Entreprises françaises : la fourmi devient-elle cigale ?

Publié le 9 juin 2017 à 16h16    Mis à jour le 9 juin 2017 à 18h34

Ludovic Subran

Bonne nouvelle : les chiffres d’affaires des entreprises sont attendus en hausse de + 2,2 % en 2017, après + 1,3 % en 2016. Même si les marges stagnent autour de 31,5 % sous l’effet du raffermissement des prix de l’énergie et de la fin de certaines mesures de soutien, le point récupéré depuis un an et demi met du baume au cœur. Tous les feux sont au vert pour accélérer la dynamique d’investissement, clé de voûte de la reprise et de la lutte contre le chômage. Nous prévoyons + 3 % de croissance pour l’investissement des entreprises en 2017 et en 2018.

Les entreprises-fourmis deviendront-elles des entreprises-cigales ? C’est en tout cas le principal résultat de notre baromètre Investissement et Trésorerie, réalisé au premier trimestre 2017 auprès de 1 000 PME et ETI. Au final, une entreprise sur trois envisage d’accroître ses investissements en 2017 par rapport à 2016. Elles n’ont donc pas attendu très longtemps pour remettre l’investissement en marche !

D’après notre baromètre, elles ne sont plus que 18 % à citer le manque d’activité comme un risque majeur, et près de neuf entreprises sur dix affirment que les perspectives de demande sont le déterminant principal de leur décision d’investir en 2017. La visibilité sur les carnets de commande s’améliore elle aussi : elle est passée de 5 mois en 2015 à 6,4 mois en 2017. Le brouillard conjoncturel se dissipe donc pour laisser les entreprises prendre des risques.

Le rebond de la consommation des ménages est en effet au rendez-vous. Portée par un regain de confiance, la consommation de ces derniers devrait croître de + 2,1 % en 2017 (+ 2,3% en 2018) et contribuerait à hauteur de 1,1 point à la croissance du PIB. Les ménages investiront aussi davantage cette année (+ 3,6 %), en droite ligne avec le rebond du secteur de la construction. Tout est donc réuni pour assurer la croissance de l’investissement total, attendue à + 3,2 % en 2017, sa meilleure performance depuis 2007.

Prudentes jusque-là, plongées dans un contexte économique domestique et international morose, la guerre des prix aura été le principal frein à l’investissement pour plus d’une entreprise sur deux. En réaction, elles ont préféré tirer leur trésorerie au cordeau. Au final, le cash disponible dans le bilan des entreprises françaises cotées représente quelque 355 milliards d’euros à fin 2016. De quoi financer un cycle d’investissement conséquent.

Mais alors, pourquoi cette fois-ci ce serait différent ? Nous avons eu au moins trois reprises annoncées qui ont fait pschitt depuis 2012. Les débouchés vont mieux en volume, mais aussi en valeur, ce qui est une nouveauté. La croissance nominale – incluant l’inflation – accélérera à + 2,5 % en 2017 et en 2018 ; elle s’est établie à + 1,6 % en 2016. Pourtant, d’autres facteurs expliquent l’optimisme ambiant. Tout d’abord, les taux d’utilisation des capacités sont meilleurs : seules 28 % des entreprises ont un taux d’utilisation des capacités inférieur à 80 %, selon notre enquête. Ensuite, 40 % des entreprises interrogées s’attendent toutes à une amélioration de leur trésorerie, notamment dans les biens de consommation ou l’automobile, des secteurs naguère sous pression. Enfin et surtout, 53 % des entreprises sondées privilégient l’investissement offensif : augmentation des capacités de production, lancement d’une nouvelle activité, accroissement des dépenses de R&D ou encore opération de croissance externe.

Ce sont donc bien les entreprises et leur volontarisme qui porteront la croissance française à + 1,5 % en 2017 et en 2018. Il faut pourtant garder à l’esprit que nous partons de loin. Le gap d’investissement s’élève à 38 milliards d’euros. Le programme économique du président de la République va s’attaquer aux incitations, à la compétitivité et fait sans aucun doute la part belle aux entreprises. La baisse de l’impôt sur les sociétés, de 33 % à 25 % sur le quinquennat, et le remplacement annoncé du CICE par une baisse de 6 points de cotisations sociales pour les employeurs leur donnera une grande bouffée d’air frais, de presque 12 milliards d’euros. Les mesures pour le pouvoir d’achat et le soutien à l’investissement seront aussi les bienvenues. Il faudra cependant que les entreprises chantent et dansent pendant plusieurs étés consécutifs si l’on veut enfin réussir à rattraper notre retard. Pourvu que la musique soit bonne.

Ludovic Subran

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