Gestion du stress

Comment faire face à un burn-out

Publié le 9 décembre 2016 à 17h34

Nathalie Halpern

Soumis à un stress chronique, de plus en plus de professionnels de la finance sont affectés par le burn-out. Mal connu, ce syndrome d’épuisement professionnel peut néanmoins être évité en repérant ses signes précurseurs et en sensibilisant davantage les managers.

Le burn-out n’épargne pas les professionnels de la finance. Dans ces métiers souvent très stressants, certains sentent l’épuisement les gagner, insidieusement. «Je ne pouvais plus m’empêcher de penser tout le temps à mon travail, témoigne Denis Fortin-Kretz, un ex-responsable administratif et financier. Je me réveillais même la nuit pour noter sur des post-it les tâches que je ne devais pas oublier de faire le lendemain. Je dormais de moins en moins. Je déjeunais sur un coin de bureau, mais j’étais de plus en plus débordé, et épuisé. Les piles de dossiers s’accumulaient.» Rien n’allait plus, depuis qu’un an et demi auparavant, il avait dû remplacer, au pied levé, le directeur financier dont il était l’adjoint, ce qui avait entraîné pour lui une surcharge de travail. Son état se dégradant, Denis Fortin-Kretz décide d’aller voir son médecin qui l’arrête durant plusieurs mois. L’ex-responsable administratif et financier est atteint d’un burn-out, c’est-à-dire d’un syndrome d’épuisement professionnel. Celui-ci se définit comme un stress chronique qui persiste pendant plus de six mois, et parfois plus d’un an. «Il ne s’agit pas d’un simple coup de fatigue qui peut être réparé par quelques bonnes nuits de sommeil, mais d’un épuisement intense qui affecte le corps, les émotions et les capacités cognitives», explique Catherine Vasey, psychologue spécialisée.

Encore mal connue, cette pathologie affecterait de plus en plus de personnes. Cependant, il est impossible d’avoir une idée précise de son ampleur, car le syndrome d’épuisement professionnel n’est pas reconnu officiellement en tant que «maladie». Inquiets, les pouvoirs publics français se sont saisis du sujet. Un débat est lancé sur la nécessité de le reconnaître en tant que maladie professionnelle. Une mission parlementaire travaille actuellement sur cette question. Elle doit formuler, au cours des prochaines semaines, des propositions pour améliorer la prévention et la prise en charge du burn-out.

Les facteurs de risque

Il est vrai que ce syndrome peut concerner pratiquement tous les salariés, et en général les collaborateurs les plus motivés. «Le burn-out atteint souvent en premier lieu les personnes les plus investies dans leur travail, les plus perfectionnistes, car elles vont se dépenser sans limites», souligne Catherine Vasey, psychologue. Dans tous les cas, sa cause première est le travail. «Le burn-out est toujours entraîné par un environnement professionnel menaçant, souligne Patrick Légeron, psychiatre et fondateur de Stimulus, un cabinet de conseil en stress en entreprise. Les risques sont importants quand l’entreprise est en restructuration. Ils le sont également quand l’organisation du travail est délétère, entraînant une surcharge de travail.» Enfin, il y a aussi très souvent un problème de management. Le cadre est confronté à un manager toxique ou un nouveau manager qui ne sait pas encourager ses équipes.

Les professions financières figurent ainsi parmi les métiers les plus à risque. Facteur aggravant, la crise financière, qui s’est soldée par des restructurations et licenciements dans les banques notamment, a poussé certains salariés au burn-out. Par ailleurs, la multiplication des réglementations fait monter la pression sur les professionnels de la finance (voir encadré). «Le seul moyen de résister est de prendre le temps de souffler et de connaître ses limites, conseille Murielle Barachon, directeur administratif et financier et vice-présidente de l’association Stop Burn-Out. Il faut savoir prendre le recul nécessaire, et écouter son corps.»

Tenter de se préserver

Le burn-out n’est en effet pas une fatalité, selon les spécialistes. Il est possible de le prévenir en amont, si l’on parvient à détecter ses signes précurseurs.

Pour y parvenir, il faut d’abord distinguer un stress passager d’un burn-out. En cette fin d’année, nombre de cadres financiers sont stressés, puisqu’ils doivent notamment clôturer les comptes. «Le stress en soi n’est pas un problème, mais il ne doit pas être continu, conseille Catherine Vasey. Il doit s’arrêter par moments dans la journée : il faut pouvoir se détendre quand l’on rentre chez soi, par exemple, et ne plus penser au travail. Si ce n’est pas le cas, il faut prendre des mesures pour se préserver, comme de ne pas consulter ses mails à la maison, bien séparer vie privée et professionnelle, faire du sport.»

Ensuite, si le stress devient trop intense, et chronique, des signes de «surchauffe» apparaissent : troubles du sommeil, troubles digestifs, problèmes musculaires, douleurs dorsales, ou palpitations cardiaques, etc. Les émotions sont affectées : la personne hyperstressée peut devenir très irritable. Sur le plan cognitif, des troubles de la concentration et de la mémoire peuvent survenir. C’est ce qui est arrivé à une ex-fiscaliste dans une grande banque française. Cette jeune femme était pourtant très motivée lorsqu’elle avait débuté à ce poste, qui était son premier CDI, deux années auparavant. L’ambiance se dégrade toutefois dans son établissement, comme dans nombre de grandes banques sur fond de restructurations. «Nous avions de plus en plus de travail, et les procédures établies pour lutter contre la fraude étaient de plus en plus lourdes. Il fallait être à 400 % dans son travail, et ne jamais faire de pauses.» Cet environnement «inhumain» l’angoisse d’autant plus que sa responsable est très distante. «Un jour, j’ai eu un grave accident de voiture, raconte-t-elle. Quand je suis revenue, elle m’a accueillie sur un ton agressif en me disant qu’il fallait rattraper le retard.» Ses problèmes s’accentuent : troubles du sommeil, perte de poids, crises d’angoisse. «Je n’arrivais plus à me concentrer ni même à parler à ma responsable», se rappelle-t-elle. Elle pensait qu’après des vacances, elle irait mieux. Mais à son retour, elle était déjà dans le même état au bout de deux jours.

Prévenir sa direction

Dans ces circonstances, le salarié n’a d’autre choix que de se faire soigner. «Il faut à tout prix aller voir son médecin traitant ou le médecin du travail, afin d’écarter la piste d’une autre maladie, telle l’hyperthyroïdie par exemple ou des problèmes cardiaques, conseille Léa Riposa, présidente de l’association France Burn-Out. Il faut obtenir un diagnostic médical.» C’est ce qu’a fait ce cadre dans une grande entreprise, dont la vie était devenue un enfer après l’arrivée d’un nouveau chef de service. «J’ai eu de la chance, mon médecin du travail m’a indiqué que j’étais en burn-out, qu’il fallait que je me repose, raconte-t-il. On se sent coupable d’arrêter de travailler, d’être malade, mais je n’avais plus le choix.»

Après ce diagnostic, il faut alerter sa direction. «Il faut toujours prévenir sa direction ou sa DRH des problèmes rencontrés», conseille Léa Riposa. La direction n’est en effet pas toujours au courant des difficultés. «Il faut se plaindre clairement, par écrit, afin de tenter de trouver des solutions, et garder des preuves en cas de litige», ajoute Léa Riposa. Dans certains cas, cette étape peut permettre de trouver des solutions. «Il existe des dispositifs en interne pour aménager un poste, qu’il s’agisse d’un mi-temps ou d’une mutation, afin de pouvoir réintégrer un salarié à son poste après l’arrêt de travail», complète Léa Riposa. Ce cas de figure a été vécu par un cadre de la finance qui a été soutenu par sa direction. «Mon chef est parti dans un autre service, et j’ai pu revenir à mon poste, après l’arrêt maladie, au début à mi-temps», explique-t-il. Grâce aux mesures mises en place, il a retrouvé sa sérénité. Il a aussi changé d’attitude. «J’ai appris à savoir dire non, si besoin, au travail, et je me contrains à ne plus travailler chez moi, le soir ou le week-end.»

Le syndrome d’épuisement professionnel est toutefois encore peu connu dans l’entreprise. Des banques, telles que BNP Paribas, se sont saisies du sujet, en tentant d’identifier et de dénombrer les salariés en situation de burn-out. D’autres mettent en place des stages sur la gestion du stress. Certaines professions, comme les experts-comptables, réfléchissent à des moyens de prévention. «Les entreprises commencent à s’y intéresser, mais il y a un grand retard dans ce domaine, estime Patrick Légeron, du cabinet Stimulus. La plupart n’ont pas de stratégie de prévention en matière de stress, alors que le management a un rôle essentiel à y jouer. Il faudrait que les managers soient mieux informés et formés afin d’intervenir en amont, d’autant que lorsqu’il y a un cas de burn-out dans un service, d’autres suivent souvent par la suite.» Nombre de spécialistes estiment que la reconnaissance du burn-out en tant que maladie professionnelle permettrait de faire avancer les choses. «Les entreprises seraient obligées de cotiser pour leurs salariés en arrêt de travail dans ce cadre, estime Patrick Légeron. Cela les responsabiliserait, et elles devraient faire plus en matière prévention.» Un fait paraît certain, tout le monde aurait à gagner à se sentir mieux au travail.

Les experts-comptables se mobilisent

De plus en plus d’experts-comptables sont confrontés à l’épuisement professionnel. «Nous constatons de plus en plus de burn-out dans notre profession depuis deux ans,indique Célia Mero, expert-comptable, commissaire aux comptes et présidente de la section Maine, Anjou, Touraine au sein du syndicat de la profession (IFEC). Il faut dire que la pression au quotidien ne cesse d’augmenter. Les nouvelles obligations légales, telle la déclaration sociale nominative, se multiplient, et notre environnement de travail se modifie face au numérique.»

Face à cette situation, la profession a décidé de réagir en misant sur la prévention. Des conférences sur le burn-out ont été organisées dans plusieurs régions cette année. «Nous souhaitons également créer une commission visant à informer et accompagner nos confrères sur le burn-out, au sein de l’IFEC, en 2017», indique-t-elle.

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