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Comptabilité : une profession en profonde mutation

Publié le 16 mars 2018 à 16h36    Mis à jour le 23 avril 2018 à 17h30

Anaïs Trebaul

Face à l’automatisation de certaines tâches liées aux évolutions technologiques et à l’accroissement des contraintes réglementaires, le métier de comptable est en train de connaître quelques bouleversements. Les professionnels doivent désormais montrer une plus forte expertise, tant sur le plan informatique qu’analytique.

Longtemps perçue comme isolée, rébarbative et apportant peu de valeur ajoutée, la profession comptable pourrait voir son image évoluer favorablement.

Certes, ces 10 dernières années, la constitution des centres de services partagés (CSP), ces concentrations des équipes comptables au sein d’un même service, n’a pas contribué a redoré positivement le quotidien de ces professionnels. «Que ce soit au sein des CSP en France ou délocalisés à l’étranger, les comptables y exercent des tâches très répétitives, de saisie et de rapprochements, et ils ont peu d’analyse à mener, relève Xavier Jégard, président de l’Association des directeurs de comptabilité et de gestion (APDC). Dans certains cas pour la comptabilité transactionnelle, un diplôme comptable comme un BTS n’est même pas demandé» Mais récemment, de nouveaux enjeux sont venus complètement bouleverser le métier des comptables et commencent à faire évoluer leur quotidien.

Vers plus d’analyse

En effet, si l’essor de l’automatisation de tâches ne devrait pas, selon les professionnels, réduire encore les effectifs, il va sensiblement élargir le rôle des comptables dans les entreprises. «Les nouveaux outils qui se développent remplacent des fonctions qui étaient exercées régulièrement par les comptables, telles que l’ensemble des rapprochements concernant les relevés bancaires, des bons de commande avec les factures, etc. souligne Xavier Jégard. De ce fait, les comptables vont être amenés à travailler sur d’autres sujets à plus forte valeur ajoutée qu’ils ne traitaient pas jusqu'à présent.»Désormais, ils s’attellent à vérifier les informations produites par ces nouveaux outils informatiques.«Alors qu’auparavant les comptables avaient essentiellement pour mission de cadrer les données issues des états de gestion avec la comptabilité, ces tâches vont désormais être traitées à environ 90 % par les robots, précise Mathieu Bonet, manager chez Sia Partners. Les comptables vont ainsi se concentrer sur les 10 % de cas complexes qui n’ont pas pu être effectués par la machine et vérifier qu’il n’y ait pas d’erreurs générées par l’outil. Ils vont également analyser les écarts entre les états de gestion et la comptabilité.» En parallèle, ils sont également sollicités pour participer à la gestion des projets de mise en place de ces dispositifs technologiques. «Les comptables sont désormais au cœur de nombreux projets informatiques en lien avec la comptabilité, indique Karine Doukhan, vice-présidente de Robert Half France. Ils sont par exemple très impliqués dans la dématérialisation des documents, dans la redéfinition des processus des achats et ventes et leur déversement dans la comptabilité.»

Mais ces professionnels du chiffre ne se cantonnent pas aux seules tâches liées à ces nouveaux outils informatiques, ils sont désormais en charge de missions plus analytiques, conjointement avec d’autres services de l’entreprise. «A la place de la saisie qu’ils effectuaient auparavant de manière isolée, les comptables travaillent maintenant avec les opérationnels pour analyser les chiffres financiers de l’entreprise, dans le cadre du pilotage de l’activité, poursuit Karine Doukhan. En fait, ils ont dorénavant des missions qui étaient auparavant réservées aux adjoints chefs comptables ou aux comptables confirmés.»De ce fait, les postes de directeurs et responsables comptables voient également leur quotidien bouleversé. «Ils ne sont plus seulement responsables des chiffres passés, souligne Xavier Jégard. Ils sont désormais acteurs de tous les sujets de prévisions et d’impacts financiers sur les comptes au sein de la direction financière. Ils sont également régulièrement mis à contribution lors des opérations d’acquisition ou de cession.»

Vers des compétences plus spécifiques

De ce fait, le niveau de compétences exigé sur cette profession s’accroît. D’abord, conséquence de cette digitalisation, la maîtrise de plusieurs logiciels comptables est désormais obligatoire. Ensuite, du fait des échanges de plus en plus récurrent avec les autres services de l’entreprise, la pratique de la langue anglaise est davantage recherchée. «Dans les entreprises internationales, nous constatons que la maîtrise de l’anglais est exigée lors des recrutements de comptables», observe Karine Doukhan.

Par ailleurs, l’évolution de la réglementation et des normes requiert des comptables un degré de compétences élevé. «Les normes comptables se complexifient et deviennent plus contraignantes, aussi bien au niveau international (IFRS) que français, remarque Caroline Allouët, associée chez BDO. Les comptables doivent être au fait de ces évolutions régulières et maîtriser leur mise en place pratique, afin d’assurer la fiabilité des états financiers de leur entreprise.» Au regard de ces enjeux, les responsabilités des comptables augmentent. «Progressivement, le métier comptable devient une profession très élitiste, précise Karine Doukhan. Par exemple, il est beaucoup plus difficile qu’auparavant d’obtenir du diplôme supérieur de comptabilité et gestion (DSCG). Or, c’est une formation incontournable pour exercer un poste à responsabilité comptable.»

Cependant, malgré le renforcement des compétences et l’élargissement des tâches sur la majorité des postes comptables, les salaires octroyés à la profession augmentent encore peu. Si les directeurs comptables devraient voir leur salaire moyen progresser de 8 % en 2018, selon l’étude de rémunération annuelle de Robert Half, celui des comptables généraux pourrait en revanche diminuer de 2 à 3 %.

Une clôture des comptes plus rapide

  • Si toutes les entreprises n’ont pas mis au point des outils informatiques permettant notamment d’automatiser l’ensemble des processus d’achat, elles veulent toutes que leurs données financières soient restituées plus rapidement. «Les comptables doivent désormais traiter l’information beaucoup plus vite qu’auparavant et sont notamment aidés pour cela par les nouveaux outils numériques, observe Caroline Allouët, associée chez BDO. Sollicitées aussi bien par leurs banquiers que leurs investisseurs, la plupart des entreprises veulent aussi avoir une vue d’ensemble de leurs informations financières en temps réel et pouvoir restituer leurs comptes financiers annuels plus rapidement.»
  • Au-delà même des services comptables des entreprises, les cabinets comptables extérieurs cherchent eux aussi à soumettre plus rapidement les informations à leurs clients. «Dans le cadre de notre activité d’expertise comptable, nous avons récemment mis au point une plateforme en ligne pour échanger plus rapidement avec nos clients», indique Caroline Allouët.

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