionnement en cash. La conséquence logique est que cette option de liquidité, très demandée, coute plus cher aujourd’hui. Les commissions de non-engagement sont en hausse et peuvent représenter un tiers du spread  de crédit au-dessus de l’indice monétaire. On comprend qu’il s’agit d’un sujet sensible pour les banques car les ouvertures de crédit entrent dans le calcul des régulateurs bancaires. Ultime paradoxe de la situation actuelle : aujourd’hui un enjeu majeur pour les trésoriers est de négocier les commissions d’ouverture de crédit plus que le niveau des spread de crédit.
H. de La Bruslerie

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