Quand et de combien les taux d’intérêt à long terme vont-ils remonter ?

Publié le 28 octobre 2016 à 17h57    Mis à jour le 3 novembre 2016 à 10h41

Patrick Artus

Les marchés financiers ne croient pas à la remontée des taux d’intérêt à long terme dans la zone euro. Ils voient le taux d’intérêt à 10 ans à un niveau 40 points de base seulement plus élevé que le niveau présent à la fin de 2018.

Implicitement, cela veut dire que les investisseurs ne croient pas à l’arrêt du Quantitative Easing dans la zone euro, ne croient pas à la transmission à la zone euro de taux d’intérêt à long terme internationaux plus élevés, ne croient pas à un redressement significatif de l’inflation.

Il est pourtant très probable que sur ces trois points ils ont tort.

Commençons par la politique monétaire des Etats-Unis. La situation économique des Etats-Unis est assez bonne. Les perspectives de production sont fortes, surtout dans les services ; les créations d’emplois sont voisines en moyenne de 200 000 par mois ; le taux de participation (des américains au marché du travail) remonte, les salaires progressent plus rapidement ; enfin le redressement du prix du pétrole améliore déjà la situation et les investissements du secteur de l’énergie. Tout ceci va normalement conduire à une hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale, à partir de décembre 2016, à une hausse des taux d’intérêt à long terme aux Etats-Unis dont 40 % environ sera transmise aux taux d’intérêt européens.

Regardons ensuite les perspectives d’inflation pour la zone euro. L’inflation anticipée à 5 ans pour la zone euro sur les marchés financiers est de 0,8 % par an ; quand on prend en compte correctement les effets de la progression des salaires et de la hausse du prix du pétrole, on trouve une inflation de la zone euro de 1,6 % à la fin du 1er semestre 2017 et légèrement supérieure à 2 % à la fin de 2018 : les anticipations d’inflation sont anormalement faibles, vont être corrigées à la hausse, et cela va contribuer au redressement des taux d’intérêt à long terme de la zone euro.

Que va enfin faire la BCE ? Si l’inflation dépasse 2 % à la fin de 2018 et en 2019, elle voudra être capable de monter ses taux d’intérêt directeurs à la fin de 2018 ; pour cela, il faut qu’elle ait au préalable arrêté le Quantitative Easing (une Banque centrale ne peut pas à la fois injecter des liquidités et les reprendre), probablement au milieu de l’année 2018. Cela implique de commencer à sortir progressivement du Quantitative Easing vers la fin de l’été 2017, donc d’annoncer cette évolution de la politique monétaire de la zone euro au début du printemps 2017. Nos évaluations empiriques nous disent que l’arrêt complet du Quantitative Easing ferait remonter de 130 points de base le taux d’intérêt à 10 ans moyen de la zone euro.

Plaçons-nous donc au printemps 2017. Il y aura donc, à cette date, remontée des taux d’intérêt à long terme aux Etats-Unis, révision à la hausse des anticipations d’inflation de la zone euro, anticipation du début du «tapering » (sortie progressive du Quantitative Easing) par la BCE : tout cela devrait conduire à des taux d’intérêt à long terme de la zone euro nettement plus élevés qu’aujourd’hui et nettement plus élevés que ce qui est anticipé pour cette date.

Patrick Artus Chef économiste ,  Natixis

Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Depuis 1998, il était directeur de la recherche et des études de Natixis. Il a été promu chef économiste en mai 2013.

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