Les dividendes des actions françaises sont-ils si indécents ?

Publié le 28 mars 2014 à 17h27    Mis à jour le 26 août 2014 à 10h36

Jean-Luc Peyret

par Jean-Luc Peyret, président de RBB Training et membre de la DFCG

Les groupes du CAC 40 ayant quasiment terminé de publier leurs résultats, il est possible de se pencher sur les dividendes servis qui, dans leur majorité, sont en croissance par rapport à 2013 (de + 1 % pour Sanofi à + 55 % pour la Société Générale). La médiane des rendements de l’échantillon représentatif des groupes qui ont publié au premier mars 2014 s’établit à 2,3 %, chiffre que nous retiendrons pour la suite des commentaires. Une fois déduit l’incidence des prélèvements sociaux et de l’abattement de 40 %, on obtient un rendement net d’IRPP de 1,75 % ou de 1,53 % selon la tranche marginale d’IRPP (14 % ou 30 %).

Pas de quoi fouetter un chat ! Ces taux sont à rapprocher des 1,25 % servis aux détenteurs du livret A. Il est donc établi que le rendement médian servi aux actionnaires est donc fort raisonnable quand on le met en perspective avec :

- celui du livret A ;

- le risque encouru par l’actionnaire (qui n’a aucune garantie sur le capital investi) ;

- le tapage médiatique peu recommandable qui entoure le profil psychologique de l’actionnaire.

Sartre disait en son temps : «Les mots sont comme des pistolets chargés : quand on parle, ils partent.» C’est particulièrement vrai en France : on parlera d’«épargne» pour un placement à la caisse d’épargne et de «capital» pour la même somme placée en actions. Certes, les gros portefeuilles d’actions sont concentrés en quelques mains (par définition), mais la même concentration s’observe sur les livrets d’épargne «populaire», la grande majorité d’entre eux étant loin d’être remplis au maximum (22 950 € pour le livret A et 12 000 € pour le LDD).

On oublie trop souvent que les actionnaires individuels sont avant tout des épargnants, et que la modestie de leur portefeuille (sauf exception des grandes fortunes) leur interdit de jouer un quelconque rôle dans la gouvernance des sociétés dont ils sont actionnaires. Ajoutons que le portefeuille détenu se situe en moyenne bien en dessous des montants que leur attribue l’inconscient collectif de nos concitoyens : si l’on prend l’exemple d’Air Liquide (où les actionnaires individuels représentent un record de 37 % du capital), on constate que le portefeuille moyen détenu à la fin de 2012 était de 253 actions, soit environ une valorisation de 25 300 € (légèrement plus que la limite du livret A).

A la réflexion, on s’aperçoit que ce n’est pas tant le montant détenu en actions qui provoque l’ostracisme de nos compatriotes (petits actionnaires «toujours vertueux» opposés aux gros actionnaires «toujours sans cœur»), mais bien le pouvoir (réel ou supposé) prêté aux actionnaires : sans cela, comment expliquer que les obligataires ne suscitent aucun intérêt, aucune haine, aucune littérature ? Mais voilà : l’obligataire (même s’il passe avant l’actionnaire en cas de liquidation) ne peut pas vendre la société, et surtout pas déclencher de plan social.

En conséquence, vu notre fiscalité «punitive», l’étau fiscal n’a fait que se resserrer autour de l’actionnaire depuis ces dernières années : accroissement des prélèvements sociaux, disparition de l’abattement fixe (qui a eu pour effet immédiat de pénaliser les petits actionnaires), et inclusion de la plus-value de cession (mais pas la moins-value) dans le revenu fiscal de référence (qui sert lui-même de base aux abattements de taxe mobilière). Récemment, suite aux déclarations du président du Medef selon lesquelles les baisses de charges promises dans le cadre du pacte de responsabilité pourraient même servir à distribuer des dividendes, Karine Berger s’est emportée en disant que «c’était contraire à l’esprit du pacte», donc «inacceptable».

Mais qui va vérifier ce que font les entreprises depuis 2001 des abattements pour les bas salaires dont elles bénéficient depuis le passage aux 35 heures pour absorber la hausse de 11 % du taux de l’heure ? Les différents gouvernements ont bien fini par reconnaître qu’il ne fallait pas trop tirer sur la corde, puisqu’à titre d’exemple le Qatar a été exempté en 2008 d’imposition sur les plus-values immobilières et les gains en capital. Il est à souhaiter que le futur pacte de responsabilité commence à admettre que le capital est aussi indispensable à la création d’emplois que les entrepreneurs, dont on (re)commence à reconnaître l’utilité…  

Jean-Luc Peyret

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