Des stress tests pour les banques centrales ?

Publié le 7 octobre 2016 à 18h08

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

Et pourquoi pas ? Pourquoi ne pas demander aux banques centrales de subir les mêmes examens de santé et les mêmes tests d’effort que ceux qu’elles font subir aux banques commerciales ? Chaque année, en effet, les banques centrales envoient aux banques dont elles assurent la surveillance une série d’épreuves dont elles doivent sortir victorieuses. Il s’agira d’une récession, d’une montée des taux longs, d’une baisse de la bourse, d’une montée des créances douteuses notamment. Quelque temps après, les banques centrales ramassent les copies. Elles demandent à telle ou telle banque, en difficulté théorique, d’augmenter au plus vite ses fonds propres, sachant que toutes, avant l’examen, ont déjà fait leur possible pour améliorer leur situation et renforcer leur bilan.

Pourquoi ne pas demander alors quelle serait la situation des banques centrales, si elles étaient soumises à ce même scénario ? Le risque est en effet celui d’une boucle entre détérioration des banques et fragilisation de la banque centrale. Jusqu’où ?

Sans aller si loin, on pourrait s’interroger sur les effets à moyen et long termes des politiques que mènent actuellement les banques centrales. Elles achètent toutes des bons du Trésor, autrement dit prennent des risques sur la solvabilité de l’Etat. Dans le cas japonais, par exemple, où la dette publique atteint un record mondial par rapport au PIB (2,4 fois), on pourrait se demander quelle est la croissance potentielle qui permettra de la rembourser. Pour les Etats-Unis, où ce même chiffre atteint 106 %, la question est valide, sans être dramatique. Et, dans le cas français, où la dette publique (officielle) rejoint le PIB, on peut s’interroger sur les conditions qui permettront de la stabiliser. Elles ne sont pas encore réunies.

Pire, les banques centrales, pour soutenir la croissance et faire repartir l’inflation, ne cessent de prendre plus de risques. Au Japon, la Bank of Japan se met à acheter des actions, notamment bancaires. Ceci au moment où sa politique de taux négatifs et plus encore d’aplatissement de la courbe des taux peut leur poser des problèmes. En zone euro, la Banque centrale européenne demande régulièrement aux banques dont elle s’occupe d’augmenter leurs fonds propres. En même temps, sa propre politique de taux bas réduit leur rentabilité. Leur souffrance en bourse en est bien la preuve. Et pourtant, la BCE continue ses achats de bons du Trésor, en allongeant leur maturité et en prenant de plus en plus de «papiers» venant de pays plus risqués, Espagne, Portugal ou Italie par exemple.

Et si on demandait à la BCE quel serait son état si la zone euro entrait en récession, ou même voyait ses taux longs monter, attirés par les Etats-Unis ? Evidemment, un jeu complexe d’actions et de réactions se mettrait en place, ce jeu précisément que les banques commerciales doivent décrire. Il serait particulièrement intéressant que les banques centrales se livrent au même exercice.

Bien sûr, ceci ne veut pas dire que les banques centrales doivent arrêter leurs politiques actuelles. En réalité, elles n’ont d’autre choix que de continuer le quantitative easing. Ce qui est problématique, en revanche, c’est ce qui se passe pour les banques, avec des règles de plus en plus strictes limitant de fait leur capacité à faire plus de crédit. Il y a là une véritable contradiction entre la solidité que l’on recherche à tout prix dans les banques et la croissance et l’inflation que l’on recherche, également à tout prix et en passant par le crédit !

On comprend qu’il y a un trade-off entre solidité bancaire et expansion du crédit, notamment pour sortir de la trappe à faible croissance dans laquelle nous sommes entrés. Mais faire plus de pression sur les banques italiennes ou allemandes ne semble pas aller dans la voie d’un PIB plus soutenu. Pire, quand la BCE annonce qu’elle va poursuivre sa démarche, pour forcer les pouvoirs publics à mener les réformes qui s’imposent, elle est parfaitement consciente qu’elle détériore aussi la situation des banques et va ainsi contre son objectif.

Faire une pause, puis stabiliser dans la durée les ratios de Bâle, paraît donc la meilleure réponse pour renforcer le secteur financier et satisfaire les objectifs mêmes de la banque centrale. Vouloir aller plus loin est contre-indiqué. Des stress tests faits aux banques centrales le montreraient clairement. Par malheur, il n’y en a pas.

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

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