La BCE commence à normaliser sa politique monétaire

Publié le 9 décembre 2016 à 15h11    Mis à jour le 9 décembre 2016 à 18h22

Michel Martinez

La BCE a fait le premier pas vers la normalisation de la politique monétaire jeudi 8 décembre, en annonçant que ses achats de titres obligataires (QE) allaient être réduits à partir d’avril 2017. Cette politique accommodante vient du fait que l’économie de la zone euro va mieux et que l’inflation devrait être proche de 1,5 % l’an prochain. Nous ne sommes pas encore à l’objectif d’inflation de 2 %, mais d’autres réductions d’achats devraient suivre en 2017. Du côté de la politique budgétaire, l’Eurogroupe et la BCE sont d’accord, il faut respecter les règles de consolidation budgétaire : il n’y aura pas de stimulus, comme le préconisait la Commission européenne.

Comme nous l’attendions, une première réduction («tapering») du programme d’achat d’actifs (APP) commencera en avril 2017, avec une baisse de 80 milliards d’euros par mois à 60 milliards d’euros. Dans le même temps, ce programme est prolongé de mars 2017 à décembre 2017. Toutefois, il faut garder à l’esprit que ce guidage de la politique monétaire («forward guidance») reste dépendant des données économiques et financières («state contingent», a indiqué Mario Draghi durant la conférence de presse). Aujourd’hui, la BCE estime que les risques sont orientés à la baisse et s’engage à faire plus de QE si nécessaire. Draghi a répété plusieurs fois que la BCE serait présente longtemps sur les marchés, préparant ainsi les esprits à un retrait progressif, comme la Fed en 2014.

Nous pensons toutefois que l’environnement économique va continuer de s’améliorer l’an prochain. La croissance est désormais bien ancrée, sur un rythme de 1,5 % ; les indices de confiance pointent même vers une accélération de la reprise, proche de 2,5 %. Le chômage, proche de 12 % il y a deux ans, est tombé sous la barre des 10 %. C’est encore élevé mais, au rythme actuel de baisse, le seuil des 8 %, jugé proche du chômage structurel en zone euro, pourrait bien être atteint en 2018. Surtout, l’inflation, actuellement à 0,6 %, devrait s’établir à 1,5 % au printemps prochain (en raison des effets de base sur les prix énergétiques et la remontée des prix alimentaires), soit un niveau suffisamment proche de l’objectif de 2 % pour justifier une nouvelle étape de normalisation.

Nous prévoyons ainsi que la BCE diminuera ses achats d’actifs de 10 milliards d’euros par meeting à partir de juin 2017 pour terminer en janvier 2018. Une hausse des taux directeurs semble toutefois encore lointaine, la BCE ayant été particulièrement claire sur le fait qu’une telle politique ne débuterait que longtemps après la fin des achats d’actifs. La première réaction des marchés, modérée, voire positive si l’on combine l’ensemble des classes d’actifs, devrait conforter la BCE dans cette démarche. Il semblerait que les marchés considèrent qu’une courbe des taux d’intérêt plus pentue, mais à des niveaux de taux encore historiquement faibles, soit favorable à la reprise du crédit et au secteur bancaire.

Il faudra toutefois surveiller les rendements obligataires dans la périphérie, car la réduction du QE pourrait accroître la vulnérabilité de certains pays à un plus faible engagement de la BCE sur les marchés obligataires. Les taux d’intérêt à 10 ans se situent à 3,7 % au Portugal, ce qui est déjà incompatible avec la réduction de la dette publique portugaise (130 % du PIB). Nous pensons aussi que la BCE dispose d’une arme puissante avec les TLTRO (opérations de refinancement à long terme, 3 à 4 ans) pour contenir les hausses de taux d’intérêt en phase de reprise cyclique et qu’elle devrait les prolonger en mars 2017, et ce pour un an.

En ce qui concerne la politique budgétaire, la Commission européenne a cru bon de préconiser un stimulus à l’échelle de la zone euro de près de 0,5 % du PIB en 2017. Selon nous, compte tenu des contraintes institutionnelles et de l’absence d’une union budgétaire, cela ne fait pas sens. A quoi bon demander aux pays qui vont bien, avec un faible taux de chômage, de conduire une politique pro-cyclique de relance budgétaire (Allemagne, Pays-Bas) ? A l’inverse, les règles budgétaires du pacte fiscal imposent aux pays avec des déficits ou dettes élevés de poursuivre la consolidation budgétaire à un rythme désormais modéré et ce dans le but de s’assurer de la soutenabilité à long terme des dettes publiques. L’Eurogroupe du 5 décembre avait clairement enterré cette préconisation de la Commission. Le président Draghi vient d’en faire de même, en indiquant que la construction de l’union budgétaire ne peut se faire que sur la base de la confiance entre pays, et que celle-ci passe par le respect des règles.

Michel Martinez Chef économiste Europe ,  Société Générale Corporate & Investment Banking

Michel Martinez est chef économiste Europe, Société Générale Corporate & Investment Banking

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