Des perspectives plus incertaines pour l’économie américaine

Publié le 21 avril 2017 à 9h56    Mis à jour le 21 avril 2017 à 17h58

Anton Brender

En décembre, tout semblait relativement clair et l’élection de Donald Trump ne pouvait logiquement que conduire à réviser à la hausse les prévisions de croissance américaine : l’intention affichée du nouveau Président n’était-elle pas de stimuler l’activité par une réforme fiscale et des investissements en infrastructures ? Tabler sur une conjoncture un peu plus soutenue pour 2017 et surtout 2018 n’avait donc rien de déraisonnable ! D’ailleurs les marchés avaient immédiatement «salué» cette élection par une impressionnante ascension en même temps que les enquêtes de confiance faisaient un bond spectaculaire… Trois mois à peine après l’arrivée du nouveau Président à la Maison blanche, les perspectives sont devenues plus troubles.

D’abord, bien sûr, l’expérience qu’a Donald Trump de la mécanique parlementaire américaine est réduite. Or il faudrait aujourd’hui être particulièrement habile pour débloquer la situation au Capitole. Le Congrès, qui n’a pas réussi à se mettre d’accord sur la nouvelle réforme de la santé promise par le Parti républicain, n’est pas en état d’aborder d’un bon pied ce qui doit être le grand œuvre du Président : la réforme fiscale. Et réformer la fiscalité, celle des entreprises en particulier, n’est jamais chose facile tant les intérêts sont divergents dès qu’il ne s’agit plus seulement de baisser le taux de l’impôt mais bien de modifier son assiette. Vaincre l’opposition des différents lobbies demande beaucoup de patience et d’énergie et l’on voit mal maintenant comment une réforme fiscale ambitieuse pourrait aboutir d’ici à la fin de cette année. Quant au surcroît d’investissements en infrastructures promis par le nouveau Président, sa seule chance de se matérialiser est de se réduire à un «sucre» tendu aux Démocrates pour les inciter à voter des mesures dont, autrement, ils ne voudraient pas.

L’impuissance du Président à faire avancer ses projets économiques n’est toutefois pas la seule raison qui pousse à être prudent sur les perspectives de l’économie. L’aisance avec laquelle Donald Trump semble jouer des instruments de la puissance militaire américaine pourrait être source de surprises qui viendraient freiner plutôt qu’accélérer la conjoncture. Comment en effet n’avoir pas froid dans le dos en l’entendant commenter l’envoi d’une cinquantaine de missiles Tomahawk sur une base militaire syrienne ? Bien sûr, cette «option» était la plus faible de celles proposées par son état-major en réponse à l’attaque au sarin d’un village situé près de la frontière turque. Mais tout de même : l’annoncer au Président Xi Jinping dans le décor hispano-mauresque de Mar-a-Lago, en mangeant «le meilleur gâteau au chocolat que vous ayez jamais vu», a quelque chose de profondément dérangeant. Et si le Président Trump prenait goût à engager le fer avec les vilains de la planète qui lui semblent mériter d’être punis ou intimidés ? Si tel devait être le cas – son souci d’augmenter le montant des dépenses militaires pourrait le laisser craindre – l’économie américaine, et avec elle l’économie mondiale, devraient s’habituer à vivre avec une source d’incertitude nouvelle.

Avant même la fin des cent premiers jours de cette nouvelle présidence, les marchés risquent de revenir à la raison : contrairement à ce que l’on aurait pu espérer, il faudra attendre au mieux le début de l’année prochaine pour qu’une stimulation budgétaire vienne soutenir un peu la conjoncture américaine et, en attendant, il faut souhaiter qu’un regain de tensions géopolitiques ne sape pas la confiance, pour l’instant étonnamment solide, des entreprises et des ménages américains. Avec un résultat qui peut sembler paradoxal : plus que jamais et comme c’est le cas depuis des années maintenant, la poursuite de la reprise va reposer sur la qualité de la politique monétaire. C’est à la Réserve fédérale qu’il appartiendra encore une fois de continuer de retirer l’accommodation toujours en place, en veillant à ne pas le faire trop vite. De son habileté va dépendre la poursuite d’une reprise désormais vulnérable aux turbulences que Donald Trump est capable de provoquer. Qu’il apprécie désormais Janet Yellen et la politique qu’elle mène à la tête de la Réserve fédérale peut se comprendre !

Anton Brender

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