La directive MIF 2 bouscule la relation producteur/ distributeur

Publié le 30 juin 2017 à 18h09    Mis à jour le 4 juillet 2017 à 15h50

Jean-Marie Catala

Le texte européen qui entrera en vigueur début 2018 est l’occasion d’une remise en cause salutaire à bien des égards. Mais le chantier est ambitieux !

Sociétés de gestion et distributeurs sont à l’aube d’une profonde révision de leurs modes de relation dans la perspective de la mise en œuvre, en janvier prochain, de la directive MIF 2. Les sujets couverts par cette nouvelle réglementation européenne sont multiples, mais plusieurs touchent directement la nature de leur collaboration. Les textes ne sont pas toujours impératifs concernant les gérants d’actifs, mais en faisant peser sur le distributeur de nouvelles tâches, le régulateur impacte nécessairement le producteur.

Des alertes en cas de variation des marchés

Comme cela a déjà été beaucoup dit, abandonner le statut d’indépendant ne suffira pas au distributeur pour continuer à percevoir des rétrocessions de commission, qui sont encore aujourd’hui au cœur du modèle économique d’une forte proportion d’entre eux. Il lui faudra démontrer une amélioration du service rendu à son client, qui justifiera une rémunération. L’adéquation du produit au profil de l’investisseur devra non seulement être évaluée au moment de la souscription, mais aussi tout au long de sa détention. Sa pertinence devra être analysée en permanence, au regard de l’évolution du profil du souscripteur et de l’évolution des marchés : la démarche à ce sujet est très encadrée, puisqu’il est dit que le client d’un mandat de gestion devra être alerté de chaque variation significative de sa valorisation (précisément, une chute de valorisation de plus de 10 % depuis le dernier reporting devra déclencher une alerte).

Le rôle de la société de gestion consistera donc à «alerter» elle-même ses distributeurs afin qu’ils remplissent bien ce devoir. Cette action nécessitera une forme d’agilité, car il est à craindre qu’elle soit pro-cyclique. Le risque est en effet qu’au vu de cette information, les investisseurs souhaitent tous couper dans un même élan leurs positions et ainsi «sortir» au plus bas, ce qui serait contraire à leurs intérêts. Une bonne concertation gérant-conseiller-client final s’imposera donc dans ces moments cruciaux.

A travers le distributeur, le rôle du producteur est renforcé

Par ailleurs, l’un des grands chantiers à mettre en œuvre, afin de bien se conformer à la directive MIF 2, est celui de la gouvernance produits. Le distributeur devra définir à quelle cible de clients est destiné un produit. Pour ce faire, le régulateur européen l’encourage à se rapprocher des «producteurs».

Cependant, en pratique, cette définition de la cible de clientèle va incomber aux sociétés de gestion, qui se feront un devoir commercial de la livrer «clé en main», produit par produit, à leurs partenaires. Aussi les acteurs français de l’asset management qui ont des accords avec des distributeurs paneuropéens ont-ils décidé, à travers l’AFG (Association française de la gestion financière), de plaider pour une harmonisation au niveau européen des critères en matière de gouvernance produits. La crainte était que chaque acteur local interprète à sa façon les textes, au vu du contexte de son marché.

Cet appel a été entendu et toutes les parties prenantes se sont mises d’accord pour l’élaboration de cinq critères, qui ont été validés par l’Esma, le régulateur européen. Il s’agit notamment de distinguer les différents types de clients (professionnels/non-professionnels), leur capacité plus ou moins grande à supporter des pertes ou les différents types d’expériences et de connaissances : connaissance basique, investisseur informé et investisseur expérimenté. Le régulateur a néanmoins accepté qu’un produit puisse être vendu en dehors de sa cible de clientèle pour des raisons de diversification ou de couverture.

Avec MIF 2, ce sont toutes les conventions de distribution qui seront revues, afin de prendre en compte le statut du distributeur (indépendant ou pas), de préciser les modes opératoires et d’établir les rôles et les responsabilités des parties. Ce nouveau mode de relation producteur/distributeur prendra aussi en compte le rôle désormais majeur des plateformes, dont la responsabilité doit aussi être bien déterminée. C’est donc finalement une relation tripartite que les acteurs devront préciser. 

Jean-Marie Catala

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