«Mieux vaut faire la révolution que la subir»*

Publié le 2 janvier 2017 à 15h17    Mis à jour le 5 janvier 2017 à 10h31

Pascal Koenig

Le délabrement de la marge dans l’industrie va-t-il engager les sociétés de gestion françaises dans une phase de catalepsie ou conduire à une commotion salutaire ?

Rappelons les faits et le contexte :

- une situation de marchés passable avec notamment un point bas atteint pour la baisse des taux et des marchés actions sans direction ferme ;

- et, côté collecte, un relatif assèchement des appels d’offres institutionnels dans un climat de concurrence exacerbée.

L’impact sur les prix de vente est largement constaté, et la tendance notée s’accélère. Certains processus devenant des «commodities», notamment sous la pression du succès de la gestion passive. Ainsi, aux Etats-Unis, les frais de gestion moyen des fonds de catégorie «actions» sont passés de 1,04 % en 1996 à 0,68 % en 2015 – pour les fonds de catégorie «taux», de 0,84 % à 0,54 % sur la même période. A cela s’ajoute le flux nourri des contraintes réglementaires mobilisant des ressources projets et budgets d’investissements substantiels. L’industrie de la gestion d’actifs française devrait enfoncer, au titre de l’exercice, le plancher historique moyen de la marge d’exploitation – 18 % en 2008 et 2012.

Quelles solutions pour nos sociétés de gestion marquées par une forte hétérogénéité de leurs situations ? Comment agir sur les volumes et/ou abaisser le poids mort ?

Quatre solutions pour éviter la catalepsie se présentent à elles : régionalisation du périmètre de distribution, regroupements, «retailisation», refonte du modèle par apports technologiques.

La récolte d’une collecte là où elle germe est devenue une évidence pour les structures disposant d’un encours minimum et de produits aux attributs différenciant. Il n’en demeure pas moins que le Rubicon a été franchi, souvent avec réussite, pour certains de nos champions. Selon l’Association professionnelle, plus de 500 milliards d’euros seraient déjà gérés par les entités françaises pour des non-résidents.

Accroître les actifs sous gestion par croissance externe s’avère une option classique. Cependant, le mariage entre Français n’est pas source systématique d’accroissement d’encours. On dit généralement dans notre industrie que 1 + 1 n’est pas égal à deux, compte tenu de l’étroitesse du marché des institutionnels. Il reste que de très belles opérations ont été réalisées, notamment à l’international, par des groupes français.

Nombreuses sont les sociétés de gestion qui caressent l’espoir que la problématique du schéma local de retraite stimule l’émergence d’une clientèle retail en nombre, prenant le relais ou le complément des investisseurs institutionnels. Nos différentes études (notamment le «Baromètre des retraites») confirment cette orientation qui, cependant, est en pente douce. Même si le patrimoine financier des Français reste à un niveau faible, comparativement, la poussée des UC constitue un signe encourageant dans un contexte de recherche de rendement. La réglementation (réflexion sur la création d’un nouveau type de contrat d’assurance vie par typologie de risque, impact PRIIPS) et la technologie (apport des robo-advisors dans la relation client, fée blockchain pour la distribution directe et la gestion du KYC) peuvent catalyser un nouveau modèle de distribution de proximité plus en adéquation avec les modes de consommation des générations «double peine» (je paie et ne touche pas).

L’attente d’effets hypothétiques impactant le volume d’affaires ne doit pas ankyloser les structures de gestion. Elles disposent, dès à présent, d’opportunités technologiques permettant d’ajuster leur modèle économique. La blockchain, dont les limites sont à peine dessinées, mais qui une fois pleinement maîtrisée permettra de réduire significativement les infrastructures complexes et automatiser les process. D’autres trouvailles sont aujourd’hui parfaitement «implémentables», et leur gain d’efficacité immédiatement palpable. Bien évidemment, le recours aux robots, dénommés RPA (robotic process automation) ; ils constituent une réelle source d’optimisation pour les processus répétitifs avec peu d’exceptions. Au second rang, l’externalisation de processus auprès de FinTech dédiées, notamment sur des activités comme la conformité, le contrôle interne ou la gestion des risques (RegTech).

Le salut des marges des sociétés de gestion doit emprunter le chemin du binôme «talents & technologie».

*Otto von Bismarck

Pascal Koenig Associé et Fondateur ,  Patrimeta

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