Métier

Credit manager, couteau suisse de la direction financière

Publié le 31 août 2018 à 16h23

Anne del Pozo

Historiquement spécialisé dans la gestion du recouvrement de créances et l’analyse financière, le credit manager a ces dernières années élargi le champ de ses compétences pour devenir un acteur de la performance de l’entreprise. Un profil atypique qui fait de lui un collaborateur très recherché.

S’il est un métier qui aura profité des grandes vagues de défaillances d’entreprises consécutives à la crise financière de 2008/2009, c’est bien celui de credit manager.

«Poussé par un contexte économique fragile et une sinistralité exacerbée, de nombreuses entreprises se sont en effet attachées, ces dernières années, à mieux structurer leur gestion du poste client autour d’un manager expérimenté, constate Eric Latreuille, président de l’Association française des credit managers (AFDCC) et credit manager Group SGD Pharma. Désormais, ce métier est mieux appréhendé, ses missions mieux comprises. Le credit manager a véritablement trouvé sa place dans l’entreprise.»

Un profil aux compétences diversifiées

Selon une étude menée par le cabinet Hays sur le métier en 2017, le credit manager a pour principale vocation de piloter les équipes qui s’occupent de gérer le recouvrement de créances (75 %), de réaliser des analyses financières et de déterminer les limites de crédit (61 %) ainsi que d’optimiser le besoin en fonds de roulement (33 %).

«Sa mission, historiquement articulée autour de la prévention et de la gestion du recouvrement de créances, consiste également à diffuser une culture cash au sein de son organisation, précise Sébastien Cordier, référent en credit management France, Benelux et Turquie chez Versalis International succursale française. A ce titre, il a un véritable rôle de pédagogue auprès des opérationnels.»

En l’espace de quelques années, la dimension du métier a sensiblement évolué. Après être longtemps resté l’interlocuteur des assistants commerciaux, des commerciaux, des chargés de recouvrement et des comptables de l’entreprise, il travaille aujourd’hui de plus en plus avec la direction financière, la direction juridique et les auditeurs internes mais également avec d’autres opérationnels, et en particulier les acheteurs. Un rôle plus central qui lui permet de participer très activement à la performance de l’entreprise. «Il peut être amené à travailler sur des missions transverses avec différents services (ou à différents stades), poursuit Sébastien Cordier. Par exemple, en collaboration avec le service juridique et les commerciaux, il peut contribuer à la définition de conditions générales de ventes. Il peut également participer, aux côtés des équipes informatiques et de la direction commerciale, à la mise en place d’une nouvelle solution de gestion du recouvrement de créances. Il peut également travailler sur les projets de compliance (relatif par exemple à la loi Sapin 2) avec la direction juridique et les auditeurs internes, etc. » Parallèlement, dans un environnement de risque qui tend à se développer (risques de défaillance, de changes, politiques…), il revient également au credit manager de mettre en œuvre les stratégies de gestion du risque client, voire de risque fournisseur. D’ailleurs, selon la politique de gestion du risque de l’entreprise, il lui incombe parfois d’arbitrer sur les niveaux d’encours octroyés aux clients. «A cet effet, le credit manager peut être amené à animer des comités de crédit et à dialoguer avec les assureurs crédit, notamment pour obtenir des augmentations de niveaux d’agrément», ajoute pour sa part Eric Latreuille.

Des perspectives d’évolution professionnelle

Au regard de ces différentes missions, les compétences techniques nécessaires sont particulièrement diversifiées et tendent également à évoluer. Ainsi, au-delà de ses indispensables qualités en analyse financière et en recouvrement de créances, le credit manager se doit aussi d’être un communicant pour mieux échanger avec les différentes sphères de l’entreprise. «Aujourd’hui, les credit managers développent de plus en plus de compétences en “soft skills”, à savoir leurs capacités d’écoute et de négociation, constate Ludovic Bessiere, business director France et Belgique au sein de Hays. D’autre part, pour pouvoir répondre à l’ensemble de leurs enjeux métiers actuels, ils estiment aujourd’hui avoir besoin de faire évoluer leurs compétences dans les domaines juridiques, de l’international et de la négociation.»

Très protéiformes, ces compétences participent à rendre le métier atypique et le candidat difficile à trouver. «Les candidats seront davantage attirés par les challenges qui leur seront proposés et le ou les projets liés au poste, comme la création d’une structure de recouvrement de créances, un projet de digitalisation des processus, etc.», prévient Ludovic Bessiere. Pour les attirer, les entreprises ont donc dans l’ensemble fait le choix de davantage privilégier les missions qu’elles entendent confier aux candidats que les rémunérations offertes. Celles-ci sont généralement comprises entre 40 000 euros par an pour un credit manager junior et 60 000 euros pour un senior, voire plus de 70 000 euros pour les credit manager corporate – à cela s’ajoute une variable de l’ordre de 6 à 10 % le plus souvent.

En sus de ces paramètres, ce métier offre selon les principaux concernés des opportunités d’évolution de carrière, en particulier sur des postes de direction comptable, financière ou encore de contrôle de gestion. Il arrive même que cette profession soit un tremplin pour exercer des fonctions plus opérationnelles. «Un quart des credit managers évoluent vers des fonctions de direction commerciale», illustre Ludovic Bessiere. Il faut dire qu’avec leur solide connaissance du poste client et leur bonne appréhension des problématiques de marge, de rentabilité financière et de chiffre d’affaires, ils s’imposent comme des renforts de choix.

Des formations en credit management commencent à émerger

•   Depuis septembre 2017, l’Université de Rennes propose, en partenariat avec l’AFDCC, un master 2 Finance-Crédit Management, axé sur la gestion opérationnelle du poste client. Cette formation s’articule autour de différentes thématiques spécifiques liées au métier du credit management : techniques du métier mais aussi environnement financier, juridique, géostratégie, communication, négociation et, enfin, management d’équipe et de projet.

•   Plus globalement, ce sont actuellement les écoles de commerce ou les cursus en comptabilité/finance de gestion qui préparent aux fonctions de credit managers. Des formations au credit management sont ainsi dispensées au sein de masters en ingénierie financière, tels que celui proposé par l’Université Paris-Dauphine.

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