Droit de la concurrence : un été historique ?

Publié le 24 août 2018 à 11h40

Patrick Hubert

Juste avant les vacances d’été, trois événements ont fait réfléchir.

D’abord, la sanction de 4,3 milliards d’euros prononcée par la Commission européenne contre Google pour des pratiques en relation avec le système d’exploitation pour smartphones Android, un an après une première amende de 2,4 milliards. Peu de jours après, Alphabet, la maison mère de Google, annonçait qu’après provision de l’amende, ses résultats trimestriels étaient encore de 3,2 milliards de dollars. Et pendant les années qui s’étaient écoulées avant la sanction, les pratiques avaient produit leurs effets. Alors, un coup d’épée dans l’eau ?

Ensuite, le projet de rachat de NXP par Qualcomm échoue parce que l’autorité chinoise de concurrence ne l’a pas autorisé avant la date limite que les parties s’étaient fixée. Pourtant, l’acquisition avait été autorisée aux Etats-Unis et en Europe, et l’autorité chinoise ne l’avait pas refusée (officiellement, elle disait juste avoir besoin de plus de temps). Chaque autorité compte donc et la gestion des délais a autant d’importance que le fond ; mais avec deux milliards de dollars de frais de rupture, la leçon n’est pas bon marché.

Le troisième événement, à cette échelle, peut sembler dérisoire : Fnac Darty doit payer une amende de 20 millions d’euros pour ne pas avoir cédé à temps trois des six magasins que la Fnac s’était engagée à vendre pour obtenir l’autorisation d’acquérir Darty. Si ces trois magasins n’avaient pas été vendus, ce n’était pas par mauvaise volonté mais faute d’acheteurs acceptables par l’autorité de la concurrence, qui a reconnu la difficulté puisqu’elle a finalement demandé la cession de deux autres magasins au lieu des trois prévus. Pourquoi une amende, alors ? Parce que Fnac Darty n’avait pas demandé à l’autorité de remplacer ces trois magasins par d’autres plus faciles à vendre. C’est cher payé pour une «erreur de communication» !

Ce qui fait peur, ce ne sont pas tant les risques financiers que le manque d’enjeu : les sanctions contre Google sans doute trop tardives et limitées et, dans les deux autres cas, le bon fonctionnement des marchés ne semblait pas en danger.

Mais l’événement le plus significatif s’est peut-être produit pendant ce mois d’août et non avant : en réaction à l’amende de 50 millions de livres qui vient d’être infligée à Royal Mail par une autorité britannique pour «abus de position dominante», un membre du shadow cabinet a déclaré qu’une fois les travaillistes revenus au pouvoir, il serait hors de question de continuer à sanctionner une entreprise «fortement syndiquée» et ayant des «activités de service public». Le remue-ménage politique qui secoue actuellement la planète va-t-il mettre un frein au progrès, qui semblait irrépressible, du droit de la concurrence ?

Patrick Hubert

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