De l’importance de la relation avec ses banquiers en cas de crise

Publié le 24 octobre 2014 à 11h20    Mis à jour le 24 octobre 2014 à 16h12

Hervé Alexandre

La récente crise financière européenne a soulevé des questions majeures concernant la solvabilité de certains pays européens ainsi que celle des plus grandes banques européennes. L’une des questions importantes est la probabilité croissante de propagation du défaut d’un pays européen sur celui des plus grandes banques fortement impliquées dans le financement de la dette publique de cet Etat, qu’elle soit domiciliée dans ce pays ou dans un autre pays européen. La dégradation de la notation des souverains européens a eu un impact sur le risque de la banque. En outre, dans les pays très endettés, l’Etat n’est pas apparu toujours en mesure de renflouer les banques en difficultés, renforçant cette crainte d’une propagation du défaut. Pour ces raisons, la crise souveraine a des conséquences importantes sur la solvabilité des banques, en particulier lorsque la banque est susceptible de détenir un montant significatif de dette souveraine domestique. Simultanément, une banque peut alors combiner le risque de détenir des actifs de risque très élevé et l’impossibilité en cas de problème d’être renflouée par un Etat déjà trop endetté.

Parallèlement à cela, une autre question importante concerne la communication des banques durant d’une situation de crise. En effet, la crise des subprimes a mis en évidence le manque de communication et de transparence dans la gestion de crise par les banques. Ces dernières, en Europe comme aux Etats-Unis, ont souvent attendu le dernier moment pour communiquer leur exposition au risque subprime, rendant ce risque encore plus ingérable. Cela a conduit les autorités de régulation européennes et américaines à réfléchir à un renforcement des moyens de maintien de la stabilité dans le secteur bancaire. Par exemple, la Banque centrale européenne (BCE) et de l’Autorité bancaire européenne (ABE) ont mis en place plusieurs stress tests permettant de préparer les banques à la survenance de scénarios extrêmes afin de les aider à réagir aux situations d’urgence. L’ABE et la BCE ont, à cette occasion, décidé de permettre l’accès au public des résultats de ces tests ainsi que les données utilisées pour ces tests de résilience menés pour les années 2009, 2010 et 2011. Cette décision de publier l’information, les données et les résultats a également joué un rôle important sur la politique de communication des banques, en particulier concernant leur exposition à la dette souveraine qu’elles tentaient jusque-là de ne pas trop mettre en avant.

Un article récent (Alexandre et al., 2015) analyse la relation entre la communication des banques et la réaction du spread de leurs CDS (credit default swaps) pendant la crise européenne de la dette souveraine. Le spread du CDS va donner une information sur les anticipations du marché quant au risque de défaut de l’entreprise pour laquelle ce CDS est coté. Cet article se concentre notamment sur la réaction du spread de CDS lorsque la notation d’un pays a été rétrogradée. Cette réaction devrait être fonction de la quantité et de la nature de l’information fournie par la banque qui devrait réduire la réaction du marché des CDS. En effet, s’ils sont informés à l’avance, les marchés ne doivent pas réagir à nouveau, par exemple lors de la dégradation de la note d’un souverain auquel cette banque est exposée. Il est important de séparer la communication de renseignements spécifique à l’exposition au risque souverain («specific disclosure») et la communication d’informations générales («general disclosure»), telles que la gouvernance d’entreprise construite dans une stratégie de communication globale ayant pour objectif de créer de la confiance.

Dans cet article, il est observé qu’une communication trop générale n’a pas l’effet attendu sur le marché et ne participe pas à la réduction de la volatilité sur un marché. Cette constatation est compatible avec une grande partie de la littérature empirique et théorique qui prône moins de communication générale. Une communication trop générale ne peut pas être récompensée en période de crise pendant laquelle la perspective est instable pour toutes les banques. Il semble alors nécessaire de focaliser sa communication et d’aller au-delà des seules contraintes légales.

Les résultats montrent par contre une corrélation négative entre la communication ciblée (ici la communication concernant l’exposition à la dette souveraine), et l’évolution des spreads de CDS. La communication ciblée participe à la stabilité du marché en limitant la crainte d’une augmentation de la probabilité de défaut des banques, pendant une période d’environnement macroéconomique instable.

Les discussions concernant le besoin de transparence et de communication des banques butent trop souvent sur une logique de quantité qui prévaut sur la qualité et l’adéquation de l’information communiquée par les banques.

Mots clés BCE Prêts
Hervé Alexandre

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