Entreprises

Directeur financier de start-up, un tremplin pour les jeunes cadres

Publié le 11 juillet 2014 à 11h07    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h28

Morgane Remy

Rejoindre une start-up est l’occasion pour un jeune financier de prendre rapidement des responsabilités, en construisant la stratégie de financement de l’entreprise, et en accompagnant son développement. Une expérience appréciée, y compris lorsque l’aventure entrepreneuriale tourne court.

«Je suis arrivé chez John Paul pour créer la direction financière : j’ai ainsi mis en place une comptabilité et un reporting, puis recruté mes collaborateurs. En parallèle, je gère les opérations de haut de bilan, le financement, et les relations quotidiennes avec nos banques.» Le témoignage de Fabien Dawidowicz, directeur financier de la start-up internationale de conciergerie de luxe John Paul (12 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013), est représentatif de ce qui motive ces jeunes cadres, lorsqu’ils rejoignent une entreprise qui vient de se créer. Si les sommes gérées sont beaucoup moins importantes que dans les grands groupes et que l’avenir de la société n’est pas garanti, un directeur financier a néanmoins la main sur toutes les problématiques en support des opérationnels.

Ainsi, rejoindre une start-up permet d’atteindre des responsabilités très tôt, très souvent avant 40 ans. «Comme dans une PME traditionnelle, les jeunes cadres ayant sept ou huit ans de métier peuvent prétendre à la fonction de directeur financier de start-up», explique Sylvie Haldi, responsable recrutement, finance et comptabilité chez Robert Half. D’ailleurs, le recrutement est souvent similaire. Ceux qui ont obtenu un master en finance d’une grande école et qui ont poursuivi quelques années dans l’audit, peuvent déjà postuler. Ceux qui ont complété ce parcours par une expérience au sein de la direction financière centrale d’un grand groupe ont alors plus de chances d’être retenus.«Mais, plus que le parcours professionnel, c’est la relation intuitu personae avec le fondateur de l’entreprise qui validera le recrutement, car le futur directeur financier deviendra le véritable bras droit du directeur général», précise Sylvie Haldi. Surtout, ce qui fera la différence sera la capacité du candidat à s’investir fortement et à prendre des risques personnels. Par exemple, le salaire est souvent sensiblement inférieur à ce qui se pratique sur le marché, à expérience égale. En contrepartie, le directeur financier dispose généralement d’un volume important d’actions gratuites ou de stock-options, qui peut s’avérer très lucratif en cas de réussite.

Une création ex nihilo de la direction financière

Certains financiers sont alors prêts à renoncer au confort d’une carrière dans un grand groupe pour tenter l’aventure. Par exemple, Marie Goetz a rejoint Numergy, une entreprise créée en 2012 ayant pour ambition de devenir un géant français du cloud computing, alors qu’elle avait déjà un poste au sein de la direction financière de SFR. «J’étais “revenue manager” et mon rôle était d’accompagner la direction marketing pour structurer de nouvelles offres à la fois attractives pour les clients et rentables pour le groupe, explique cette dernière. En parallèle, j’ai également participé à la constitution du business model de Numergy, alors qu’elle était encore une jeune société incubée par SFR.» Marie Goetz a ensuite choisi de quitter la sécurité que lui offrait une carrière au sein d’un grand groupe pour avoir l’opportunité de créer intégralement la direction financière de cette start-up. Un chantier qui demande un investissement certain. «Quand je suis arrivé chez John Paul, mes premiers projets ont été d’internaliser le logiciel de comptabilité et de mettre en place un plan comptable, une comptabilité analytique et un contrôle de gestion, explique Fabien Dawidowicz. Ensuite, j’ai rapidement développé des reportings de cash-flow mensuels et un point trésorerie hebdomadaire.» Ces indicateurs, particulièrement axés sur la trésorerie, permettent ensuite de surveiller de très près la santé financière de la société.

Un apprentissage de la gestion du cash

Que cela soit au début de l’aventure ou dans les années qui suivent, la première compétence que développe un jeune directeur financier de start-up est la gestion du cash. «Encore aujourd’hui, la trésorerie demeure mon obsession première car elle est synonyme de pérennité de l’entreprise», poursuit Fabien Dawidowicz. Outre les indicateurs, les jeunes directeurs financiers sont souvent associés à la conception même du business model, s’assurant ainsi que chaque point de croissance supplémentaire demeure rentable. «Je participe à la réalisation de la grille tarifaire pour chaque nouvelle prestation de service cloud afin de m’assurer que le prix de vente garantisse des marges suffisantes, explique Marie Goetz. Veiller à ce que notre croissance soit rentable est essentielle, car nous devons faire nos preuves très rapidement, y compris auprès de nos actionnaires.» En effet, le suivi de la rentabilité constitue un enjeu à moyen terme mais aussi à très court terme, le moindre signe de faiblesse pouvant mener à un assèchement immédiat des financements en haut et en bas de bilan.

Une capacité à communiquer avec les actionnaires et banquiers

Il est difficile, lorsqu’une activité commence, de gagner la confiance des partenaires financiers. Le directeur financier doit donc à la fois être capable de présenter un bilan irréprochable mais doit également développer ses compétences en communication pour répondre à des interlocuteurs de haut niveau et les rassurer. Par exemple, Marie Goetz doit faire face à un actionnariat exigeant composé de SFR (47%), de Bull (20%) et de la Caisse des dépôts des consignations (33%). Elle doit pouvoir répondre à toutes leurs questions très rapidement.  Par ailleurs, la relation avec les banques est tout aussi exigeante. Afin de trouver les financements nécessaires aux investissements et développements sur de nouveaux marchés, il convient de les rassurer sur la direction que prend l’entreprise. La société John Paul, dont le chiffre d’affaires a doublé en deux ans mais dont l’activité est méconnue en France, a dû faire beaucoup de pédagogie. «Même lorsque je n’ai pas besoin de crédit, j’échange avec mes partenaires bancaires, au moins une fois par semaine au téléphone, et je rencontre régulièrement mes interlocuteurs chez HSBC qui accompagnent notre développement à l’international, explique Fabien Dawidowicz. Nous évoluons très vite et nous devons les rassurer en expliquant notre ligne directrice.»

Un pari gagnant sur le marché du travail

Structurer une direction financière, surveiller la trésorerie de très près et assurer de bonnes relations avec ses actionnaires et banquiers composent ainsi le panel d’une expérience très complète. La plupart des directeurs financiers peuvent ensuite accompagner leur entreprise lors de leur entrée en bourse et prendre une envergure plus importante dans leur métier. Mais ce scénario ne constitue qu’une des issues possibles de cette aventure. En effet, il ne faut pas oublier que travailler pour une start-up reste un pari risqué.«L’avenir de la société n’est pas garanti et, même si celle-ci réussit, il est courant qu’elle fasse ensuite appel à un financier plus expérimenté pour l’accompagner jusqu’à la cotation, par exemple», souligne Sylvie Haldi. Mais même si l’entreprise ne survit pas, l’expérience d’avoir pu accompagner une start-up plusieurs années est valorisée. Le panel large de compétences techniques acquises est très valorisé au sein d’autres entreprises. «Les grands groupes apprécient donc ce genre de profils pour des postes de directeur financier de filiales, poursuit Sylvie Haldi. Non seulement ces financiers sont très autonomes mais ils ont déjà l’expérience de l’accompagnement des opérationnels et ont fait preuve d’une forte capacité de travail !» Malgré cela, la plupart des candidats qui ont goûté à l’entrepreneuriat préfèrent accompagner une autre start-up… ou tentent également leur chance en s’associant à un opérationnel pour créer leur propre entreprise.

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