Le cercle vicieux des taux négatifs

Publié le 17 juin 2016 à 10h42    Mis à jour le 21 juin 2016 à 17h23

Thierry Million

Pour la première fois de son histoire, le taux actuariel des obligations à 10 ans allemandes est passé en dessous de zéro. Les acquéreurs de ces titres semblent ne pas se préoccuper de leur rendement. En fait, les investisseurs qui les mettent en portefeuille, cherchent aujourd’hui à protéger leurs actifs à n’importe quel prix, quitte à devoir payer pour cela.

Mais que nous révèlent au fond ces taux négatifs ? Ils prouvent simplement que la crise est loin d’être terminée, sept ans après son pic. Dans leur volonté de restaurer les canaux financiers habituels de transmission, les banques centrales continuent d’inonder les marchés de liquidités tout en taxant leur détention (taux de dépôt à - 0,40 % auprès de la BCE). Elles enflent une bulle obligataire et écrasent les taux sur l’ensemble des maturités, propulsant ainsi les investisseurs sur des territoires inconnus. Le jeu est dangereux car le mécanisme du marché obligataire fait que plus les rendements baissent, voire deviennent négatifs, plus l’exposition aux variations des taux d’intérêt augmente. La perte potentielle, en cas de retournement à la hausse des taux, n’a jamais été aussi importante. L’épargnant, déjà privé de rendement, encourt un risque de moins-value de 50 % plus élevée qu’en 2008.

D’ailleurs, le phénomène d’aplatissement de la courbe des taux est contre-productif. Il freine le développement du crédit bancaire puisque la durée de l’engagement n’est plus proportionnellement rémunérée. En conséquence, il apparaît un déficit d’investissement face à une épargne pléthorique, contraignant le taux d’équilibre à s’établir en dessous de zéro.

Pour sortir de ce cercle vicieux, les banques centrales pourraient éventuellement faire machine arrière et relever leurs taux directeurs. Mais, le surendettement global est si important que le système financier n’est plus en mesure de supporter des taux normaux.

Thierry Million Directeur de la gestion obligataire ,  Allianz Global Investors France

Thierry Million est directeur de la gestion obligataire d'Allianz Global Investors France. Ingénieur diplômé en Informatique de l’Institut de Recherche polytechnique de Mulhouse, titulaire d’un DESS en finance de l’Institut Supérieur de Gestion et diplômé de la SFAF, Thierry Million débute sa carrière en 1987 en tant que courtier et responsable de la Trésorerie chez Dynabourse. Il est ensuite gérant obligataire à la Banque Vernes. En 1994 il rejoint Dresdner RCM Gestion en tant que directeur de la gestion obligataire. En 2001 il devient Responsable des activités Product Management et Conseil d’AGF Asset Management. A partir de 2003, il prend la responsabilité des portefeuilles diversifiés des institutionnels et entreprises, ainsi que de la recherche quantitative et économique. En 2006, il est nommé directeur de la recherche économique et quantitative et du Conseil, puis directeur de la gestion obligataire d’Allianz Global Investors en 2008. Depuis 2013, il est directeur de la gestion obligataire institutionnelle.

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