Rémunération

Directions financières : Les bonus se démocratisent

Publié le 17 juin 2016 à 16h14    Mis à jour le 17 juin 2016 à 18h42

Astrid Gruyelle

Si les rémunérations variables versées cette année au sein des directions financières n’augmentent que très progressivement, celles-ci tendent en revanche à s’étendre à un plus grand nombre d’entreprises. Leur attribution dépend quant à elle de plus en plus souvent de la réalisation de projets.

Le bonus de près de 1,8 million d’euros attribué pour l’exercice 2015 au PDG de Renault, Carlos Ghosn, a contribué à alimenter la polémique sur la rémunération des dirigeants.

A la suite de cette affaire, l’Assemblée nationale vient d’ailleurs de décider d’instaurer un vote contraignant des actionnaires à ce sujet (voir encadré). Au sein des directions financières, une telle mesure n’a pour l’instant pas de raison d’être, les bonus étant loin d’atteindre des sommets comparables. Ceux versés cette année au titre de 2015 sont néanmoins en légère progression. «Pour l’ensemble des entreprises, nous notons une modeste augmentation des rémunérations variables accordées cette année aux membres des directions financières, relève Ludovic Bessière, national business director de la division finance et comptabilité chez Hays.Cette tendance à la hausse n’est pas nouvelle puisqu’elle s’observe chaque année depuis cinq ans.»

Si les recruteurs ne s’entendent pas sur le niveau précis de cette augmentation, tous notent de fortes disparités entre les entreprises, certaines directions financières n’ayant même accordé aucune rémunération variable. «Environ trois entreprises sur quatre distribuent des rémunérations variables aux membres de la direction financière», estime Mikaël Deiller, practice manager chez Michael Page. Cette pratique tend toutefois à s’élargir. «Nous observons une systématisation des rémunérations variables dans les directions financières, relève Laurent de Bellevue, directeur associé chez Robert Walters. Ce phénomène ne concerne pas uniquement les grandes entreprises. En effet, les PME ont également besoin de fidéliser leurs équipes, d’autant plus que celles-ci sont de taille réduite.»

D’autres formes de bonus

Malgré leur nombre limité, les membres de la direction financière peuvent obtenir un bonus dans une large fourchette. Depuis ces cinq dernières années, cette dernière est comprise, d’après les cabinets de recrutement, entre 5 % et 30 %. «Dans les PME, elle se situe généralement entre 5 % et 15 % maximum, tandis que dans les grandes entreprises, elle peut dépasser 20 %», détaille Ludovic Bessière. Un chasseur de têtes vient ainsi de recruter un profil s’étant vu attribuer un bonus compris dans cette fourchette. «Pour une PME, nous avons proposé un responsable administratif et financier qui a obtenu une rémunération variable assez classique de 10 %», illustre Ludovic Bessière.

A cette part variable peuvent venir s’ajouter d’autres formes de rémunérations qui, elles, sont plus fréquentes aujourd’hui.«L’attribution d’actions gratuites ou d’options de souscription ou d’achat d’actions est de plus en plus courante, constate Laurent de Bellevue. L’objectif par ce biais est de retenir davantage les bons collaborateurs, les options ne pouvant par exemple être exercées qu’au bout d’un certain nombre d’années.» La même tendance s’observe pour les avantages en nature. «Les directeurs financiers disposent de plus en plus de voitures de fonction, note Ludovic Bessière. Environ un sur deux bénéficie désormais d’un tel avantage.» Viennent enfin se greffer des plans d’intéressement, de participation ou d’épargne salariale, ainsi que des rémunérations additionnelles par le biais notamment de chèques cadeaux ou vacances.

D’une entreprise à une autre, la part de chacune de ces composantes diffère en fonction des objectifs des dirigeants. «Nous venons de rencontrer un directeur financier pour une start-up innovante qui s’est vu attribuer une rémunération fixe de 140 000 euros bruts annuels et des stock-options représentant 70 % de son salaire !, raconte Ludovic Bessière. Le but des dirigeants était de lier la rémunération du directeur financier aux résultats de la société car, dans ce type de structure, l’action de ce dernier y est très directement associée, celui-ci travaillant étroitement avec la direction générale.» De tels niveaux de bonus sont toutefois exceptionnels et ne se retrouvent généralement pas dans les autres entreprises. Dans la plupart des cas, les résultats de l’entreprise n’entrent qu’en partie dans le calcul de la part variable.

Un ensemble de critères

Pour attribuer ces rémunérations variables, les dirigeants et les responsables des ressources humaines se basent en effet sur deux types de critères. Ils prennent tout d’abord en compte les résultats de l’entreprise au regard d’indicateurs tels que l’Ebitda ou le chiffre d’affaires. A ces éléments viennent s’ajouter des objectifs qualitatifs, liés aux missions réalisées par les membres de la direction financière ou à leur capacité à gérer leur équipe. Pour un responsable administratif et financier, cela peut passer par des objectifs relatifs au volume de la trésorerie, à la baisse du nombre de dossiers à risque et à la diminution des délais de reporting. «Les objectifs fondés sur la performance de l’entreprise ont toujours existé, note Ludovic Bessière. Ceux sur les objectifs personnels représentaient quant à eux au départ une faible partie du bonus.»Si pour l’exercice 2015, selon les chasseurs de têtes, la répartition est assez équilibrée entre critères financiers et qualitatifs, la tendance est toutefois à une prise en compte accrue de ces derniers.«En effet, les collaborateurs ont davantage de leviers sur les objectifs directement liés à leur travail personnel qui sont souvent atteints à près de 80 %, ceux-ci étant fixés de manière à être atteignables pour assurer la fidélisation et la stimulation des membres», relève Sylvie Haldi, senior manager chez Robert Half.

En outre, le versement de la part variable dépend de plus en plus de la bonne gestion d’un projet, comme un changement de normes comptables ou la mise en place d’un nouveau système d’informations, qui fait partie des objectifs personnels. «Dernièrement, nous avons recruté pour le compte d’une entreprise un directeur financier qui avait obtenu un bonus pour remettre en ordre son service, se rappelle Ludovic Bessière. Cette tendance à fixer des objectifs de réalisation de projets s’observe depuis quatre ou cinq ans. Lorsqu’il s’agit de chantiers innovants pour la direction financière, leur bonne conduite peut représenter une part variable de 10 %.» Reposant à la fois sur des critères globaux et personnels, des primes exceptionnelles peuvent enfin être versées si la direction financière vient d’accompagner la réalisation d’une acquisition ou de mener un chantier de grande ampleur qui s’inscrit dans le cadre de la stratégie du groupe (restructuration, réorganisation, etc.).

Si ces objectifs sont parfois précisés dans le contrat de travail des membres de la direction financière, ce n’est toutefois pas la tendance.«Alors qu’on constatait par le passé que les montants ou pourcentages de variables étaient contractualisés dès le démarrage de la collaboration, on observe un retour à une pratique plus discrétionnaire», observe Mikaël Deiller. Un point de négociation sur lequel les membres des directions financières doivent donc être attentifs avant de signer leur contrat de travail.

Des objectifs différents selon la fonction

. Lorsque les fonctions financières sont très différentes, les écarts de montant de rémunération variable peuvent être importants. «Les cadres comptables ont la possibilité d’obtenir des primes discrétionnaires s’ils ont respecté les délais de clôture des comptes par exemple, note Sylvie Haldi, senior manager chez Robert Half.Il s’agit souvent d’enveloppes qui peuvent être comprises entre 1 000 et 3 000 euros.» En revanche, pour les collaborateurs travaillant dans un département de fusions-acquisitions, les sommes sont généralement bien plus élevées au regard d’objectifs moins récurrents. «Leur rémunération variable est liée à la qualité des deals qui ont été réalisés, explique Sylvie Haldi. Les bonus sont donc importants et peuvent atteindre 30 000 euros et plus, mais sont versés en une seule fois. Ces collaborateurs étant souvent issus de banques d’affaires ou de services de transaction au sein de cabinets de conseil, ils sont habitués à un niveau de rémunération variable élevé.»

. Même pour des postes ayant des parts variables similaires, les critères d’attribution des bonus diffèrent. «Les credit managers doivent parvenir à réduire le DSO (délai moyen de paiement des clients) en encaissant les factures à temps et à sensibiliser les commerciaux à ne pas travailler avec des sociétés non solvables, illustre Sylvie Haldi. La rémunération variable dépend du montant recouvré, à laquelle s’ajoute une part liée au management, ce qui représente au total entre 10 % et 20 % de leur salaire fixe.» D’autres critères sont retenus pour les contrôleurs de gestion, fondés notamment sur les délais de clôture, les reportings ou les budgets. «Ces profils ont presque systématiquement une part de rémunération variable, observe Sylvie Haldi. En général, ils obtiennent 10 % de bonus en début de carrière, puis jusqu’à 25 % pour un directeur du contrôle de gestion.»

La rémunération des dirigeants bientôt soumise au vote contraignant des actionnaires

  • Fin avril, lors de l’assemblée générale de Renault, les actionnaires de ce constructeur automobile ont été surpris de constater une nouvelle augmentation de la rémunération du PDG, Carlos Ghosn, qui s’est vu octroyer 7,25 millions d’euros au titre de 2015 (dont 1,8 million d’euros de bonus). Une rémunération à laquelle viennent même s’ajouter 8 millions d’euros obtenus grâce à sa deuxième fonction de PDG de Nissan. Jugeant cette rémunération globale excessive, les actionnaires ont donc voté contre à 54 %, une première en France d’après Proxinvest. Mais leur vote n’étant que consultatif, le conseil d’administration de Renault a décidé de maintenir la rémunération de son PDG pour l’année 2015.
  • A la suite de cette affaire qui a fait polémique, les députés ont pris le sujet de la rémunération des dirigeants à bras-le-corps. Début juin, ils ont en effet adopté un amendement dans le cadre du projet de loi Sapin 2 visant à instaurer un vote contraignant des actionnaires. Ces derniers vont même pouvoir vérifier a posteriori que la rémunération versée est bien conforme au vote de l’assemblée générale.

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