La Réserve fédérale au cœur d’un équilibre instable

Publié le 22 avril 2016 à 17h29

Michala Marcussen

Selon le modèle de la Réserve fédérale d’Atlanta, la croissance du PIB américain serait de seulement 0,3 % en rythme annualisé au premier trimestre 2016. Même s’il ne devrait s’agir que d’une faiblesse passagère, cela réduit la probabilité d’une hausse des taux directeurs de la Fed lors de sa réunion des 26 et 27 avril. Quant à celle des 14 et 15 juin, elle aura lieu juste avant le référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne, prévu le 23 juin. Les deux camps étant au coude-à-coude dans les sondages, la Réserve fédérale préférera donc sans doute patienter. La réunion des 26 et 27 juillet serait ainsi la prochaine occasion d’action. Toutefois, les marchés n’y attachent qu’une probabilité de moins de 30 %, ce qui est aussi notre avis. De fait, on peut toujours se demander si les marchés peuvent relever leurs anticipations de hausse de taux sans provoquer de turbulence financière. De notre point de vue, la réponse reste négative pour le moment, et nous ne prévoyons qu’une seule hausse de taux de la Fed en 2016.

Du point de vue des fondamentaux, la Fed aurait déjà dû relever ses taux

La croissance du PIB américain au premier trimestre devrait donc s’avérer morose. Néanmoins, la vigueur du marché du travail et plusieurs indicateurs avancés encourageants augurent d’une progression de l’activité de près de 2 % en 2016. En outre, à 1,7 % sur un an en février contre 1,3 % il y a un an, le déflateur des prix à la consommation sous-jacent se rapproche des 2 % considérés comme compatibles avec la stabilité des prix. Tout semble donc réuni du côté des fondamentaux internes pour une nouvelle hausse des taux d’intérêt. La Fed prévoit d’ailleurs un taux directeur à 1,9 % d’ici à fin 2017 – les marchés restant néanmoins sceptiques.

Retour à la case départ pour les obligations et actions américaines

Les taux américains à dix ans et les marchés d’actions sont revenus à leurs niveaux du printemps dernier alors que le taux de change effectif du dollar reste près de 5 % supérieur. Enfin, les prix du pétrole (autour de 40 $ le baril) sont encore bien inférieurs aux 70 $ du printemps dernier – malgré leur récente remontée. L’an dernier, au moment de l’apparition des premières anticipations de hausse de taux de la Fed, les taux obligataires et le dollar s’étaient orientés à la hausse, alors que les marchés d’actions restaient stables, et ce, jusqu’à l’éclatement de la bulle des actions chinoises, l’effondrement des cours pétroliers et la montée des craintes liées à la politique de change chinoise. Les marchés peuvent-ils recommencer à anticiper une hausse des taux de la Fed, en ligne avec les fondamentaux internes, sans provoquer de nouvelles turbulences financières ? La réponse dépendra beaucoup de la résistance de l’économie mondiale, et notamment de la Chine.

L’accélération de la croissance chinoise sera de courte durée

L’activité chinoise s’est améliorée récemment, mais tirée par des investissements financés à crédit, ce qui avait, par le passé, engendré les capacités excédentaires que la Chine a aujourd’hui du mal à absorber. De fait, les dirigeants chinois vont probablement patienter et observer dans quelles proportions les mesures déjà adoptées relanceront l’activité, conscients qu’un excès de stimulation pourrait se traduire par de nouvelles bulles vouées à éclater, avec à la clé des sorties de capitaux et une pression renouvelée sur le renminbi. Il s’ensuit que cette reprise devrait s’essouffler de nouveau durant l’été.

Une croissance mondiale encore trop faible

De manière générale, la croissance mondiale nous paraît toujours trop faible ; les indicateurs avancés continuent de signaler une dynamique économique moins favorable. En outre, nous avons déjà vu par le passé qu’une appréciation du dollar (faisant suite à une hausse de taux de la Fed) tirait les prix du pétrole vers le bas, intensifiant la pression sur les producteurs de matières premières. En conséquence, les marchés auront du mal à anticiper de nouvelles hausses de taux de la Fed, bien que la remontée de l’inflation aux Etats-Unis pose un problème de cohérence. Pour résoudre cette quadrature du cercle, les taux d’intérêt réels devront reculer pour permettre une hausse des anticipations d’inflation. Paradoxalement, cette situation pourrait conduire à une nouvelle dépréciation du dollar, en particulier face à l’euro et au yen. Il s’ensuit que la BCE et la Banque du Japon pourraient se retrouver sous pression bien avant la Réserve fédérale.

Michala Marcussen

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