Faut-il continuer d’acheter des actions de la zone euro ?

Publié le 17 avril 2015 à 15h38

Patrick Artus

Alors que les investisseurs non européens achètent massivement des actions de la zone euro depuis l’été 2014, les investisseurs de la zone euro restent prudents. Ils observent que le PER de l’Eurostoxx est de 17,5 environ, ce qui est supérieur à la moyenne historique, et ont peur que les actions de la zone euro soient déjà surévaluées. Est-ce le cas, ou faut-il continuer à investir dans les actions européennes ?

Il faut d’abord analyser les fondamentaux de la valeur des actions de la zone euro. Le partage des revenus entre salariés et profits ne se déforme plus beaucoup, mais les résultats des entreprises de la zone euro sont dopés d’une part par la baisse du prix du pétrole, d’autre part par la dépréciation de l’euro. Ces deux évolutions accroissent les profits des entreprises de la zone euro de 10 % par rapport à la croissance du PIB. L’autre facteur fondamental est l’effet de baisse des taux d’intérêt à long terme sur la valorisation des actions (sur le PER). Depuis la fin de 2014, le taux d’intérêt à long terme de l’ensemble des pays de la zone euro (hors Grèce) est passé en dessous de la croissance nominale de la zone euro. En 2015, ce taux d’intérêt devrait être de l’ordre du 0,5 %, pour une croissance nominale de l’ordre de 2 %. Ceci pousse à la hausse le PER théorique de 20 % environ par rapport à la situation du 1er trimestre 2014.

Les évolutions fondamentales justifient donc une hausse de 30 % en un an (10 % de résultats par action, 20 % de valorisation) des cours boursiers de la zone euro. C’est presque exactement la hausse observée. Ceci peut justifier l’inquiétude des investisseurs de la zone euro : la hausse fondamentalement justifiée est réalisée.

Mais il reste à tenir compte des flux, liés au quantitative easing de la BCE. D’une part, le quantitative easing attire des non-résidents sur le marché des actions de la zone euro ; d’autre part, une partie importante des 60 milliards d’euros de liquidités créées tous les mois par la BCE est réinvestie en actions. Les autres classes d’actifs (dette des entreprises, infrastructure, fonds de dette, etc.) n’ont pas la taille, la liquidité nécessaire pour absorber ces liquidités. De plus, le risque émergent est élevé, et la perspective d’une dépréciation supplémentaire forte de l’euro, s’éloigne avec les mauvaises nouvelles sur l’économie américaine, ce qui maintient les liquidités créées par la BCE dans la zone euro.

Que peut être l’effet des flux acheteurs d’actions de la zone euro sur les cours boursiers ? Il est impossible à quantifier mais il peut être considérable. Tant que le quantitative easing dure, les investisseurs auraient tort de ne pas profiter du rendement très élevé des actions européennes.

Patrick Artus Chef économiste ,  Natixis

Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Depuis 1998, il était directeur de la recherche et des études de Natixis. Il a été promu chef économiste en mai 2013.

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