Formation

Les cours de finance en ligne se démocratisent

Publié le 14 octobre 2016 à 16h16

Astrid Gruyelle

Apparus il y a quelques années, les «massive open online courses» (Mooc) couvrent à présent de plus en plus de thématiques. Pour les professionnels de la gestion d’actifs et de la finance d’entreprise, ce type de formation en ligne constitue l’opportunité de renforcer leurs connaissances et d’élargir leur champ de compétences.

Ces derniers mois, les lancements de «massive open online courses» (Mooc) se sont multipliés dans la finance. En avril, AXA IM et HEC en mettaient un en ligne sur la gestion d’actifs. Le mois suivant, l’IESEG ouvrait le sien sur la finance d’infrastructures. En septembre, la start-up Blockchain France en partenariat avec Learn Assembly a lancé un Mooc sur la blockchain, tandis que par Grenoble Ecole de Management (GEM) en lancera un en novembre sur les fondamentaux de l’investissement créé.

Ces cours effectués exclusivement en ligne sont ouverts à tous, sans présélection préalable. Parmi les nouvelles formations, certaines abordent des thématiques qui étaient jusqu’à présent très peu traitées à la fois sous ce format et dans les formations classiques. «Nous avons lancé en début d’année le premier Mooc sur la finance d’infrastructures, indique Loïc Plé, professeur associé de stratégie et organisation à l’IESEG, responsable du Center for educational & technological innovation (CETI). Il s’agit d’un sujet assez peu connu et pourtant important.»Ces formations peuvent également porter sur des thématiques ayant récemment émergé, comme le premier Mooc en France dédié à la blockchain.«Notre objectif est de faire comprendre les enjeux stratégiques de la blockchain, une technologie récente dont les usages potentiels ne sont pas encore connus de tous les professionnels de la finance», indique Clément Jeanneau, cofondateur de Blockchain France.

D’autres Mooc, plus anciens, innovent quant à eux pour se transformer en formations professionnalisantes. «HEC avait lancé le premier Mooc financier en France en 2013 en partenariat avec First Finance sur l’analyse financière, explique Pascal Quiry, professeur affilié chez HEC et coauteur du Verminnen. Par la suite, deux autres Mooc avaient été créés sur l’évaluation de sociétés ainsi que sur les choix d’investissement et de financement. Depuis 2015, nous proposons un International certificate corporate finance (ICCF), une formation certifiante qui comprend ces trois Mooc.»

Un format flexible

L’essor de ce type de formations s’explique tout d’abord par leur format qui permet aux professionnels en poste de les suivre en dehors de leurs horaires de travail. Ces formations, se déroulant sur plusieurs semaines à raison de quelques heures de travail hebdomadaires, se présentent généralement sous la forme de vidéos, mais aussi d’infographies et de textes, et comportent des exercices pratiques à réaliser, voire des examens finaux. Ce format permet ainsi de combiner formation et vie professionnelle. C’est pourquoi les Mooc attirent de nombreuses personnes en activité. «90 % des 400 participants à chacune de nos sessions sont des professionnels en poste, estime Pascal Quiry. La moitié travaille au sein de directions financières, de départements de contrôle de gestion ou de banques.»

Pour les professionnels juniors, le contenu proposé par les Mooc leur permet bien souvent d’approfondir des concepts qu’ils n’ont pas forcément étudiés au cours de leur formation initiale et sont amenés à rencontrer dans le cadre de leurs fonctions. «Notre Mooc est ouvert notamment à de jeunes professionnels de la finance d’infrastructures, une matière qui n’est généralement pas enseignée au sein des masters finance, indique Patrick Daguet, professeur permanent en finance à l’IESEG. L’objectif est de leur permettre de renforcer leurs techniques grâce à l’éclairage de professionnels issus de banques, de fonds d’investissement ou de sociétés de construction.» Ces contenus s’adressent notamment à des professionnels ayant récemment rejoint le secteur de la finance d’infrastructures. «Après un début de carrière dans l’audit financier et la banque, j’ai rejoint la Caisse des Dépôts et Consignations à un poste de chef de projet en financement d’infrastructures, témoigne Quentin Goga. J’ai alors décidé de suivre le Mooc de l’IESEG dédié à ce segment de la gestion d’actifs qui m’a permis de structurer les compétences que j’avais déjà acquises sur le terrain.»

L’acquisition de savoirs théoriques se révèle également recherchée par des profils seniors. «L’un des participants à notre Mooc sur la gestion d’actifs, disposant d’une expérience de dix ans dans la vente de produits d’assurance basés sur des portefeuilles d’investissement, a choisi de le suivre pour renforcer ses compétences en mathématiques, statistiques et analyse», illustre Marion Le Morhedec, gérante d’AXA IM. Ce besoin de formation s’explique souvent par la nécessité de mettre à jour leurs connaissances.«Certains participants sont en poste depuis 5 à 15 ans et cherchent à revoir des sujets qui ont pu connaître des évolutions majeures dans les concepts, comme l’émergence des taux d’intérêt négatifs, ou dans la pratique sur les marchés, tel le développement des rachats d’action, des sujets qui n’étaient pas enseignés auparavant», note Pascal Quiry.

Suivre un Mooc peut autrement être l’occasion pour les participants de découvrir de nouveaux pans de la finance qui ne constituent pas leur cœur de métier. «Le Mooc sur la gestion de portefeuille s’adresse notamment aux professionnels de la finance autres que les gérants d’actifs, explique Philippe Dupuy, professeur de finance à Grenoble Ecole de management. L’objectif est de leur permettre de mieux comprendre l’univers des placements.»

Des applications pratiques

Outre l’apprentissage de connaissances théoriques, les Mooc ont vocation à apporter un éclairage pratique. «Les participants au Mooc sur les placements doivent, à partir des fiches de reporting de fonds, identifier un certain nombre d’informations : le gérant, les encours, la performance et le risque, détaille Philippe Dupuy. Sur la base de ces éléments, ils doivent ensuite émettre un avis sur le fonds.» Cette mise en pratique est valable pour les autres spécialités financières. «Lorsque j’ai suivi la formation certifiante d’HEC, nous avons travaillé sur des cas concrets d’entreprises pour illustrer la théorie financière, explique Sibylle Blumenfeld, directrice administrative et financière depuis vingt ans, actuellement en transition professionnelle. Nous avons par exemple évalué la santé financière d’Orchestra, de la Fnac et de Monsieur Bricolage.»Ce type d’exercice se présente parfois sous la forme d’une mise en situation. «Les participants devaient se mettre dans la peau d’un jeune professionnel à qui incombait la charge de financer un premier projet d’infrastructures, précise Patrick Daguet. Les participants ont dû construire le business model, définir le mode de financement, établir des contrats avec les différents acteurs, les négocier, puis préparer un résumé pour les investisseurs.» Ils avaient à leur disposition un exemple concret. «J’ai dû m’exercer à rechercher des financements privés pour la construction d’une usine en Malaisie», illustre Quentin Goga.

Un atout dans la carrière

Ces mises en situation peuvent constituer pour les professionnels un atout pour la poursuite de leur carrière. «A l’issue du Mooc sur la blockchain, les participants seront en mesure de concevoir un projet s’appuyant sur cette technologie qui soit applicable en entreprise, explique Clément Jeanneau. Ils pourront pour cela s’appuyer notamment sur la présentation du cas d’IBM qui expérimente actuellement l’utilisation de la blockchain pour réaliser des transactions entre filiales.»Certains n’hésitent d’ailleurs pas à mettre en avant ces nouvelles compétences. «Les participants qui obtiennent la certification à l’issue de la formation proposée en partenariat avec HEC le font pour la plupart figurer sur leur CV, constate Eric Chardoillet, président de First Finance. J’ai recueilli des témoignages de certains participants en recherche d’emploi qui m’ont indiqué que cet élément de leur CV avait retenu l’attention d’employeurs et contribué à leur recrutement.» Les exemples en ce sens ne manquent pas. «Un senior manager chez SIA Partners a suivi notre Mooc pour disposer d’un complément de connaissance et s’ouvrir à de nouvelles opportunités, illustre Marion Le Morhedec. Un analyste junior du secteur de la banque d’investissement voulait quant à lui se former pour rejoindre la gestion d’actifs.»

Une telle formation peut même aider les professionnels expérimentés qui souhaitent évoluer dans leur carrière. «Alors que j’étais directrice administrative et financière de Days of Wonder, le groupe a été racheté, me conduisant à quitter mon poste, explique Sibylle Blumenfeld. Dans la perspective de renforcer mon employabilité, j’ai alors suivi la formation d’HEC au cours de laquelle j’ai étudié des cas de sociétés sous les feux de l’actualité et appris à maîtriser des outils financiers complexes, ce qui me permet d’élargir aujourd’hui mon champ de recherche.» Un exemple qui témoigne de l’utilité des Mooc. «Ils se développent de plus en plus, observe Eric Chardoillet. Nous ne sommes qu’au début d’une révolution dans la formation continue.» Une révolution, certes en marche, mais qui prendra du temps avant de se généraliser.

Un fort engagement nécessaire

  • Pour suivre un Mooc, un certain nombre de prérequis sont généralement nécessaires. «Le Mooc dédié à la gestion d’actifs s’adresse à des personnes disposant d’un minimum de connaissances en mathématiques et en économie», prévient Marion Le Morhedec. Ensuite, les participants doivent être prêts à y consacrer du temps. «En plus des semaines de cours représentant quatre heures de travail sous forme de visionnage de vidéos, de participations aux cours en direct et de recherches personnelles, j’ai formé un groupe de travail pour traiter collectivement les cas pratiques qui nous ont pris chacun une quinzaine d’heures supplémentaires», estime Sibylle Blumenfeld.

  • Autrement, le manque d’engagement de certains participants risque de les conduire à ne pas aller au bout de la formation. En effet, si les Mooc peuvent compter de 400 à 8 000 inscrits, le taux d’abandon atteint parfois 80 % ! Ce niveau est toutefois généralement moindre dans les formations en ligne payantes du fait de leur coût qui peut varier entre 250 euros et 1 800 euros.

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