Start-up

Les difficultés à surmonter pour créer une direction financière

Publié le 13 février 2015 à 15h26    Mis à jour le 13 février 2015 à 20h40

Guillaume Clément

Créer un département finance dans une start-up est moins simple qu’il n’y paraît. Le directeur financier dispose en effet de moyens restreints pour mettre en place une organisation solide. En outre, il doit faire preuve de conviction pour trouver, malgré l’historique récent de la société, des financements.

Alors que le gouvernement a fait de la croissance des start-up en France l’une de ses priorités, des opportunités vont se créer pour les directeurs financiers. En effet, en raison de leur croissance rapide, la plupart de ces entreprises se trouvent rapidement confrontées au besoin de créer une fonction finance. «Lorsque j’ai pris le poste de directeur administratif et financier de la société de data Fifty-Five il y a quelques mois, les différentes tâches financières étaient encore assurées par la direction générale et un cabinet d’experts-comptables, explique Fabrice Dumas. Mais comme le chiffre d’affaires de l’entreprise a connu une croissance à deux chiffres depuis cinq ans et que les effectifs sont passés de trois employés à une centaine, celle-ci avait besoin de passer à la vitesse supérieure. J’ai donc été recruté pour structurer et professionnaliser la fonction finance.»

Un chantier passionnant, mais particulièrement difficile, tant l’envergure de la tâche confiée au directeur financier peut être large. «Quand j’ai rejoint la société de vente de matériel médical Accuray International à sa création en 2006, nous n’étions que quatre à y travailler, se souvient Eric Arnould, désormais directeur administratif et financier de Cybergun. J’ai dû participer activement à la définition de la stratégie de l’entreprise, épauler le directeur commercial dans la négociation de ses contrats et même prendre en charge les questions liées à l’informatique et aux ressources humaines.»

Des financements difficiles à trouver

Mais ces tâches variées ne doivent pas détourner les directeurs financiers de leur mission principale : gérer les finances de la start-up, en commençant par la recherche de fonds. Dans la mesure où les banques réclament généralement un historique des comptes sur deux ou trois ans, il est souvent difficile pour une start-up d’entrer en relation avec ces dernières. «Comme elles ont des doutes sur la pérennité des jeunes sociétés, les banques ne leur accordent pas facilement de lignes de crédit ou d’importantes autorisations de découvert, constate Anne-Marie Randriamanandraitsiory, chef de projet de la société d’événementiel en ligne Eventiko.com. Pour les rassurer, il faut leur apporter des business plans solides et autant de données financières que possible, comme des prévisions de chiffre d’affaires ou un inventaire des charges.»Face aux difficultés rencontrées, les start-up sont souvent contraintes de diversifier leurs sources de financement. «Nous allons prochainement participer à un événement organisé par la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Nice qui réunira des business angels, des investisseurs privés, des banques et des plateformes de crowdfunding, ajoute Anne-Marie Randriamanandraitsiory. Nous allons d’ailleurs privilégier ce dernier moyen car il peut permettre de lever des capitaux en quelques mois à peine.» Bon nombre de start-up ont aussi recours à des programmes d’aide publique tels que les subventions de Bpifrance et des CCI.

Des procédures et des outils à définir

Si trouver et générer du cash est la priorité d’un directeur financier de start-up, il doit aussi mettre en place très rapidement les processus et les outils qui lui permettront de contrôler les flux de trésorerie. «Si je n’avais pas défini les bons indicateurs de performance et les bonnes procédures de reporting financier dès les premiers mois de mon arrivée chez Accuray International, je n’aurais pas pu gérer efficacement notre BFR, ni établir de prévisions de trésorerie adéquates, estime Eric Arnould. Or, la bonne gestion de ces éléments est cruciale pour la survie d’une société en forte croissance.»Ces outils et ces processus doivent ensuite être adaptés régulièrement pour accompagner la croissance de l’entreprise.«Au début de notre activité, notre volume de factures était faible, donc nous pouvions être efficaces en utilisant un logiciel comptable simple et des documents Excel, poursuit-il. Mais après deux ans d’exercice, nous avons dû investir dans un logiciel gérant nos relations avec les clients (CRM) car le service vente et le service marketing n’avaient plus la capacité de gérer l’afflux de données commerciales.» Une telle décision nécessite toutefois une réflexion approfondie. En effet, il convient de ne pas mettre en place des processus et des outils trop pesants pour les équipes. «Au début, un directeur financier veut souvent tout contrôler et, pour ce faire, il met par exemple en place des procédures de validation pour chaque achat ou vente de produit, confie Fabrice Dumas. Mais un tel mode de fonctionnement est viable quand peu d’opérations sont réalisées. A l’inverse, cela freine l’entreprise lorsque son volume d’activité augmente. Il faut donc identifier le bon moment pour augmenter les paliers des montants des opérations nécessitant effectivement la signature d’un supérieur hiérarchique.» 

Des équipes restreintes

Sur le plan humain, l’enjeu est tout aussi complexe. Comme elles ont généralement peu de moyens financiers à leur disposition, les start-up doivent optimiser au maximum leurs recrutements. «Nous aimerions embaucher 3 ou 4 personnes cette année, mais cela dépendra de nos finances, déplore Anne-Marie Randriamanandraitsiory. Pour l’instant, mon directeur général et moi-même, nous nous occupons de tout avec l’aide d’un stagiaire et d’un expert-comptable extérieur.»Parfois, le directeur financier parvient à obtenir quelques marges de manœuvre en procédant à un arbitrage entre des coûts salariaux et des coûts de prestations externes.«Je compte recruter durant les six prochains mois un comptable général, un comptable en charge de la facturation et un responsable des ressources humaines, indique Fabrice Dumas. Nous avons estimé qu’il était plus intéressant pour nous d’internaliser ces fonctions plutôt que de continuer à faire appel à des prestataires car notre développement international nécessite davantage de contrôle et de réactivité de notre part.»

Outre les aspects financiers, la difficulté suivante concerne le choix des candidats. «Il n’est pas toujours évident de trouver des collaborateurs polyvalents et prêts à faire face à la charge de travail qu’induit le démarrage d’une jeune société, confie Eric Arnould. J’ai aussi eu beaucoup de mal à trouver des comptables qui excellent à la fois dans les chiffres… et en anglais.» La maîtrise de cette langue est en effet de plus en plus demandée au sein des directions financières de start-up, compte tenu des ambitions internationales de beaucoup d’entre elles. Afin que la structure soit opérationnelle le plus rapidement possible, l’embauche de profils seniors est souvent privilégiée. «J’ai toujours préféré commencer par recruter des chefs comptables généraux avant de leur adjoindre les services de comptables spécialisés, plutôt que l’inverse, poursuit Eric Arnould. Certes, les salaires de ces collaborateurs expérimentés sont plus élevés, mais ces derniers apportent une plus forte valeur ajoutée à la direction financière d’une entreprise car ils sont capables de réaliser beaucoup de tâches différentes.»

Structurer sa fonction finance représente donc un coût pour une start-up, mais cet investissement se révèle généralement très productif. «Beaucoup de jeunes entreprises disparaissent malheureusement rapidement, malgré de bons produits, un bon marché et de bonnes équipes, car elles n’ont pas su gérer leurs finances et se retrouvent en défaut de paiement», constate Eric Arnould. Selon une étude de la société américaine CB Insights publiée début 2014 et portant sur une centaine de start-up internationales, les difficultés de trésorerie sont en effet la seconde cause de faillite des jeunes sociétés, après un mauvais positionnement sur leur marché.

Quand recruter un directeur financier ?

A la création d’une start-up, les effectifs se composent généralement uniquement de ses membres fondateurs. Ces derniers assument donc les différentes tâches financières de l’entreprise, et procèdent notamment à la constitution du capital d’amorçage, via des levées de fonds.

C’est lorsque l’activité de la société se développe que les dirigeants procèdent le plus souvent au recrutement d’un directeur financier. «La structuration d’une fonction finance devient nécessaire lorsque la start-up effectue de nouveaux tours de financements, car cela est réclamé par les capital-risqueurs et les banques, constate Eric Arnould, directeur administratif et financier de Cybergun. Les prêteurs veulent en effet s’assurer que la trésorerie et la profitabilité de l’entreprise sera gérée par un professionnel.» De plus, le recrutement d’un directeur financier est judicieux pour les futures opérations complexes qu’une entreprise en forte croissance pourra choisir de mettre en place, comme une introduction en Bourse.

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