Bonus

2015, un bon millésime pour les sociétés de gestion

Publié le 15 avril 2016 à 10h12    Mis à jour le 17 janvier 2017 à 16h03

Sandra Sebag

Les bonus versés cette année au titre de 2015 progressent en moyenne de 20 %. La bonne tenue des primes dans les sociétés de gestion s’inscrit dans le cadre d’une amélioration globale de l’emploi qui se confirme mois après mois.

Depuis 2013, les perspectives en matière d’emploi et de salaire se sont nettement améliorées en France dans la gestion d’actifs. Par conséquent, depuis lors, les bonus sont plutôt orientés à la hausse. «L’effet marché a été important en 2015 comme en 2014, précise Baptiste Lambert, consultant chez Robert Half. Les encours ont donc mécaniquement augmenté, ce qui s’est traduit par une hausse des bonus.» L’an dernier, les cabinets de recrutement estimaient l’accroissement des bonus dans une fourchette comprise entre 20 % et 30 %. Mais la hausse serait tout de même moins importante cette année. «Les bonus sont, en moyenne, en ligne avec ce qui a été versé l’an dernier, précise Odile Couvert, associée chez Amadeo Executive Search, un cabinet de chasseurs de têtes. La collecte a été correcte ; cependant, la volatilité a été forte et certaines classes d’actifs ont souffert.» Mais globalement, la tendance est meilleure qu’il y a quelques années. «Pendant la crise financière, les bonus ont diminué de 60 % à 70 %, poursuit Odile Couvert. Désormais, nous sommes sortis de la période difficile qui a duré jusqu’en 2012. Les rémunérations tendent maintenant à augmenter, même si elles restent tout de même inférieures au niveau atteint avant 2007.»

Des bonus supérieurs à 100 % du fixe

Cette hausse modérée cache de fortes disparités selon le type de postes. La part variable des salaires dépend, en effet, de la fonction occupée au sein des sociétés de gestion. Selon l’enquête annuelle de Robert Half sur les salaires et l’emploi dans la finance publiée en début d’année, les bonus représentent entre 10 % et 30 % de la rémunération pour les fonctions du marketing, comme les spécialistes produits ou les chargés des appels d’offres. Ils peuvent grimper jusqu’à 70 % des revenus fixes pour les analystes ou les gérants et même dépasser 100 % pour les commerciaux et les directeurs de la gestion. A cela s’ajoute un effet marché pour certaines fonctions qui sont plus à même, selon la configuration des marchés, de générer de la performance. L’inflation des bonus a ainsi été forte cette année sur quelques métiers. «Les bonus versés aux commerciaux, notamment ceux spécialisés sur le segment de la distribution, ont augmenté, poursuit Baptiste Lambert. De même, certaines catégories de gérants sont très recherchées comme ceux spécialisés sur les produits de dette. Les bonus versés sont, là encore, clairement en hausse.» Autre spécialité dont la cote est importante : les spécialistes des convertibles ou des fonds thématiques qui enregistrent donc un accroissement de leurs bonus.

Du côté des structures de gestion aussi, les différences peuvent être notables. Certaines sociétés de gestion entrepreneuriales ont réalisé une très bonne année en termes de performance et de collecte. C’est le cas également de grandes maisons de gestion dont la collecte à l’international a été très forte. «Les commissions de surperformance versées ont donc augmenté ainsi que les bonus pour les commerciaux des sociétés de gestion dont la collecte a été élevée», poursuit Odile Couvert. A contrario, les professionnels travaillant dans des structures qui ont peu collecté ou spécialisés sur des classes d’actifs dont les rendements sont en baisse, comme dans l’obligataire, voient leur bonus diminuer. «La situation est très hétérogène d’une structure à l’autre», confirme Vincent Picard, associé chez Fed Finance.

Fidéliser les salariés

Une nouveauté est à noter du fait de la réglementation cette année : la part des bonus différés tend à augmenter. Les sociétés de gestion sont en effet soumises à la réglementation AIFM depuis 2014 pour les fonds alternatifs et à la directive Ucits V, entrée en application au mois de mars 2016, pour l’ensemble des fonds coordonnés. Ces textes prévoient l’instauration de bonus différés dans une logique de renforcement du contrôle des risques (voir encadré). Les sociétés seraient même allées parfois au-delà de ce qui est prévu par les textes. «Les sociétés de gestion s’appuient sur la réglementation et vont parfois au-delà de ses exigences afin d’inciter les gérants à investir dans une perspective de long terme», relate Baptiste Lambert. Les bonus différés ont aussi un autre avantage : ils permettent de retenir les talents. «Le marché du travail est tendu sur certaines fonctions, poursuit Baptiste Lambert. Les sociétés de gestion cherchent donc à conserver leurs effectifs.» Pour cela, elles n’utilisent pas que les bonus, d’autres primes sont également versées. Les plans d’épargne salariale sont en effet très développés dans les filiales de banque et dans certaines sociétés de gestion entrepreneuriales qui n’hésitent pas à ouvrir leur capital à leurs collaborateurs. «Les bonus, mais aussi le versement de primes d’intéressement dès que la conjoncture s’améliore et de primes de participation, font partie de la culture de nombreuses sociétés de gestion», ajoute Vincent Picard.

Et il n’y a pas que la part variable des salaires qui augmente, l’inflation concerne aussi la part fixe.«Il y a quelques années, la réglementation concernant les bonus dans les banques d’investissement et de financement (BFI) est devenue plus contraignante, rappelle Odile Couvert. Cela a conduit les grands groupes bancaires à augmenter la part des salaires fixes. Les sociétés de gestion suivent le même mouvement, même si les hausses y sont plus modérées.» Une tendance qui pourrait donc se poursuivre, si l’embellie du marché du travail se confirme.

Un redémarrage marqué des recrutements

•Depuis deux ans, les recrutements ont été importants dans les sociétés de gestion. Parmi les postes les plus prisés figurent les commerciaux avec des profils plutôt seniors, qui disposent ainsi d’un carnet d’adresses étoffé, mais aussi les spécialistes du contrôle des risques et de la conformité ainsi que les gérants et les analystes crédit. Une partie des recrutements concerne de nouveaux postes. «L’embellie en matière d’emplois est nette depuis 2014 et s’est accentuée en 2015, relève Vincent Picard, associé chez Fed Finance. Certaines sociétés de gestion ont lancé de nouveaux projets, créé des postes, embauché des collaborateurs sur des contrats à durée indéterminée.»

•Les embauches ne concernent pas seulement un renforcement des équipes. «Un cinquième des recrutements porte sur des développements et le reste sur des renouvellements suite à des départs», précise Baptiste Lambert, consultant chez Robert Half. Face à l’amélioration du marché du travail, les collaborateurs des sociétés de gestion sont un peu moins frileux. «Les salariés des sociétés de gestion n’hésitent pas à bouger lorsqu’un projet les intéresse vraiment», poursuit Baptiste Lambert.

•Toutes les typologies de structures sont concernées par cette dynamique. «Des grandes maisons comme Axa IM ou Amundi sont très dynamiques en termes de recrutements, mais c’est aussi le cas de boutiques», précise Odile Couvert, associée chez Amadeo Executive Search. Les opportunités ne concernent d’ailleurs pas que le marché français. «Les sociétés de gestion françaises créent des postes au Luxembourg, relève Vincent Picard. Elles ont néanmoins plutôt tendance à transférer leurs effectifs domiciliés en France plutôt qu’à recruter localement.»

•En 2016, malgré un début d’année chahuté, les projets engagés n’ont pas été remis en cause. Par contre, on note un certain attentisme de la part des sociétés de gestion. «Certains projets de recrutement ont été mis en attente, relève Odile Couvert. Une stabilisation des marchés financiers permettra de relancer les recrutements.»

Des bonus différés pour contrôler le risque

Les directives AIFM et Ucits V intègrent un volet sur la rémunération dans les sociétés de gestion. Elles prévoient dans ce cadre que les bonus soient soumis à condition. Ainsi, si un gérant dépasse les limites de risque autorisées, il ne touchera pas de bonus et cela quelle que soit la performance obtenue. De même, la performance et le risque sont analysés ex-post afin de véritablement s’assurer que le gérant contrôle bien ses risques. La réglementation oblige ainsi les sociétés de gestion à différer le paiement d’une partie des bonus. Ce décalage dans le temps concerne 40 % à 60 % du paiement des bonus et porte sur une période allant de trois ans à cinq ans afin que la société de gestion puisse être certaine qu’il n’y a pas eu de dépassements des limites de risque. Autre nouveauté : une partie du paiement ne se fera pas en cash, mais en parts du fonds.

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