Directeurs financiers

Comment se reconvertir en expert-comptable

Publié le 10 juin 2016 à 16h12    Mis à jour le 10 juin 2016 à 18h45

Guillaume Clément

De plus en plus de responsables financiers expérimentés décident de se reconvertir dans le métier d’expert-comptable. Pour encourager cette démarche, l’Ordre des experts-comptables Paris Ile-de-France a lancé, il y a un an et demi, une cellule d’accompagnement, qui a déjà suivi plus d’une vingtaine de professionnels.

Le métier d’expert-comptable attire chaque année plusieurs centaines de jeunes diplômés. Mais il suscite également un intérêt croissant de la part de profils expérimentés… comme les directeurs financiers ! «Après avoir notamment exercé entre 2005 et 2008 comme directeur administratif et financier d’Hélios, puis jusqu’en 2015 comme directrice déléguée à la direction générale en charge de la comptabilité et du contrôle de gestion du groupe Paprec, j’ai décidé l’an dernier de me reconvertir dans cette profession», illustre Maryse Chinchilla, fondatrice du cabinet Optifica.

N’étant généralement pas diplômés d’expertise-comptable, les professionnels qui souhaitent entreprendre ce type de démarche doivent recourir à la «passerelle 7 bis», un dispositif prévu par l’article 7 bis de l’ordonnance du 19 septembre 1945. «Celui-ci permet de recevoir le titre d’expert-comptable sans avoir besoin d’obtenir le diplôme de la profession, explique Gilbert Métoudi, vice-président de l’Ordre des experts comptables Paris Ile-de-France. Ses titulaires peuvent effectuer les mêmes missions que les experts comptables diplômés, à l’exception des mandats de commissaire aux comptes.»

Des dossiers pouvant atteindre 200 pages

Pour encourager davantage de responsables financiers à suivre cette voie, l’Ordre des experts-comptables Paris Ile-de-France a mis en place il y a un an et demi une cellule de «coaching» destinée à les aider dans leurs démarches, notamment administratives. Une mesure qui connaît un engouement croissant. «Depuis début janvier, nous avons reçu une dizaine de dossiers pour bénéficier d’un coaching, soit presque autant que durant toute l’année 2015, se réjouit Gilbert Métoudi. Nous avons rencontré en moyenne entre trois et quatre fois ces candidats afin principalement de déterminer si leur parcours les rendait éligibles à la passerelle 7 bis (voir encadré) et d’évaluer leur motivation.»

Cet intérêt pour un accompagnement s’explique principalement par la charge de travail importante que représente la constitution des dossiers de candidature. «Il m’a fallu environ trois mois pour finaliser mon dossier, qui ne comporte pas moins de 205 pages», souligne Maryse Chinchilla. Les responsables financiers doivent en effet y détailler l’ensemble des missions qu’ils ont effectuées au cours de leur carrière. «J’ai par exemple indiqué avoir pris en charge environ une vingtaine de contrôles fiscaux entre 1995 et 2008 dans le cadre de mes fonctions de directeur administratif et financier de Franprix-Leader Price, illustre Yannick Cornec, fondateur du cabinet d’expertise-comptable Clyper. Pour démontrer mes capacités managériales, essentielles pour obtenir le titre d’expert-comptable via la passerelle 7 bis, j’ai également décrit les différentes tâches de supervision (des comptes, des liasses fiscales, etc.) que j’avais menées auprès des 120 collaborateurs placés sous ma responsabilité de directeur comptable de cette même société.»

Des profils appréciés des entreprises

Mais la tâche la plus chronophage pour les responsables financiers durant la constitution de leur dossier consiste toutefois à obtenir des attestations de leurs anciens employeurs, collaborateurs et partenaires. «J’ai inclus à mon dossier une trentaine de ces documents, que j’ai obtenu de la part de mon ancien directeur général, de commissaires aux comptes, d’experts-comptables, d’avocats ou encore de banquiers avec lesquels j’avais par exemple négocié des lignes de financement, indique Maryse Chinchilla. Ces attestations démontrent ma capacité à mener à bien des tâches dans des domaines allant de l’audit des comptes à la mise en place de nouveaux processus financiers.» Une fois leur dossier envoyé au Conseil régional de leur lieu de résidence, il ne reste plus aux candidats qu’à attendre une réponse de l’Ordre des experts-comptables. Ceux dont le dossier ne permet pas à ce dernier de statuer en l’état peuvent toutefois être amenés à passer un «grand oral», face à un jury composé de représentants de la direction générale des Finances publiques, de l’enseignement supérieur, de cadres d’entreprise et du Conseil régional de l’Ordre. «Cet entretien dure environ une demi-heure et vise principalement à évaluer la capacité et la motivation des candidats à exercer notre métier», souligne Gilbert Métoudi.

Ce précieux sésame obtenu, la majorité des experts-comptables titularisés depuis un an et demi ont choisi de créer leur propre cabinet.«Comme la décision de me reconvertir provenait d’une volonté entrepreneuriale, il était pour moi inenvisageable de rejoindre un cabinet existant ou une autre entreprise», indique Yannick Cornec. Un choix d’autant plus pertinent que grâce à leur expérience passée, ces professionnels reconvertis peuvent souvent se démarquer de leurs concurrents, notamment dans le cadre d’appels d’offres. «Le fait d’avoir mené plusieurs opérations de croissance externe au cours de ma carrière m’a par exemple permis de remporter un mandat face à des grands cabinets d’audit auprès d’un groupe hôtelier qui préparait une acquisition, poursuit Yannick Cornec. Après m’avoir sollicité pour mener une due diligence, ce client m’a par la suite confié des missions plus étendues, allant de la gestion de la paie à la comptabilité, le suivi de la trésorerie ou encore l’identification de cibles potentielles.» De quoi renforcer l’attractivité de la profession auprès des membres de directions financières qui souhaitent à la fois devenir expert-comptable et conserver un périmètre d’activités étendu.

Des critères d’éligibilité restrictifs

Le dispositif «passerelle 7 bis» de l’Ordre des experts-comptables n’est ouvert qu’à des profils financiers expérimentés. Pour en bénéficier, il faut en effet cumuler les conditions suivantes :

  • avoir 40 ans révolus ;
  • justifier d’au moins 15 années d’activité dans l’exécution de travaux d’organisation ou de révision de comptabilité au sein d’une entreprise, les expériences en cabinet n’étant pas prises en compte ;
  • avoir exercé pendant au moins cinq ans des fonctions ou des missions comportant l’exercice de responsabilités importantes d’ordre administratif, financier et comptable.

Des rémunérations moins attractives à court terme

  • Les directeurs financiers qui deviennent experts-comptables voient généralement leur rémunération diminuer significativement à court terme. «J’ai divisé par trois mon salaire lorsque j’ai créé mon cabinet», illustre Yannick Cornec, fondateur de Clyper.
  • Cette situation est toutefois le plus souvent temporaire. «Compte tenu du développement de nos activités, je devrais atteindre d’ici deux à trois ans un niveau de rémunération proche de celui dont je bénéficiais lorsque j’ai quitté mes fonctions chez Paprec», affirme Maryse Chinchilla, fondatrice de Optifica.
  • Selon les professionnels, les experts-comptables ayant recouru à la passerelle 7 bis gagnent le plus souvent entre 80 000 et 120 000 euros brut par an.

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