Vers une crise des actions aux Etats-Unis ?

Publié le 9 février 2018 à 15h16    Mis à jour le 14 février 2018 à 16h24

Patrick Artus

Les marchés financiers ont aujourd’hui un double sentiment : d’une part un sentiment d’optimisme, parce que les économies vont bien, que la croissance des résultats des entreprises est forte ; mais d’autre part, un sentiment d’inquiétude, parce que tous les prix d’actifs (actions, immobilier, or, etc.) augmentent, et que la liquidité mondiale reste très abondante. Les investisseurs se demandent donc d’où une crise financière pourrait partir.

Un candidat raisonnable, crédible, pour déclencher une crise financière est le marché des actions américaines. Ce marché est en effet particulièrement fragile. D’une part, le niveau présent des cours boursiers aux Etats-Unis est associé à la prévision d’une croissance très rapide des bénéfices des sociétés américaines : 15 % en 2018 ; 11 % par an ultérieurement. Le chiffre de 2018 peut être accepté, avec la réforme fiscale qui réduit fortement (de l’équivalent de 6 points de revenu) les impôts des entreprises américaines ; les chiffres ultérieurs sont compatibles avec une croissance réelle supérieure à 3 % par an, ce qui est impossible à obtenir aux Etats-Unis avec le retour au plein emploi qui freine nécessairement la croissance.

Ensuite, la remontée des taux d’intérêt à long terme aux Etats-Unis se poursuit, et réduit la valorisation normale des actions. Le PER (sur les résultats de 2019) de 18,5 % paraît incompatible avec cette dynamique de remontée des taux d’intérêt.

Enfin, facteur important, les cours boursiers aux Etats-Unis sont poussés à la hausse par les rachats d’actions par les entreprises américaines : celles-ci ont racheté en 2017 550 milliards de dollars d’actions, ce qui pousse bien sûr les cours à la hausse. Or, les rachats d’actions sont cycliques ; lorsque l’économie ralentit, les entreprises arrêtent leurs rachats, qui sont financés par des émissions obligataires, et les cours boursiers corrigent à la baisse, ce qui est un facteur important de fragilité du marché des actions américaines.

Il paraît donc raisonnable de penser qu’il y aura une correction à la baisse des actions américaines, avec la révision à la baisse des prévisions de croissance et de résultats, avec la remontée des taux d’intérêt, et avec la menace de baisse des rachats.

Il ne s’agirait pas d’une crise catastrophique comme celle de 2008, avec l’explosion de la bulle obligataire et la crise bancaire. Il s’agirait plutôt d’une crise comme celle de 2000, liée à la perte de richesse due au recul des cours boursiers.

Patrick Artus Chef économiste ,  Natixis

Patrick Artus est Chef économiste de Natixis depuis mai 2013. Polytechnicien, diplômé de l’Ensae, et de l’IEP Paris, Patrick Artus intègre l’Insee en 1975, où il participe notamment à des travaux de prévision et de modélisation, avant de rejoindre, cinq ans plus tard, le département d’économie de l’OCDE. En 1982, il devient directeur des études à l’Ensae puis il est nommé, trois ans plus tard, conseiller scientifique au sein de la direction générale des études de la Banque de France. En 1988, il intègre la Caisse des dépôts et consignations, où il exerce successivement en tant que chef du service des études économiques et financières puis responsable de la gestion actif-passif. En 1993, il est nommé directeur des études économiques, responsable de la recherche de marché chez CDC-Ixis. Depuis 1998, il était directeur de la recherche et des études de Natixis. Il a été promu chef économiste en mai 2013.

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