Recrutement

Comment les directions financières choisissent leur stagiaire

Publié le 19 avril 2018 à 16h55    Mis à jour le 20 avril 2018 à 11h51

Alexandra Milleret

Avec le printemps, les demandes de stages se multiplient dans les boîtes mail des services de ressources humaines des entreprises. Ces derniers doivent pourtant choisir quelques heureux élus parmi des candidatures aux diplômes souvent similaires. Dans ce contexte, la personnalité d’un postulant peut faire la différence.

Qu’il soit obligatoire ou facultatif, le stage en entreprise est devenu une étape incontournable pour l’entrée dans la vie active des étudiants. Chaque année, les directions financières reçoivent des dizaines – voire des centaines – de candidatures d’étudiants, venus de BTS, de grandes écoles ou de l’université, souhaitant valider leur cursus de contrôle de gestion ou de comptabilité. «C’est une vraie compétition des talents», souligne Grégory Sanson, directeur administratif et financier du groupe Bonduelle. Face à cette recrudescence de candidatures, les équipes RH sont obligées de mettre en place des procédures de recrutement très pointues pour dénicher la perle rare capable d’intégrer une direction financière. «Sur une soixantaine de candidats, nous organisons d’abord des pré-sélections grâce à des entretiens téléphoniques, explique Thibault Remy, directeur administratif et financier de Meilleursagents.com. Puis, les quinze finalistes sont soumis à des cas pratiques pour que nous puissions nous faire une idée sur leur faculté d’analyse et faire notre choix définitif.»

Pour établir une première «short list», les services de recrutement examinent donc attentivement le curriculum vitae des postulants. «Il n’existe pas de portrait-robot du stagiaire idéal d’une direction financière, avoue Christine Coste-Planson, partenaire métier RH de la direction financière d’AXA France. Mais nous retenons quelques qualités bien particulières.»

Une empathie pour les chiffres

D’abord, concernant son savoir-faire, le futur stagiaire doit être à l’aise avec les chiffres et posséder les bases de l’analyse financière et du contrôle de gestion acquises au cours de ses études. «Il faut être réaliste sur les compétences techniques d’un stagiaire. Notre niveau d’exigence ne peut pas être très élevé sur ce point, indique Gregory Sanson. Mais le candidat doit manifester un réel intérêt pour les métiers de la finance.» Il doit comprendre par exemple la différence entre les charges opérationnelles et le traitement comptable, être capable de manipuler les données financières recueillies et maîtriser les connaissances de la bureautique. Pour cela, les recruteurs privilégient les stages de fin d’études, notamment pour les étudiants d’écoles de commerce et d’ingénieurs ou en master II spécialisé dans la finance.«Nos offres de stage sont d’autant plus sérieuses que cette initiation en entreprise va clore le parcours scolaire d’un étudiant par la remise d’un mémoire ou d’un rapport, remarque Christine Coste-Planson. C’est le dernier test d’aptitude avant l’entrée réelle dans la vie active.»

La plupart des stagiaires recrutés ont néanmoins déjà des premières expériences professionnelles. Celles-ci sont scrutées de près par les entreprises : les précédents stages peuvent notamment montrer leurs capacités. «Nous leur demandons, lors de nos entretiens de s’exprimer sur leur parcours, précise Christine Coste-Planson. Il faut une certaine progression d’un stage à l’autre.» Pour cela, les recruteurs apprécient les candidatures décrivant les missions, les études de cas qui ont pu être confiées au sein d’autres sociétés. «Nous ne sommes pas trop regardants sur le secteur d’activités des autres stages, concède le directeur administratif et financier d’une Maison de LVMH. Mais, l’intérêt pour la matière finance doit être évidente.»

Enfin, les «petits job d’été» sont également remarqués.«La sélection se fait aussi sur la capacité du candidat à gérer une vie étudiante et un travail en parallèle, souligne Gregory Sanson. Tout ce qui construit un individu est à prendre en compte, car le plus important est de trouver le profil approprié à la future mission proposée.»

Une personnalité déterminante

En effet, au-delà des compétences techniques, les recruteurs se basent désormais surtout sur des critères dits «comportementaux» ou «soft skills» pour sélectionner leurs futurs stagiaires. «Le choix s’opère sur le côté intuitif d’un entretien, remarque le directeur administratif et financier d’une Maison de LVMH. Le recrutement, c’est aussi une rencontre. Nous déterminons quel candidat va le plus facilement s’insérer dans l’équipe.»

Souvent jugés facultatifs ou obsolètes par les candidats eux-mêmes qui ne les mentionnent pas systématiquement, les centres d’intérêts ne sont pas à négliger.«Un candidat qui s’implique dans des associations ou pratique un sport est très révélateur de sa capacité à travailler en équipe ou à avoir le sens du contact», confie Thibault Remy. La curiosité, l’ouverture d’esprit, l’autonomie et la capacité à s’exprimer constituent des valeurs fondamentales pour les entreprises, même pour un simple stagiaire. «Les métiers de la finance demandent souvent aux individus de sortir de leur sphère propre pour s’intéresser aux autres départements d’une entreprise, constate Séverine Lenoir, responsable du contrôle de gestion d’AXA France. Il faut une bonne capacité d’écoute pour donner du sens aux chiffres et aux résultats que l’on doit analyser.»

La personnalité d’un candidat est enfin décisive dans le processus de recrutement des directions financières. «Nous recherchons une certaine aptitude à l’apprentissage, à épouser les valeurs de l’entreprise, ajoute Gregory Sanson. Un stagiaire doit fait preuve d’humilité et savoir questionner les salariés d’une entreprise pour s’intégrer au mieux sur le fond des sujets.» A chaque fois qu’elles ont mis fin prématurément à un stage, c’est bien le comportement ou l’attitude du stagiaire qui posait problème, plus que ses capacités intellectuelles.

Le stage en entreprise favorise le recrutement interne

L’époque où le stagiaire se bornait à faire des photocopies est révolue. Aujourd’hui, il participe à des réunions stratégiques et mène une véritable mission, le plus souvent d’une durée de six mois, définie par l’entreprise qui l’accueille. «Nous les considérons comme des juniors avec un statut de stagiaire», souligne Thibault Remy. Aussi, si la plupart des entreprises acceptent bien volontiers de rédiger des lettres de recommandation à l’issue de cette période de formation, le recrutement interne est aussi une possibilité. En effet, certaines entreprises ont à cœur de voir évoluer leurs anciens stagiaires. «Nous avons embauché trois anciens stagiaires, deux en CDD d’une durée d’un an et un en CDI», explique Christine Coste-Planson. Et le groupe AXA n’est pas un cas isolé. «Si un stagiaire travaille vraiment bien et que nous avons l’opportunité d’embaucher, alors nous lui proposons de rejoindre nos équipes», se félicite le directeur financier d’une Maison de LVMH.

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