Frexit : une éventualité préoccupante

Publié le 24 février 2017 à 11h20    Mis à jour le 2 mars 2017 à 10h24

Thierry Million

La dette de l’Etat français subit actuellement une pression grandissante. Les obligations OAT à 10 ans ont perdu 8 % de leur valeur depuis le début du mois d’octobre. La défiance des investisseurs est telle qu’ils réclament aujourd’hui un rendement de 1,10 % pour en faire l’acquisition. En conséquence, la prime exigée par rapport à un titre d’Etat allemand s’élève à 0,80 %, alors qu’elle n’était que de 0,22 % au mois de juillet.

Evidemment, la perspective de l’élection présidentielle française est principalement à l’origine de cette défiance. Très à l’écoute des sondages, les marchés craignent la possible présence au second tour des candidats aux discours profondément anti-européens et anti-globalisation. S’ils devaient l’emporter, les conséquences d’un éventuel Frexit seraient bien plus terribles pour l’Union européenne que le Brexit choisi par le Royaume-Uni. L’augmentation de l’écart de rendement entre les titres français et allemands reflète l’accroissement de cette probabilité. Des facteurs techniques accentuent cette divergence. En effet, le socle d’investisseurs de la dette française se compose à plus de 60 % de non-résidents. Autrefois très avides de celle-ci, ils s’en délestent massivement. De surcroît, ceux qui ne peuvent céder leurs titres cherchent à les couvrir. Pour y parvenir, ils utilisent le contrat future OAT et ont fait exploser le volume de transactions. Ces mêmes vendeurs utiliseraient également les futures italiens pour se couvrir d’un risque systémique européen.

Jusqu’à l’élection présidentielle, il reste encore deux longs mois, à l’aune temporelle des marchés. La volatilité va encore redoubler au gré de l’évolution des sondages quant aux positions relatives des candidats. Ainsi, il est encore trop tôt pour revenir à l’achat sur les emprunts de l’Etat français, en dépit du supplément de rendement qu’ils offrent déjà.

Thierry Million Directeur de la gestion obligataire ,  Allianz Global Investors France

Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.

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