Devenir milliardaire : la méthode Warren Buffet

Publié le 31 mars 2017 à 10h18    Mis à jour le 31 mars 2017 à 18h37

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

Allez sur son site et vous trouverez son dernier message : deux conseils boursiers pour économiser vos sous. Warren Buffet avertit : «Vous savez probablement que je ne fais pas de recommandations en conseil boursier.» Et il nous conseille quand même de passer par Geico pour avoir une assurance auto super compétitive et par Borsheim’s pour obtenir des bijoux, montres et cadeaux 20 % moins chers ! Bien sûr, il possède ces deux sociétés, mais la question va plus loin que le conflit d’intérêts en ce qu’elle révèle le personnage et ses choix : la qualité, moins chère.

Alors : devenir un deuxième Warren Buffet, puisque le modèle est aujourd’hui seul au monde ? Bien sûr, c’est une provocation. Il faut naître dans un pays où la Bourse est essentielle pour la croissance, avec des retraites par capitalisation. Les Etats-Unis sont parfaits pour cela. Surtout, il faut ne penser qu’à ça, ne vouloir que ça, ne faire que ça, plus un rare talent bien sûr et aussi une approche théorique particulière.

Warren Buffet a 86 ans et un peu moins de milliards, mais plus de 75 quand même, au dernier classement Forbes. On connaît son histoire, à moins qu’il ne s’agisse d’une légende. Né en 1930 à Omaha, dans le Nebraska, il y vit toujours. Il passe par l’Université de Wharton où il développe son intérêt, né très tôt (dans la famille), pour l’investissement en actions. Il prend des cours de diction à Dale Carnegie et se met à enseigner les «principes de l’investissement» à l’Université d’Omaha. Il commence à réunir des fonds pour investir et fête son premier million de dollars en 1962. Ensuite, il se met à acheter une entreprise textile, Berkshire Hathaway, qui devient le berceau de sa société de placements. Aujourd’hui, sa capitalisation boursière est de 200 milliards de dollars. C’est un succès inouï : une action Berkshire Hathaway a augmenté de 19 % l’an en valeur comptable entre 1965 et 2016 et de 20,8 % l’an aux prix de marché, contre 9,7 % l’an pour le S&P 500. Une rentabilité double, chaque année, pendant cinquante-deux ans !

Quel est donc son secret ? Acheter des titres d’une société de grande valeur intrinsèque à un prix correct, plutôt que ceux, pas chers, d’une société banale. C’est donc «l’analyse fondamentale» qui est à l’œuvre, sans suivre les modes et sans prendre, pour le futur, des hypothèses favorables, mais plutôt celles des vingt-cinq années passées, fidèle à son maître : Ben Graham (et David Dodd), Security Analysis… 1934. On pourra trouver cela pas très moderne et que «le sage d’Omaha» fait son âge. De fait, il s’oppose aux hedge funds, où des trilliards de dollars vont (ou plutôt allaient) à Wall Street pour se faire gérer, moyennant des dettes qu’il juge trop fortes et des frais qu’il trouve trop élevés. Il dit que ce sont alors «les gestionnaires qui prennent les profits, pas les clients», et qui deviennent milliardaires ! Pour lui, il faut très bien choisir les titres pour les garder longtemps et pouvoir résister ainsi aux crises de l’entreprise. Mais il ne faut pas en prendre trop : nous ne sommes pas dans la théorie du portefeuille, puisque trois titres (Kraft Heinz, Wells Fargo et Coca-Cola font 48 % des participations du fonds, soit 71 milliards, et 10 valeurs comptent pour 81 %). Il faut encaisser les dividendes (mais ne pas en distribuer et faire avec des acquisitions !), serrer les frais de gestion, profiter des circonstances (faiblesses d’un titre, élections présidentielles…) et ne jamais s’obstiner quand ce qui se passe n’est pas ce que vous pensez. Elémentaire, daté, sans mathématiques modernes et lettres grecques, ajoute Warren Buffet, donc pas vraiment ces «chers» fonds smart beta.

Mais pourquoi parler de Warren Buffet en pleine tourmente électorale française ? D’abord parce que l’économie va mieux et que, si Emmanuel Macron devient président, les actifs financiers ne seront plus retenus dans l’ISF, ISF qui disparaît si François Fillon le devient.

Surtout, il y a ici de grandes et belles valeurs à un bon prix et à garder, pourvu qu’on cesse de matraquer par la fiscalité et les réglementations les sociétés, les salariés-actionnaires et les épargnants. Des Warren en France ? Aujourd’hui aucun : Bernard Arnault «n’a que» 41,5 milliards de dollars. Il faudra patienter. Commençons par une économie et une société civile qui iront mieux, parce qu’elles aimeront plus leurs entreprises. Toutes iront mieux, les meilleures surtout, sans penser forcément à battre l’indice, qui peut se venger.

Jean-Paul Betbeze, Deloitte

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