Les entretiens annuels d’évaluation restent un exercice incontournable à préparer pour les professionnels des directions financières. Cette année, ces derniers ne pourront pas espérer y négocier une revalorisation salariale importante, sauf à se démarquer en démontrant les projets qu’ils ont menés.
La période des entretiens annuels au sein des directions financières est arrivée. Si certaines entreprises ont déjà commencé, dès le mois de décembre, à mener ces rendez-vous incontournables entre managers et collaborateurs, la plupart d’entre elles vont devoir s’y atteler au mois de janvier. Cet exercice, qui généralement n’a lieu qu’une fois par an, doit être bien préparé par les professionnels de la finance. C’est l’occasion pour eux de prendre du recul et d’échanger avec leur supérieur hiérarchique. Ce schéma classique est désormais de plus en plus complété par des «entretiens à 360°». «Il s’agit d’une évaluation avec son manager mais aussi avec une personne hiérarchiquement subordonnée, ainsi qu’avec un professionnel des ressources humaines de l’entreprise. Cet entretien permet d’obtenir une idée plus pertinente de sa capacité à fédérer et à communiquer, surtout dans la conduite de projets, atout essentiel à mettre en valeur», explique Laëtitia Quatrevaux, manager régional Hays Accountancy & Finance.
Quel que soit le format choisi, l’entretien annuel d’évaluation commence par un bilan de l’année écoulée. Le manager et le salarié y évaluent le travail effectué et comparent leurs points de vue. Néanmoins pour ce dernier, il peut être difficile de savoir sur quels éléments s’auto-évaluer.«Les postes au sein des directions financières ne sont pas liés à l’activité à proprement parler, mais sont plutôt un soutien au business, il est donc difficile de chiffrer leurs travaux de l’année», indique Laëtitia Quatrevaux. Les objectifs fixés l’année passée servent généralement de référence pour juger du travail effectué. Néanmoins ces critères ne tiennent pas compte de tout le travail accompli par le salarié, qui doit souvent faire face à de nouveaux projets ou à des urgences à traiter. Il doit ainsi mettre en avant tout ce qu’il a pu apporter à l’entreprise durant l’année.
Deux types d’arguments
Dans ce contexte, deux types d’arguments peuvent être avancés. D’une part, les employés des directions financières doivent valoriser leur travail «quantitativement», notamment sur le plan financier. «Les salariés peuvent par exemple mettre en avant la réduction du BFR et du délai de paiement des clients, l’avancée de la date de clôture, le fait de ne pas avoir dépassé les charges fixées dans le budget, etc., précise Patricia de Finance, directeur chez Haussmann Executive Search. D’autres aspects mesurables doivent également être mis en avant, tels que le respect des délais (d’un projet ou de travaux réguliers), le nombre de factures traitées et un nombre d’erreurs limité.»
D’autre part, il convient également d’avancer des arguments qualitatifs, comme la mise en place avec succès ou l’amélioration d’un outil de pilotage, le bon accompagnement et suivi des opérationnels, la participation à des projets transverses, la mise en place du contrôle interne, la bonne intégration d’une personne recrutée dans l’année, etc.
Ce bilan est également l’occasion d’aborder les difficultés rencontrées, qu’elles soient techniques ou managériales. Il s’agit de remettre les événements dans leur contexte et d’expliquer les difficultés rencontrées. Un salarié doit aussi être capable d’anticiper les éventuelles critiques sur son travail pour identifier ses axes d’amélioration. «Attention toutefois, un salarié qui présente des difficultés dans l’année ne doit pas attendre l’entretien annuel pour en parler», insiste Sophie Breton, directeur administratif et financier adjoint de l’ETI Le Noble Age.
Tous ces sujets développés lors du bilan permettent de définir de nouveaux objectifs pour l’année suivante, en les révisant à la baisse ou à la hausse en fonction de la réalisation du salarié pendant l’année passée.
Des négociations limitées
En outre, le bilan va servir de base pour la seconde partie de l’entretien, à savoir la mise en avant des aspirations du salarié et la définition de ses prochaines étapes professionnelles. Pour en faire part, ce dernier doit être au courant des pratiques du marché et de celles de l’entreprise, afin de savoir ce qu’il lui est possible de négocier ou non.
Souvent, ces souhaits concernent d’abord une évolution salariale. Dans les directions financières, les augmentations des rémunérations fixes sont toutefois limitées. Cette année, elles ne devraient pas dépasser les 5 %, selon les spécialistes. La hausse de la part fixe étant restreinte, le professionnel financier devra donc davantage négocier sur sa part variable. «Le salarié peut demander une prime exceptionnelle si les objectifs présentés lors de l’entretien de l’année précédente ont été réalisés, ou dans le cas par exemple de la mise en place d’un projet particulier», explique Laëtitia Quatrevaux. Même s’il peut avoir des arguments valables pour justifier d’une augmentation, un cadre financier ne doit pas oublier que sa marge de manœuvre reste limitée. Chaque entreprise a souvent une politique globale de rémunération qui est définie après le passage de tous les collaborateurs en entretien annuel. «Les revalorisations salariales ne sont pas fixées au moment de l’entretien d’évaluation, confirme Sophie Milochevitch, responsable RH services financiers chez Criteo. Les managers et ressources humaines se réuniront ensuite pour appliquer une évolution de rémunération cohérente entre tous les salariés.»
Pourtant, certains métiers très plébiscités actuellement peuvent avoir des marges de négociation plus importantes. «Les consolideurs et les trésoriers sont des métiers actuellement rares et sollicités sur le marché du recrutement, souligne Guillaume Dupont, manager de la division finance du cabinet Robert Walters. Comme pour tout profil clé, leurs employeurs veillent ainsi à leurs évolutions à moyen et long terme lors des entretiens annuels. Les analystes financiers et les contrôleurs de gestion sont également concernés.»
L’autre type d’attente, souvent avancé par les professionnels de la finance lors de l’entretien annuel d’évaluation, concerne les évolutions en termes de poste. A ce sujet, certains métiers ont plus de possibilités de négociation. «Les auditeurs internes peuvent rapidement évoluer vers des rôles opérationnels de contrôleur de gestion, qui intègrent une dimension managériale, informe Patricia de Finance. Un contrôleur de gestion évoluera vers un poste de directeur financier ou de directeur du contrôle financier. Quant au directeur comptabilité, il pourra devenir directeur financier s’il a prouvé sa capacité à être en lien avec le business.»
Toutefois, ces évolutions restent souvent limitées aux départs. Dans ce cas de figure, un bon moyen pour un professionnel de la finance d’évoluer dans ses fonctions consiste à étendre son niveau de responsabilités. Les employés des directions financières ne peuvent plus se cantonner à un rôle d’exécutant.
«Les financiers ont vu leurs fonctions évoluer car ils sont davantage impliqués dans le cœur business des entreprises, en participant notamment aux prises de décisions avec les divisions opérationnelles. Ils ne sont plus cantonnés à de la production de données ou de reportings, mais participent à des projets transverses structurants tels que l’implémentation d’ERP ou d’outils décisionnels, indique Guillaume Dupont. Ces profils financiers, notamment en contrôle de gestion ou consolidation, peuvent plus facilement évoluer.» Les salariés doivent avant tout montrer leurs compétences. Ce type de démarche est aussi l’occasion de mettre en avant les idées que le salarié a pour l’entreprise et ainsi de démontrer qu’il peut participer à la réflexion sur la stratégie pour progresser dans l’entreprise.
Une préparation tout au long de l’année
Souvent préparé quelques jours à l’avance, l’entretien annuel d’évaluation est un moment d’échange avec son supérieur hiérarchique à anticiper. Il est même conseillé de s’y préparer tout au long de l’année, pour prendre le recul nécessaire. Si une préparation aussi longue peut paraître excessive, il faut au moins s’y atteler quelques mois à l’avance car les entretiens surviennent généralement en période de clôture des comptes et des budgets, où le temps est restreint. «Il faut structurer ses idées et entrer en entretien dans une logique constructive et de transparence», ajoute Sophie Milochevitch responsable RH services financiers chez Criteo. Cette préparation sert donc à lister tous les points à aborder et à ne rien oublier d’essentiel.
De plus, les échanges doivent être de plus en plus continus et l’entretien est plus vu comme une synthèse de l’année.«Les salariés ne doivent pas attendre l’entretien annuel pour aborder les questions de rémunération ou dire ce qui va ou ne va pas, explique Sophie Breton, directeur administratif et financier adjoint du Noble Age. Cette entrevue n’est pas là pour traiter de sujets qui n’ont jamais été abordés, mais doit permettre de synthétiser l’année et de fixer de nouveaux objectifs.» Chaque difficulté doit donc faire l’objet d’un temps d’échange pendant l’année. D’ailleurs, de plus en plus d’entreprises choisissent de faire passer des entretiens en milieu d’année. Ces derniers permettent de réaliser un premier état des lieux des objectifs fixés, et de les repositionner s’ils ont été mal évalués.
