Les incertitudes politico-économiques n’ont pas toutes la même importance

Publié le 28 avril 2017 à 16h47    Mis à jour le 28 avril 2017 à 18h18

Michala Marcussen

Dans un contexte d’incertitude plus élevée que la normale, un gel des investissements et des recrutements des entreprises, un report des décisions d’achats important des consommateurs et une exigence de primes de risque plus élevées de la part des investisseurs sembleraient intuitivement logiques. Toutefois, depuis la mi-2016, ce degré élevé d’incertitude paraît avoir peu d’impact sur l’économie. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation. Il ne faudrait toutefois pas que les responsables politiques se satisfassent de cette incertitude.

Toutes les incertitudes ne traduisent pas un risque de mauvaises nouvelles

Si la plupart des incertitudes de ces dix dernières années ont été liées à des risques négatifs, l’incertitude n’est pas toujours une mauvaise chose. Considérons par exemple la perspective d’un plan de relance budgétaire potentiellement important. Les marchés peuvent observer un regain de volatilité dû aux incertitudes sur son ampleur et à la réaction de politique monétaire potentielle, mais il n’y a guère de raisons pour que les entreprises et les ménages reportent leurs plans d’investissement et de recrutement et leurs projets de dépenses respectivement ; dans ce cas l’incertitude est plutôt de savoir s’ils devraient les accroître.

Le comportement et les convictions du marché sont essentiels

S’agissant des incertitudes dues à un risque négatif, les investisseurs devraient être prêts à prendre des positions pour que celles-ci aient un impact significatif sur les marchés ou l’économie. Il n’en est pas toujours ainsi. Prenons l’exemple du référendum sur le «Brexit». Même si les investisseurs avaient bien anticipé le résultat, ils risquaient encore d’être pris au dépourvu par la réaction ultérieure des marchés. De la même manière, après l’élection de Donald Trump, la réaction des marchés n’a pas été celle escomptée, loin de là ! Ce sont des exemples où visiblement beaucoup d’agents économiques préfèrent attendre que d’agir immédiatement, quand bien même le résultat serait bien anticipé

La réglementation a également rendu les prises de positions à effet de levier nettement plus onéreuses pour les acteurs de la finance. À certains égards, il s’agit d’une bonne nouvelle. Le danger est toutefois que seules les banques centrales semblent disposer aujourd’hui des capacités de répondre à un profond stress de marché.

Par ailleurs, la conviction que les banques centrales ont la volonté et la capacité d’intervenir pour enrayer des risques baissiers reste forte. En 2015 et 2016, qu’il s’agisse de la Chine, ou bien des inquiétudes à l’égard de la solidité de la reprise américaine, du «Brexit», des craintes sur la Grèce ou sur les banques italiennes, le sentiment que les autorités monétaires se tenaient prêtes à agir a clairement constitué un puissant facteur stabilisateur. Et lorsque les marchés financiers ne réagissent pas à un risque négatif, cela atténue son impact sur l’économie réelle. En règle générale, une baisse permanente de 10 % des actions amputerait de 0,1 à 0,2 point de pourcentage la croissance du PIB dans les pays avancés la première année suivant le choc.

Mais les incertitudes sur la politique économique conservent leur importance

On serait tenté d’en conclure que les incertitudes sur la politique économique n’ont plus beaucoup d’importance. Pourtant, il convient d’être vigilant. Tout dépend de la nature du choc, notamment de la rapidité et de l’ampleur de son impact sur l’économie réelle. Imaginons un choc d’offre lié à un prix du pétrole revenu durablement à 100 dollars le baril. Cela éroderait rapidement le pouvoir d’achat des ménages et pèserait sur les marges bénéficiaires hors secteur de l’énergie. Toutes choses égales par ailleurs, ce scénario réduirait la croissance du PIB d’environ 0,5 point la première année suivant le choc. Des mesures pourraient-elles atténuer ce choc ? Nous restons préoccupés par le fait que la transmission de la politique monétaire à l’économie réelle est aujourd’hui plus faible qu’avant la crise, d’autant plus que cette politique est déjà très accommodante.

A l’avenir, la politique budgétaire apparaît donc comme l’instrument potentiellement le plus efficace pour réagir à un choc négatif important. Cependant, plusieurs pays présentent déjà une dette publique élevée et la politique budgétaire est lente à agir. Il est donc impératif de ne pas relâcher les efforts pour rendre les économies plus solides, via des réformes structurelles. C’est d’ailleurs l’avertissement que le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, lance à chaque conférence de presse. Nous ne pouvons que l’approuver.

Michala Marcussen

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