Casse-tête chinois

Publié le 28 août 2015 à 11h39    Mis à jour le 28 août 2015 à 17h54

Michala Marcussen

La Chine a été largement au centre de l’attention sur les marchés financiers durant l’été ; d’abord, avec le plongeon des Bourses chinoises il y a quelques semaines, puis avec l’annonce inattendue de la modification du mécanisme de fixation du yuan le 11 août. Ce qui est saisissant, c’est la forte montée des incertitudes à l’égard tant de la situation de l’économie réelle de la Chine que de la capacité des autorités pékinoises à remédier aux difficultés actuelles.

Pourquoi la Chine a-t-elle modifié sa politique ? Pas dans l’optique de se lancer dans une guerre des monnaies

La Chine pourrait avoir décidé de modifier sa politique de change pour, entre autres, accroître les chances que sa monnaie (yuan, CNY) soit incluse dans le panier des droits de tirage spéciaux du FMI (DTS). Un autre avantage de ce changement est de «désarrimer» de manière préventive le yuan du dollar américain et ce, avant le resserrement attendu de la politique monétaire américaine. Ainsi, la Chine évitera toute appréciation non souhaitée de sa monnaie. Elle chercherait même de cette façon, selon certains, à regagner des parts de marché grâce à une devise faible.

L’idée nous laisse sceptique. En effet, pour obtenir un gain de croissance de seulement 0,5 point de PIB la première année suivant le choc, les modèles suggèrent qu’il faudrait que le yuan se déprécie de 10 % contre toutes devises (et pas seulement contre le dollar). Pour parvenir à un tel résultat, la parité contre le dollar (USD/CNY) devrait se situer autour des 7,50 (contre 6,40 actuellement) et se maintenir à ce niveau. La dévaluation serait donc très forte et engendrerait des turbulences, susceptibles d’affecter les entreprises chinoises endettées en dollars. Dans le cas de la Chine, les effets domino sur les matières premières et les autres économies émergentes engendreraient des tensions financières majeures, qui pourraient pousser ses principaux partenaires commerciaux à mettre en œuvre des mesures de rétorsion. Enfin, dans le contexte actuel de ralentissement de la demande et d’affaiblissement structurel du commerce mondial, le gain économique généré par une forte dévaluation est probablement moindre que ce qu’il était dans le passé. Autant d’éléments qui suggèrent qu’une telle situation ne serait finalement pas favorable à la Chine.

L’économie chinoise est plus faible que ce que disent les chiffres du PIB

Le débat sur la qualité des données chinoises n’est pas nouveau mais il s’est intensifié récemment. La régularité des chiffres du PIB en volume (proches de 7 % l’an ces derniers trimestres) occulte deux points qui méritent à nos yeux d’être rappelés. D’abord, en termes de répartition sectorielle, l’effondrement du PIB nominal dans le secteur industriel (un peu plus de 40 % du PIB) indique un ralentissement économique très marqué. Par contraste, les services financiers ont enregistré une forte expansion, mais nous estimons que cette donne est sur le point de changer. En second lieu, les déflateurs du PIB sont probablement sous-estimés, si bien qu’ils font ressortir une croissance réelle plus solide qu’elle ne l’est vraiment, d’environ 1 point de pourcentage de PIB actuellement. Ayant dit cela, notre scénario central actuel n’est pas celui d’un atterrissage brutal de l’économie chinoise (auquel nous attribuons toutefois une probabilité de 30 %).

Sommes-nous suffisamment armés pour faire face à un krach chinois ? Rien n’est moins sûr

L’idée selon laquelle les banques centrales pourraient procéder à des injections supplémentaires de liquidités en vue de remédier aux difficultés actuelles semble n’apporter aux marchés qu’un réconfort limité. Cela met l’accent selon nous sur deux points importants. Les montants massifs de liquidités injectés jusqu’à présent aux Etats-Unis, au Japon et en Europe n’ont pas eu l’effet économique escompté et l’efficacité des épisodes successifs d’assouplissement quantitatif, comme démontré par diverses recherches, tend à se réduire.

Si la situation devait – contrairement à nos attentes – s’aggraver et engendrer une véritable crise, nous ne doutons pas que les autorités monétaires finiraient par agir. Comme la dernière crise nous l’a enseigné, lorsque les événements prennent une tournure critique, les banques centrales savent adopter une approche moins orthodoxe. Aujourd’hui, une question se pose donc : une expansion de la politique budgétaire, soutenue par les banques centrales, pourrait-elle devenir l’outil pour lutter contre la prochaine crise ?

Michala Marcussen

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