10 milliards d’euros par an : l’excès de croissance de la masse salariale en France

Publié le 12 décembre 2014 à 14h44    Mis à jour le 12 décembre 2014 à 17h41

Patrick Artus

Le gouvernement français a mis en place une politique active de redressement des marges bénéficiaires des entreprises. Il s’agit du CICE. Pacte de responsabilité, qui va à terme réduire de 40 milliards d’euros les impôts des entreprises (20 milliards d’euros de baisse des impôts sur les profits, 20 milliards d’euros de baisse des cotisations sociales). Ces baisses d’impôts vont normalement monter en régime de 10 milliards d’euros par an, de 10 milliards en 2014 à 40 milliards en 2017.

Ce programme de baisse d’impôts a donc comme objectif la restauration de la profitabilité des entreprises françaises, avec l’espoir que ceci redressera leur investissement et leur emploi. Depuis le début des années 2000, en effet, le salaire réel par tête augmente en France plus rapidement que la productivité par tête, ce qui explique le recul de la profitabilité des entreprises et de la rentabilité du capital (elle est de 7 % en France, contre 10 et 14 % dans la plupart des pays de l’OCDE).

La raison de cette hausse chroniquement trop rapide du salaire réel est la segmentation du marché du travail. Près de 80 % des Français ont des contrats de travail à long terme jouissant d’une forte protection de l’emploi, ce qui leur donne un pouvoir de négociation suffisant pour obtenir des hausses importantes de salaire. Tant que cette situation dure, les salaires réels continuent d’augmenter plus vite que la productivité. Sur un an, au deuxième trimestre 2014, le salaire réel en France a augmenté de 1,2 % et la productivité de 0 %. L’écart représente une hausse excessive, anormale, de la masse salariale des entreprises de 10 milliards d’euros sur un an.

On voit que c’est précisément le montant annuel des baisses d’impôts décidées par le gouvernement : la totalité de ces baisses d’impôts va servir à couvrir les hausses trop rapides des salaires, sans qu’il y ait, de ce fait, l’espoir qu’elles puissent conduire à un supplément d’investissement et d’emploi.

Patrick Artus Chef économiste ,  Natixis

Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Depuis 1998, il était directeur de la recherche et des études de Natixis. Il a été promu chef économiste en mai 2013.

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