Les principaux enjeux économiques et géopolitiques de 2015

Publié le 16 janvier 2015 à 17h45

Michel Foucher

Hannah Arendt, philosophe allemande naturalisée américaine, soulignait que «les constructions des futurologues ne sauraient se vérifier que dans un monde où rien d’important ne se produit». Les 17 assassinats ciblés des 7 et 8 janvier perpétrés par trois islamistes radicaux français avec une intention de pure terreur ont provoqué un sursaut national inattendu. Au mépris de soi et à l’autodérision distillés par les rhétoriques du déclin s’est substitué, le 11 janvier, un retour aux sources politiques de la République opéré par une nation résiliente. Ce tournant est important et peut-être historique dès lors que ce qui est précieux dans l’héritage culturel et politique français et européen est assumé.

Les enjeux économiques ordinaires semblent fort éloignés de ce moment politique et établir le lien entre ces deux registres pourrait sembler déplacé. A moins que, ayant retrouvé les racines d’une confiance en soi, les Français n’envisagent l’avenir sous un jour plus favorable, propice à leur engagement d’acteurs.

Sur la scène européenne, plusieurs échéances électorales (9 en 2015) vont peser sur le climat des affaires : la Grèce, qui ne quittera pas la zone euro, n’obtiendra pas l’effacement de sa dette mais, sans doute, un étalement du calendrier de remboursement. Au Royaume resté uni, des résultats électoraux serrés le 7 mai 2015 imposeront la formation d’un gouvernement «national», fruit d’une coalition entre les conservateurs et les travaillistes. Dans un contexte économique très favorable, il lui reviendra d’organiser, ou non, un référendum sur le maintien du pays dans l’Union européenne – David Cameron espère qu’il crèvera l’abcès de cette question lancinante dans les rangs de son propre parti, concurrencé sur sa droite par une formation populiste. D’ici là, la Banque d’Angleterre ne remontera pas ses taux d’intérêt[1].

Dans la zone euro, le taux de change de la monnaie unique, favorable aux exportations, et le prix du pétrole, appelé à rester bas pendant plusieurs mois du fait de la hausse de production dans la péninsule arabique et en Amérique du Nord[2] et de la moindre demande du monde émergent, peuvent soutenir une lente reprise. L’Union européenne pourrait bénéficier de l’adoption par la BCE, d’ici début mars, des mesures d’assouplissement monétaire quantitatif, malgré la réticence de six de ses membres. Y a-t-il d’autres options alors que le niveau d’inflation annuelle est tombé à 0,2 % en décembre dernier ? En plus du plan Juncker, qui sera efficace s’il amorce une véritable politique industrielle, le choix de la BCE vise à stimuler l’investissement.

Dans un mouvement inverse, du fait des performances économiques américaines, la Fed relèvera ses taux directeurs à partir du mois de juin, selon le président de la Fed de San Francisco. Les consultations entre les deux banques centrales ne peuvent que conclure à la nécessité de soutenir une reprise européenne et, pour la Fed, d’accepter l’appréciation du dollar.

Sur le front russo-ukrainien, dont l’impact a été réel pour les pays européens contraints aux sanctions (les exportations allemandes vers la Russie ont reculé de 20 % en 2014), les discussions entre les deux présidents butent sur le tracé de la région autonome du Donbass. Sauf rapprochement de l’Ukraine avec l’Otan, non soutenu par Paris et Berlin, les tensions entre les deux Etats s’atténueront en 2015 ; les frictions locales persisteront en conflit plus ou moins gelé. Il reviendra aux capitales et au service européen d’action extérieure de reprendre le chantier inabouti de l’architecture des relations entre l’UE et la Russie, dans l’intérêt bien compris des deux parties.

Ailleurs, parmi les situations géopolitiques à effet économique, citons le probable arrangement indéfini de non-accord/non-conflit avec l’Iran, propice à la reprise des affaires, la succession dynastique en Arabie saoudite, la poursuite de l’appui militaire occidental à Bagdad sans engagement au sol et l’extension des opérations militaires françaises au nord de l’Afrique sahélienne, sans nouvelle intervention militaire en Libye. La Chine ascendante devra affronter les défis de son développement intérieur et d’une société civile au niveau d’exigence accru. L’Inde de Modi lui emboîtera le pas.

En 2015, l’influence des tensions géopolitiques sur la marche des économies, déjà manifeste en 2014, se doublera d’un poids croissant, sur les politiques publiques, des évolutions politiques internes dans les puissances établies et émergentes.

[1]. Entretien avec Sir Peter Ricketts, ambassadeur du Royaume-Uni en France, 12/11/2014 (compte-rendu sur le site CFJC Investments).

[2]. Cf. Europe : le temps est venu d’une géopolitique commune de l’énergie, Option finances, 03/11/2014

Michel Foucher Conseiller du président ,  Compagnie financière Jacques Coeur

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