Fusions-acquisitions

Les entreprises renforcent leurs équipes internes

Publié le 15 juillet 2016 à 9h52    Mis à jour le 15 juillet 2016 à 17h18

Arnaud Lefebvre

Face à l’accélération de leurs projets de croissance externe, de nombreuses entreprises viennent d’étoffer leurs équipes en charge du M&A, tandis que d’autres cherchent à le faire. Une opportunité pour les jeunes banquiers d’affaires qui représentent la cible principale des directions financières.

Sur le front des fusions-acquisitions, l’année 2016 a démarré sur les chapeaux de roue pour les entreprises françaises. Avec près de 100 milliards de dollars d’opérations de croissance externe ayant impliqué au moins une contrepartie hexagonale lors du premier semestre, l’activité a en effet bondi d’un tiers par rapport à la même période en 2015, selon Thomson Reuters.

Un dynamisme qui est également palpable en coulisses. Au cours des dernières semaines, de nombreux groupes ont en effet procédé à des nominations au sein de leurs équipes en charge des fusions-acquisitions, à l’image de Sanofi, JC Decaux, Elior et Showroomprivé. De tels mouvements, qui interviennent après ceux enregistrés courant 2014-2015 chez Kering, Schneider Electric ou encore Areva, devraient même se poursuivre dans les prochains mois. «Après avoir nommé en décembre dernier Louis Molis au poste de directeur fusions-acquisitions et développement du groupe, nous sommes actuellement en quête d’un nouveau collaborateur pour venir compléter notre département M&A», témoigne par exemple David Bourg, directeur général finance et administration de JC Decaux. Plusieurs cabinets de recrutement indiquent de leur côté détenir des mandats comparables.

Les trentenaires ciblés

A l’instar de Sanofi, qui a recruté Alban de la Sablière en provenance de Morgan Stanley pour prendre la tête de sa direction M&A en début d’année, la demande porte sur quelques postes de manager. «Nous bouclons actuellement l’embauche d’un directeur M&A pour un groupe du SBF 120», confirme Axel de Schietere, principal chez Heidrick & Struggles. Pour autant, ce type de prospection reste rare. «L’essentiel des recherches concerne des profils plutôt juniors, dont la mission consiste à repérer et évaluer les cibles, avant d’intervenir sur l’exécution du deal, poursuit Axel de Schietere. Ce constat est lié au fait qu’il existe peu de postes de responsables à pourvoir d’une part, et qu’un spécialiste aguerri en fusions-acquisitions coûte cher d’autre part.» Ainsi, les regards des directions financières se tournent essentiellement vers des collaborateurs ayant suffisamment d’ancienneté pour apporter une véritable expertise, mais pas trop non plus pour que le salaire ne représente pas un frein. «Les analystes M&A affichant une expérience comprise entre trois et huit ans dans une banque d’investissement sont les profils les plus prisés», précise un chasseur de têtes.

Outre ces caractéristiques, certaines qualités sont particulièrement recherchées par les entreprises. La première renvoie au réseau du candidat.«Le “carnet d’adresses” est une valeur ajoutée clé d’un profil évoluant en M&A, tant pour maîtriser la coordination des nombreux intervenants aux différentes étapes d’un processus d’acquisition ou de cession que pour initier des deals éventuels», précise Mikaël Deiller, practice manager chez Michael Page. Quant à la seconde, elle a trait directement à la personnalité de l’individu. «En recrutant à ce poste, les sociétés réfléchissent déjà à l’étape suivante : au-delà d’attirer un spécialiste en M&A, elles souhaitent en effet s’entourer d’un collaborateur qui sera ensuite capable d’évoluer dans d’autres fonctions au sein du groupe, prévient Axel de Schietere. A ce titre, le candidat doit donc avoir une aspiration à faire autre chose que du M&A dans sa carrière et, surtout, à faire preuve d’une appétence pour les missions opérationnelles.»

Un sacrifice financier

Mais ce n’est pas tout ! Pour entrer pleinement dans le cahier des charges fixé par les directions financières, les postulants doivent également être prêts à accepter… un important sacrifice financier. «Nous venons de recruter pour un grand groupe un ancien banquier d’affaires qui va percevoir un peu moins de 70 % de la rémunération qu’il touchait auparavant», illustre un chasseur de têtes. Ce différentiel est le résultat d’un bonus soit inexistant au sein des corporate, soit nettement moins généreux que dans les banques. Certains recruteurs évaluent ainsi le salaire d’entrée moyen à 60 000 euros par an.

Toutefois, tout ou partie de cette perte de revenus peut être compensé assez rapidement. En tenant compte des autres avantages issus des dispositions d’épargne salariale (intéressement, participation, Perco), l’écart pourrait être rattrapé au bout de cinq ans. «Ce délai peut en outre être raccourci dans la mesure où les possibilités d’évolution professionnelle sont, pour les banquiers d’affaires juniors, désormais plus rapides au sein d’une société non financière», ajoute Axel de Schietere. Une perspective d’autant plus séduisante que de nombreuses banques ont annoncé au cours des dernières semaines des réductions massives de postes au sein de leurs activités de financement et d’investissement.

Des motivations diverses

La volonté de nombreux groupes de renforcer leurs équipes M&A s’explique par plusieurs facteurs.

  • Des économies d’échelle : face à l’environnement actuel de croissance faible et de basse inflation, le M&A constitue un levier efficace pour gagner des parts de marché. «Réalisant dorénavant cinq à dix acquisitions en moyenne par an, nous avons jugé intéressant d’internaliser le processus de fusions-acquisitions car, avec un tel volume d’activité, le salaire des collaborateurs concernés est globalement compensé par les commissions jusqu’alors facturées par nos banques», indique un directeur financier.
  • Une connaissance fine de la concurrence : présents de longue date à l’international, les grands groupes français bénéficient en conséquence d’une position privilégiée pour jauger les acteurs locaux évoluant dans leur secteur. «Compte tenu de notre couverture géographique étendue et de notre position de leader sur nos différents marchés, nos équipes locales sont parfaitement en mesure d’identifier nos concurrents et, de fait, des cibles potentielles, signale David Bourg, directeur général finance et administration de JC Decaux. Dans le cadre d’une acquisition, nous n’avons donc pas besoin du “sourcing” effectué par les banques d’affaires, ce qui a motivé notre décision d’internaliser le processus de M&A.»
  • La recherche d’une plus grande confidentialité : même si les discussions entre une entreprise et sa banque au sujet de l’acquisition d’une cible sont soumises au principe de confidentialité, certains responsables se montrent parfois circonspects quant au respect de ce dernier. «Dès lors que l’on s’intéresse à un acteur important, il est assez courant que l’information fuite, ce qui est susceptible d’amener d’autres acquéreurs potentiels à se positionner sur l’entreprise visée et, ainsi, de renchérir le prix, rappelle un directeur financier. A l’inverse, en pilotant le processus en interne, j’ai le sentiment que la transaction a vocation à rester secrète plus longtemps.»

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