Métier

La conformité, une voie alternative pour les financiers

Publié le 10 octobre 2014 à 17h50    Mis à jour le 24 octobre 2014 à 18h18

Arnaud Lefebvre

Très recherchés par les banques depuis environ trois ans, les collaborateurs en charge de veiller à la légalité des opérations restent extrêmement prisés, d’autant que les assureurs et les entreprises commencent à s’intéresser à ce type de spécialistes. Les auditeurs, notamment, figurent parmi les profils ciblés.

Venue mettre fin à plusieurs années d’enquête sur la violation d’embargos américains, la lourde condamnation de BNP Paribas outre-Atlantique, en juin dernier, a braqué les projecteurs sur un métier en plein développement depuis près de trois ans au sein des établissements bancaires : celui de la «compliance». Chargés de veiller à la conformité aux réglementations et aux lois internationales des opérations effectuées par le groupe, les départements dédiés à cette tâche ont en effet vu, dès la mise en place des premières sanctions liées à la crise financière – crise des subprimes, notamment –, leurs effectifs se renforcer considérablement. Lors d’une conférence auprès d’investisseurs organisée fin septembre à Londres, Jean-Laurent Bonnafé, administrateur directeur général de BNP Paribas, a ainsi rappelé que le nombre de collaborateurs traitant de ces problématiques au sein de la banque avait progressé de 40 % depuis 2009, pour atteindre aujourd’hui 1 600 personnes environ.

Une variété de profils recherchés

Cette dynamique ne concerne pas uniquement BNP Paribas. «Sous l’effet de la crise et du durcissement de l’environnement réglementaire, l’ensemble des banques ont recruté de manière importante sur les métiers de la conformité, observe Baptiste Lambert, manager de Robert Half Financial Services. Elles continuent d’ailleurs de le faire significativement. En effet, nous n’avons jamais constaté autant de postes à pourvoir qu’en ce moment.» Le mouvement est d’autant plus marqué que les compagnies d’assurance, mais aussi les sociétés non financières (voir encadré), commencent également à s’entourer de tels professionnels.

S’occupant de sujets à la charnière entre les sphères financière et juridique, ces spécialistes sont, dans les banques, le plus souvent rattachés directement à la direction générale dans un souci d’autonomie. Une situation qui n’empêche pas certains membres de directions financières de figurer parmi les candidats de choix, aux côtés de juristes, d’anciens cadres opérant dans des métiers techniques (ex-traders, par exemple) ou encore de jeunes diplômés, titulaires des nouveaux masters en risques et conformité. «L’expertise des auditeurs et des contrôleurs est très appréciée dans la mesure où leur mission consiste déjà à s’assurer que les opérationnels respectent les bonnes pratiques, signale ainsi Baptiste Lambert. Les départements de l’audit et du contrôle interne constituent, à ce titre, des viviers pour les départements en charge de la compliance.» Alors que les besoins des sociétés financières en matière de compliance sont appelés à croître au cours des prochaines années, selon les spécialistes en recrutement, les mouvements entre les directions financières et celles de la conformité devraient donc se multiplier.

Des rémunérations hétérogènes

Pour les auditeurs et les contrôleurs, notamment, cette évolution ouvre des perspectives intéressantes. Même si les postes à pourvoir dans le domaine de la compliance sont destinés majoritairement à des profils disposant d’une certaine expérience, trois à cinq ans d’ancienneté dans une fonction financière peuvent suffire – en revanche, plus de dix ans sont nécessaires pour des postes d’encadrement. «Le périmètre de candidats éligibles est donc large», remarque un recruteur. En outre, en termes de rémunération, l’intérêt est réel. Même si le niveau des revenus fluctue sensiblement en fonction à la fois du degré de séniorité des collaborateurs et de la complexité des missions qui leur sont confiées – les opérations réalisées par les banques de financement et d’investissement et par les filiales de gestion d’actifs sont par exemple considérées comme plus complexes que celles opérées par les banques de détail –, les équipes des départements en charge de la conformité bénéficient en effet généralement d’une revalorisation salariale. «Chaque collaborateur intègre sa nouvelle fonction sur la base de son précédent salaire, qui est souvent revu à la hausse», informe Baptiste Lambert. En tenant compte de ces divers paramètres, les salaires annuels des «compliance officers» sont traditionnellement compris entre 50 000 euros et 70 000 euros. Des montants auxquels vient s’ajouter une part variable. Selon la technicité des métiers suivis par les collaborateurs, celle-ci peut représenter 5 % à 30 % des revenus.

Un traitement salarial jugé particulièrement intéressant… pour l’instant encore. Alors que la demande a longtemps excédé l’offre, la multiplication récente des candidatures pour ces postes, tant en interne qu’en externe, pourrait en effet se traduire, d’après des spécialistes, par des conditions de rémunération moins attractives.

Un intérêt croissant au sein des entreprises

 . A côté des banques et des compagnies d’assurance, les sociétés non financières commencent, elles aussi, à s’entourer de spécialistes en conformité. «Certes, la plupart des groupes français en restent au stade de la réflexion, constate Sophie Hauret, division manager de Robert Half juridique et fiscal. Toutefois, la multiplicité des réglementations, l’internationalisation des entreprises ainsi que les condamnations ayant frappé plusieurs d’entre elles pour des motifs de fraude ou de corruption aux Etats-Unis notamment, en conduisent de plus en plus à se doter d’experts en compliance.»Cette tendance, qui concerne tous les secteurs d’activité, demeure jusqu’à présent l’apanage des grandes sociétés, principalement du CAC 40. Mais cette situation devrait, selon les spécialistes, rapidement évoluer.

. Le rattachement de ces équipes s’effectue le plus souvent au niveau de la direction générale ou de la direction juridique. Mais il arrive également qu’il se fasse au niveau de la fonction finance, lorsque cette dernière dispose, à sa tête, d’un directeur général adjoint en charge des finances.

. Quelle que soit l’option retenue, les profils financiers sont très prisés. «En France, la fonction n’étant pas encore institutionnalisée, les formations en “compliance” pure sont relativement récentes, rappelle Sophie Hauret. Un background juridique (diplôme en droit des affaires) est indispensable, idéalement complété d’une formation en finance.» En outre, un passage dans un grand cabinet d’audit constitue une forte valeur ajoutée. Enfin, une expérience à l’étranger est indispensable.

. En termes de rémunération, la situation fluctue en fonction du profil du candidat. Pour les postes de responsable en conformité – qui impliquent de justifier d’une carrière de plusieurs dizaines d’années –, la rémunération globale annuelle peut atteindre, dans les groupes du CAC 40, jusqu’à 200 000 euros, voire 300 000 euros. Pour des collaborateurs, elle démarre à 40 000 euros.

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