Recrutement

Les fiscalistes d’entreprise s’imposent

Publié le 28 mars 2014 à 17h48    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h37

Guillaume Benoit

Dans un contexte à la fois d’inflation législative et d’internationalisation de leur activité, les entreprises ont plus que jamais besoin de disposer en interne de spécialistes de la fiscalité. Elles attendent des candidats qu’ils soient également capables d’échanger avec les opérationnels et de formuler des propositions concrètes pour accompagner leur stratégie.

Contrairement à d’autres métiers de la fonction finance, les fiscalistes d’entreprise ont fait plus que résister à la crise. «L’activité sur ce type de candidats est particulièrement forte, témoigne ainsi Mélanie d’Adesky, manager exécutif au sein de la division juridique et fiscale de Michael Page. Sur un an, nos missions ont augmenté de 30 %.» Un dynamisme confirmé par ses confrères. «Le maintien des besoins de recrutement en fiscalité s’explique principalement par deux raisons, souligne Sophie Hauret, division manager de Robert Half Juridique et Fiscal. D’abord, la multiplication et la complexification qu’a connues l’environnement fiscal au cours des dernières années poussent les entreprises, afin de pouvoir faire face à leurs obligations, à se doter d’un responsable de cette matière ou à renforcer leurs équipes existantes. Tout départ est systématiquement remplacé. Ensuite, elles recherchent également des profils plus ciblés au fur et à mesure que leur activité se développe à l’étranger et que de nouvelles problématiques apparaissent.» Ainsi, les spécialistes de la fiscalité internationale, des questions douanières, et plus encore des prix de transfert sont particulièrement recherchés.

Une forte demande

Mais la demande est forte pour l’ensemble des postes qui s’ouvrent traditionnellement aux fiscalistes. Ces derniers peuvent être regroupés en trois grandes catégories. Au sein des grosses PME, et des ETI, réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions d’euros, le responsable fiscal sera souvent seul, et couvrira l’ensemble des problématiques de l’entreprise.«Il intervient de façon transversale sur des sujets comme la gestion des obligations déclaratives, le reporting fiscal, l’optimisation, la veille des changements législatifs et, le cas échéant, le suivi du contentieux", témoigne Vanessa Sonigo-Rozenbaumas, directeur associé chez Robert Walters.

Il dispose également d’un budget pour faire appel à des cabinets d’avocats pour les sujets plus techniques. Dans les groupes plus importants, le directeur fiscal mène plutôt une mission stratégique. Il travaille avec le directeur financier et les opérationnels afin d’optimiser les impacts fiscaux des choix que fera l’entreprise en matière de développement, d’acquisition ou de restructuration. «Les dirigeants attendent véritablement de lui qu’il soit force de proposition, explique Vanessa Sonigo-Rozenbaumas. Contrairement à un avocat qui pourra présenter différentes options possibles sans pour autant trancher en faveur de l’une ou l’autre, il doit prendre parti et justifier son choix.» Pour les questions de fiscalité quotidienne, le directeur fiscal s’appuie sur des responsables de région, ou de business units ainsi que sur des collaborateurs spécialisés.

Un passage quasi obligé par un cabinet d’avocats

Quel que soit le poste qu’ils sont appelés à occuper, les candidats doivent présenter une solide formation universitaire, acquise soit au sein d’une grande école de commerce, soit dans une faculté de droit, et complétée par un master 2 en fiscalité. «Les doubles formations (fiscalité / école de commerce et de gestion) sont particulièrement recherchées pour les postes de responsables ou spécialistes de prix de transfert, qui au-delà de leur expertise fiscale doivent appréhender le business model de la société et être capables d’échanger avec les opérationnels», explique Sophie Hauret.

Par ailleurs, si, de plus en plus, il devient possible pour un jeune diplômé de commencer directement en entreprise, du moins dans les grands groupes qui disposent d’équipes suffisamment importantes pour former les nouveaux arrivants, l’expérience en cabinet d’avocats reste encore souvent un passage obligé. «Recruter un avocat rassure les entreprises sur les capacités techniques du candidat, qui est censé être tout à fait à jour sur les dernières évolutions de la législation fiscale, explique Vanessa Sonigo-Rozenbaumas. Toutefois, elles cherchent des professionnels qui ont ensuite effectué une première expérience en entreprise, prouvant qu’ils ont réussi à s’adapter à une façon différente d’exercer leur métier.»

Contrairement au travail en cabinet, le fiscaliste devra en effet suivre des dossiers sur le long terme, et traiter de sujets quotidiens qui ne représentent pas toujours le même intérêt intellectuel que les thématiques techniques qu’il traitait auparavant. Il lui faudra également s’intégrer dans une structure hiérarchique plus marquée que chez les avocats. «A défaut d’une véritable expérience de salarié en entreprise, un détachement de plusieurs mois chez un client ou un travail en forte proximité avec ce dernier seront demandés», témoigne pour sa part Sophie Hauret.

C’est notamment le parcours qu’a suivi Laurent Guiral, responsable de la fiscalité corporate et de la division Bases-vie & Asie Australie chez Sodexo. «J’ai commencé ma carrière en 1999 chez Landwell & Associés, où je me suis spécialisé en TVA puis en douanes et en fiscalité internationale, raconte-t-il. En 2003, je suis parti chez PwC au Gabon, où j’ai travaillé en collaboration étroite avec mes clients, notamment des groupes miniers et pétroliers. Pour la plupart, ils ne disposaient pas d’équipe fiscale sur place. J’assurais donc souvent une mission de conseil mais également de mise en œuvre de la politique fiscale, ce qui m’a permis d’avoir une vision plus concrète des problématiques des entreprises.»

Des rémunérations attractives

Conséquence de cette pratique de recrutement au sein des cabinets d’avocats – qui offrent généralement des rémunérations élevées –, les salaires des fiscalistes comptent, à niveau d’expérience égal, parmi les plus importants de la direction financière. «Les entreprises ne pourront jamais s’aligner sur les très grands cabinets anglo-saxons, mais peuvent tout de même proposer des packages compétitifs, notamment pour les collaborateurs les plus juniors», souligne un spécialiste du recrutement.

Ainsi, le responsable fiscal d’une ETI, avec cinq ans d’expérience, touchera un salaire pouvant aller de 67 000 à 110 000 euros, avec une moyenne autour de 80 000 euros, et une part variable de 10 %.Les fiscalistes collaborateurs au sein d’une direction fiscale centrale ou d’une business unit percevront une rémunération de 50 000 et 60 000 euros avec entre trois ans et cinq ans d’expérience, et 75 000 euros au-delà. Enfin, le directeur fiscal qui les encadre gagnera en moyenne 135 000 euros, avec une part variable de 20 % à 30 %.

Mais ces montants peuvent même atteindre plus de 400 000 euros, en termes de package global, dans les très grands groupes. En outre, dans leur ensemble, les fiscalistes bénéficient d’augmentations plus régulières que leurs homologues. Autre attrait du poste, ils disposent de possibilités d’évolution constantes. Ainsi, au fur et à mesure que la fiscalité se développe au sein de l’entreprise, ils peuvent enrichir leurs missions. «Au départ, j’ai occupé le poste nouvellement créé de responsable fiscal de l’activité “Bases-vie” de Sodexo opérant pour des clients miniers et pétroliers en mer du Nord, aux Etats-Unis, en Afrique et au Moyen-Orient, témoigne ainsi Laurent Guiral. Courant 2007, ma zone géographique s’est étendue à l’Asie et à l’Australie, puis à l’Inde en 2009. Fin 2010, la collaboratrice en charge de la fiscalité corporate a évolué en interne, et j’ai repris ce poste avec un rôle de responsable fiscal – qui couvre notamment les prix de transfert, les fusions-acquisitions, les projets et contrats internationaux – en plus de mes attributions précédentes.» Par ailleurs, il est relativement facile à un bon candidat qui se sentirait un peu à l’étroit dans son poste actuel de changer d’entreprise pour occuper un poste aux attributions plus larges, grâce au dynamisme du marché du travail. Enfin, des passerelles commencent à se créer vers d’autres métiers de la direction financière, notamment l’audit. Certains fiscalistes proches du terrain, notamment les spécialistes des prix de transfert, peuvent ainsi également intégrer les équipes du contrôle de gestion. Toutefois, sans qu’on puisse pour autant les taxer d’immobilisme, les fiscalistes restent souvent très attachés à leur matière initiale.

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