Direction financière

Les entreprises privilégient encore les bonus

Publié le 25 mai 2018 à 10h17    Mis à jour le 1 juin 2018 à 16h43

Anaïs Trebaul

Depuis la crise, les entreprises, plus frileuses, préfèrent attribuer des bonus plus conséquents plutôt que d’augmenter durablement les salaires fixes. Cette tendance se constate encore cette année et devrait perdurer, et ce malgré l’amélioration du contexte économique.

Avis aux financiers en quête d’une augmentation salariale : vous avez de grandes chances pour que celle-ci passe d’abord par l’attribution d’un bonus !  En effet, depuis la crise, à cause de leur inquiétude pour l’avenir, les entreprises préfèrent verser des bonus à leurs salariés plutôt que de les augmenter. «Ces dix dernières années, les entreprises ont réduit leur budget associé aux augmentations salariales, rappelle Jean-Philippe Gouin, associé capital humain chez Deloitte. En conséquence ils ont limité la hausse des rémunérations fixes et ont, en contrepartie, octroyé davantage de bonus si leur budget le permettait.»

Une part variable plutôt stable

Certes, le contexte économique s’améliore désormais. «Les entreprises ont profité de la reprise économique de 2017 pour augmenter légèrement leur budget sur les augmentations salariales : selon les chiffres de notre étude sur les rémunérations, celles-ci ont progressé de 1,8 % en 2017 pour les cadres, avec une prévision de + 2 % sur 2018, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis 2010», poursuit Jean-Philippe Gouin.

Cependant, les directions générales ne semblent pas vouloir modifier leur politique de rémunération au profit de la part fixe. Les spécialistes font en effet état d’une part variable plutôt stable. «Les directeurs financiers ont perçu entre 20 et 30 % de variable au titre de l’année 2017, une moyenne que nous constatons depuis une dizaine d’années», souligne Alexandra Proniewski, manager chez Fed Finance Executive. Pour d’autres spécialistes, les bonus versés progresseraient même plus que le fixe. «Selon notre étude, les variables sur la fonction finance ont augmenté de 9 % en 2017», rappelle Jean-Philippe Gouin.

Une tendance qui pourrait bien se poursuivre encore l’an prochain. «Si les entreprises prévoient une belle embellie de leur croissance, celle-ci n’est pas suffisante et encore trop récente pour que les directions changent leur répartition fixe variable», estime Alexandra Proniewski. Seuls les profils financiers les plus sollicités par les entreprises pourraient voir leur salaire fixe évoluer plus fortement.«La plupart de nos clients ont encore comme premier réflexe de proposer une part variable plus élevée lorsqu’ils veulent convaincre un candidat de les rejoindre, remarque Laëtitia Quatrevaux, regional manager accountancy & finance chez Hays. Cependant, les profils experts en finance sont très sollicités actuellement et savent qu’ils sont en position de force face aux recruteurs. De ce fait, ils sont maintenant en mesure d’exiger un fixe plus important s’ils le souhaitent.»

Des critères d’attribution qui évoluent

Ainsi, pour obtenir un surplus de rémunération, les autres financiers vont en revanche devoir davantage se concentrer sur la négociation d’un variable plus conséquent. D’autant que les critères sur lesquels se basent les entreprises pour attribuer leurs bonus se modifient peu à peu. Certes, ces derniers sont toujours répartis de la même manière. «Depuis plusieurs années nous constatons qu’en moyenne, la première moitié du bonus est liée à l’entreprise (atteinte d’un certain niveau d’Ebitda ou de cash-flow par exemple) et la seconde est basée sur des critères plus individuels (travail avec l’équipe commerciale sur un nouveau projet, refonte du budget, recrutement de nouveaux collaborateurs…)», indique Alexandra Proniewski. Mais la nature des objectifs individuels tend à évoluer. «Pendant une dizaine d’années, les bonus étaient particulièrement fondés sur la capacité des salariés à être réactifs : plusieurs variables pouvaient dépendre par exemple de la réduction du délai de clôture, rappelle Laëtitia Quatrevaux. Dorénavant, la gestion de projet autour de nouveaux outils technologiques est davantage valorisée.»De plus, ceux-ci sont de moins en moins liés à des performances strictement individuelles, mais tendent à être davantage associés à des réussites collectives.«Depuis quelques années, nous remarquons que les bonus se basent de plus en plus sur la performance du service ou du département», observe Jean-Philippe Gouin. Les qualités personnelles sont aussi beaucoup prises en compte. «La manière de manager les équipes, de faire circuler l’information au sein du service ou de l’entreprise sont des aspects sur lesquels les entreprises se basent fortement depuis quelques années», remarque Jean-Philippe Gouin. Autant de critères qui pourraient permettre à un plus large public de bénéficier de tels bonus. Toujours selon l’étude sur les rémunérations 2017 de Deloitte, 5 % de financiers supplémentaires ont bénéficié d’un variable en 2017.

Des bonus concentrés sur les directeurs financiers

Les directeurs financiers font partie du comité de direction et participent à la définition de la stratégie de l’entreprise. De ce fait, la très grande majorité d’entre eux bénéficient d’un bonus tous les ans. En revanche, pour les autres postes financiers, ces parts variables sont moins fréquentes et moins élevées. Certains spécialistes observent toutefois une hausse de la part variable sur ces profils. «Alors qu’auparavant les bonus au sein des directions financières (hors directeurs) étaient de l’ordre de 5 %, on constate désormais qu’ils sont de plus en plus nombreux à obtenir un variable de l’ordre de 10-20 %», observe Laëtitia Quatrevaux, regional manager accountancy & finance chez Hays.

En effet, certains profils sont de plus en plus mêlés à la stratégie de l’entreprise, ce qui les rend plus enclins à obtenir des bonus. «Les contrôleurs de gestion et les responsables financiers ont de plus en plus un rôle de pivot entre différents métiers de l’entreprise, qui dépasse leurs fonctions d’analyse, ce qui légitime l’attribution de bonus plus conséquents», poursuit Laëtitia Quatrevaux.

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