ESG et qualité financière des émetteurs

Publié le 15 juin 2018 à 16h20

Jean-François Boulier

L’attention portée aux informations extra-financières est devenue progressivement la norme. Plus d’un investisseur sur deux dans l’enquête Af2i 2017 indiquait les prendre en compte dans sa politique de placement. Les modalités de l’intégration des critères ESG et de la politique climat des investisseurs institutionnels français doivent désormais être décrites dans un rapport, dont la deuxième «saison» doit être rendue fin juin. De nombreuses études ont porté sur les performances des portefeuilles. Deux études récentes considèrent des aspects plus directement liés aux émetteurs et montrent, sur des échantillons d’émetteurs internationaux, publics ou privés, que la prise en compte de ces critères va de pair avec une gestion financière plus rigoureuse.

Dans l’article intitulé «Does sustainability reduce country default risk?», une équipe de chercheurs des universités de Paris et de Grenoble (Matthieu Gex, Isabelle Gired-Potin, Sonia Jimenez-Garces et Pascal Louvet) analyse les spreads d’émetteurs publics en monnaie forte à l’aune des ratings des agences de crédit et des scores ESG d’une agence – Vigeo en l’occurrence. Si les notations financières sont très corrélées entre elles, ce qui n’est pas surprenant, elles le sont moins avec les scores de gouvernance, sociaux et environnementaux des 41 émetteurs considérés pendant la période 2010-2013. L’étude montre que les spreads sont très significativement influencés par les scores ESG et que la combinaison des ratings et des scores ESG a un pouvoir explicatif renforcé sur les spreads.

Dans l’article intitulé «CSR performance, dividend payout and governance mechanisms», un chercheur clermontois, Guillaume Pijourlet, montre un résultat de même type, cette fois-ci pour les entreprises. En étudiant 1 155 sociétés pendant cinq ans, l’auteur compare la part de profit versée sous forme de dividende (le dividend payout) des entreprises affichant un comportement ESG meilleur que les autres. L’analyse montre que les entreprises les plus engagées tendent à verser plus de dividendes, et ce d’autant plus significativement que la réglementation de leur marché est favorable aux investisseurs. Ces entreprises ne «dilapident» pas l’argent de leurs actionnaires en épousant une politique responsable, mais au contraire paraissent être vigilantes sur les deux tableaux !

Les recherches sur les questions extra-financières sont encore trop récentes pour que l’on puisse distinguer les effets des pratiques responsables des entreprises ou des Etats. Est-ce une amélioration interne d’acteur responsable qui modifiera la situation future des émetteurs qui est prise en compte par les investisseurs, ou est-ce une prime de risque qu’ils déduisent des valorisations des entreprises moins vertueuses ? En outre, les périodes de transition peuvent modifier temporairement les prix et ainsi être favorables à ceux des émetteurs qui agissent les premiers.

En matière d’environnement, de nombreuses études montrent, y compris aux Etats-Unis, que les effets de discipline environnementale améliorent la profitabilité à terme des entreprises et que la performance boursière semble la prendre en compte en avance dans les valorisations. Pour les autres facteurs, nous n’en savons pas grand-chose aujourd’hui. L’équilibre des prix paraît donc bien modifié par les facteurs extra-financiers. Mais comment ? Ces études montrent que l’effet est conséquent et ne paraît pas être dû au hasard. Effets à confirmer, à affiner et à mieux comprendre pour mieux les maîtriser. En attendant, la balance des arguments tend à pencher en faveur de la discipline ESG. Emetteurs plus responsables, investisseurs plus responsables, prix plus responsables ?

Jean-François Boulier Président d'honneur ,  Af2i

Jean-François Boulier est président d'honneur de l'Af2i.

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