Le pétrole, bête noire des banquiers centraux

Publié le 14 octobre 2016 à 16h49    Mis à jour le 2 février 2017 à 14h48

Michala Marcussen

Les cours du pétrole ont rebondi depuis leur point bas du début août et le Brent se situe début octobre au-dessus des 50 dollars le baril. Nous anticipons un retour du cours du pétrole à un niveau avoisinant les 60 dollars vers la fin 2017. Une hausse plus marquée des prix pourrait provenir en cas d’accord de l’organisation des pays exportateurs de pétrole sur la réduction de sa production lors de sa réunion du 30 novembre. Un prix trop bas du pétrole a suscité des craintes de défaillances de certains producteurs, mais un cours plus élevé se traduit mécaniquement par une hausse de l’inflation et une érosion du pouvoir d’achat des ménages. Qui plus est, si l’histoire peut servir de guide, les anticipations d’inflation du marché – même aux échéances plus éloignées – réagiront à la hausse des cours du pétrole et feront peser un risque haussier sur les taux obligataires. Pour les banques centrales, cela pourrait se révéler un cocktail un peu amer à terme.

Un effet de base important

Même si le cours du baril de Brent se stabilisait à son niveau actuel au cours des mois à venir, les effets de base impliquent une hausse très importante, de l’ordre de 50 % en glissement annuel en moyenne au premier trimestre 2017, le cours s’étant maintenu, en moyenne, sous les 40 dollars de décembre 2015 à mars 2016. Compte tenu de son poids dans les paniers des indices des prix à la consommation des pays développés (autour de 8 %), une telle variation augmenterait d’environ 0,4 point de pourcentage de l’inflation totale. Pour les banques centrales qui redoutaient que la faiblesse de l’inflation ne donne lieu à des effets de second tour défavorables sur la formation des salaires et les anticipations d’inflation, cette évolution pourrait initialement constituer un facteur rassurant.

Il s’agit toutefois d’un exercice de rééquilibrage délicat car, du moins au départ, la hausse de l’inflation pèsera sur le pouvoir d’achat réel des ménages. En effet, la baisse du prix du pétrole d’un cours supérieur à 100 dollars à un niveau d’environ 50 dollars a constitué une formidable aubaine financière pour les ménages. Tout aussi importante est la question de la réaction des marchés financiers, et en particulier des marchés obligataires.

Les marchés de l’inflation anticipent des prix du pétrole autour de 20 dollars le baril

La Réserve fédérale de Saint-Louis fournit un modèle qui permet de déterminer les perspectives d’évolution des prix du pétrole induites par les anticipations d’inflation du marché. Prenant en compte les anticipations actuelles de point mort d’inflation et notre prévision d’une inflation hors énergie de 2,1 %, les perspectives de prix du pétrole induites par ce modèle se situent vers les 20 dollars le baril, soit un prix très inférieur au cours déduit de la courbe des contrats à terme sur le pétrole.

Cela pourrait s’expliquer par le fait que le marché de l’inflation intègre un chiffre plus bas pour l’inflation hors énergie. Le même modèle, mais avec une hypothèse d’inflation hors énergie de l’ordre de 1,5 %, aligne les perspectives d’évolution des prix du pétrole issues du modèle sur la courbe des contrats à terme sur le pétrole au cours des cinq prochaines années. Néanmoins, cette hypothèse d’inflation est nettement inférieure au dernier chiffre publié (+ 2 % en glissement annuel) et, si elle était correcte, signalerait des perspectives économiques très sombres.

Une deuxième explication tient au fait que ce l’on appelle communément les anticipations d’inflation du marché sont en fait la somme des anticipations d’inflation et d’une prime de terme liée à l’inflation. En temps normal, la prime de terme devrait être positive, compensant les investisseurs pour le risque que l’inflation soit plus élevée que prévu. Dans le contexte actuel, cependant, il semble que cette prime de terme ait été comprimée, notamment par la politique monétaire non conventionnelle. En effet, le dernier moyen de résoudre l’équation ci-avant est de supposer une prime de terme liée négative de - 0,6 % en moyenne sur l’ensemble de la courbe, correspondant à l’écart entre notre hypothèse, proche du consensus, d’une inflation hors énergie de 2,1 % et les 1,5 % qui alignent les perspectives pétrolières implicites.

Quoi qu’il en soit, il est probable que l’effet de base lié aux prix du pétrole aura pour effet, d’une part, d’éroder le pouvoir d’achat des ménages et, d’autre part, d’entraîner une hausse des taux obligataires à un moment où les principales banques centrales préféreraient qu’ils restent bas.

Michala Marcussen

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