Coup de chaud en vue pour les entreprises américaines

Publié le 10 mars 2017 à 9h56

Ludovic Subran

Protectionnisme, immigration, dérégulation : le nouveau président Trump s’est montré particulièrement actif pour ses premiers pas dans le bureau ovale, confirmant une à une ses promesses électorales. Les marchés ont plutôt bien accueilli la nouvelle. Les entreprises américaines doivent-elles aussi s’en réjouir ?

A court terme, pourquoi pas. En soutenant la demande par une relance budgétaire (1 000 milliards de dollars d’infrastructures), et une baisse des impôts sur les sociétés (de 35 % à 15 %) et sur les ménages, Donald Trump affiche sa volonté de relancer la croissance américaine. Les entreprises américaines pourraient d’ailleurs bénéficier de quelques mesures très spécifiques pour relancer le cycle d’investissement. Le Président Trump souhaite leur donner la possibilité d’amortir leurs dépenses d’investissement sur un an au lieu de dix ans, et prétend vouloir annuler la déductibilité des intérêts de la dette pour les inciter à piocher dans la trésorerie disponible.

Il devrait réveiller l’économie américaine de sa croissance atone, sans effet prix, en stimulant la consommation des ménages, les investissements, les chiffres d’affaires, et l’activité. Nous attendons + 2,4 % de croissance en 2017.

Mais produire plus, c’est consommer plus, surtout aux Etats-Unis. C’est donc commander plus, avant même d’avoir engrangé le courant d’affaires supplémentaire. La trésorerie des entreprises américaines serait ainsi mise sous pression par cet à-coup de demande. Sauront-elles générer assez de cash pour respecter les délais fournisseurs ? Aujourd’hui, les délais clients sont en moyenne à 50 jours de chiffre d’affaires et les délais fournisseurs à 32 jours.

Le plan Marshall de Donald Trump pourrait aussi entraîner une véritable surchauffe de la trésorerie des entreprises américaines. Inflation, hausse du coût de financement, importations plus coûteuses forment un cocktail détonnant, qui réussit rarement aux entreprises.

Le cercle vicieux de l’inflation

Les entreprises américaines profiteront d’une hausse des prix de vente, mais elles la subiront à l’achat de leurs fournitures. Pour préserver leur rentabilité, il leur faudra augmenter leurs prix de ventes au moins aussi vite que les prix fournisseurs. Pour y arriver, encore faut-il évoluer dans un secteur où il possible de se différencier autrement que par une féroce guerre des prix. On est encore loin du compte dans certains secteurs aux Etats-Unis. Le textile et l’électronique, dépossédés de leurs savoir-faire après des années de délocalisations, peuvent en témoigner.

Pour contenir l’inflation, la Fed augmentera certainement les taux d’intérêts directeurs deux à trois fois cette année. Le coût du crédit va grimper, l’accès au financement sera plus compliqué, et la solidité financière des entreprises fragilisée. Les défaillances aux Etats-Unis pourraient ainsi croître de + 5 % en 2018.

Quid de l’isolationnisme ?

Les velléités protectionnistes assumées de Donald Trump devraient corser l’addition. Il souhaite promouvoir le made in America, alors que les Etats-Unis sont les champions de… l’import (2 267 milliards de dollars d’importations en 2016). La hausse possible des tarifs douaniers sur le Mexique ou la Chine coûterait plusieurs milliards de dollars chaque année aux entreprises. L’appréciation du dollar ne sera pas suffisante pour compenser. La dette fournisseur en ressortira aggravée, et les entreprises américaines déstabilisées.

Le programme économique de Donald Trump soutiendra l’activité des entreprises américaines. Mais un accroissement d’activité non financé peut vite se révéler être une épreuve douloureuse. Les entreprises en mesure de supporter une hausse du prix des marchandises, qu’elles soient domestiques ou importées, et un alourdissement du coût de financement, bénéficieront des mesures de l’administration Trump. Le problème, c’est que les entreprises concernées sont déjà en bonne santé, et dominent leur marché. Pour les plus petites, c’est une autre histoire.

Ludovic Subran

Chargement en cours...