Loisirs

Les hobbies peuvent aussi être utiles à une carrière financière

Publié le 25 juillet 2014 à 16h43    Mis à jour le 2 septembre 2014 à 17h06

Morgane Rémy

Les financiers ne se passionnent pas que pour les chiffres. Pour se détendre, certains naviguent en haute mer, courent des marathons, pratiquent le golf, cultivent leur jardin… Des loisirs qui se révèlent incidemment utiles à leur vie professionnelle.

«Dans notre métier de directeur financier, nous sommes très sollicités et sous pression. Avoir des passions comme la voile et l’horticulture me permet alors de passer du temps en famille et de prendre le recul nécessaire à la prise de décisions stratégiques pour l’entreprise.» A la veille de mettre son bateau à l’eau, Benoît Mérel, directeur général délégué et directeur administratif et financier de TDF (1,3 milliard d’euros de chiffre d’affaires sur l’exercice 2012-2013) ne compte pas prendre le large en oubliant toutes ses bonnes habitudes professionnelles. «Sur mon voilier, je prends un cap que j’ajuste en fonction d’un tableau de bord et je m’adapte aux conditions météorologiques, poursuit Benoît Mérel. Cela fait appel finalement à des réflexes proches de ceux de ma fonction, puisque j’aide au pilotage de l’entreprise grâce à des indicateurs clefs et en fonction de la conjoncture économique.»

Prendre du recul

Pour les directeurs financiers, chargés de veiller en permanence à la stabilité financière de l’entreprise, un hobby est d’abord un moyen de relâcher la pression. Cela a notamment été l’objectif de Fabien Dawidowicz, directeur financier de l’entreprise de conciergerie de luxe John Paul (12 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013), lorsqu’il s’est mis à la course à pied il y a quatre ans. «Certaines semaines, lors d’acquisition ou de clôture de comptes par exemple, je peux travailler plus de 80 heures, explique ce dernier. Outre le plaisir même de l’activité, courir constitue un moyen d’évacuer le stress. De plus, maintenir une bonne condition physique me permet de livrer un travail de qualité malgré la fatigue.»Aujourd’hui, Fabien Dawidowicz court désormais le semi-marathon mais a aussi réussi à prendre du recul sur son travail.«J’ai peu de moments où je me retrouve seul pour réfléchir et lorsque je cours, je trouve souvent un nouvel angle d’attaque sur des problématiques complexes», explique Fabien Dawidowicz. Il a ainsi pris l’habitude de s’envoyer un mail dès qu’il rentre chez lui à chaque fois qu’une course lui permet de trouver une nouvelle piste de réflexion, avant d’étudier ensuite celle-ci le lendemain matin, à tête reposée. C’est ainsi qu’il a réussi à équilibrer son budget, après que le groupe ait dû engager de fortes dépenses en amont d’un gros contrat. «J’ai pensé pendant la course que, malgré la réforme comptable de 2004 (sur la réforme des actifs et passifs et la mise en conformité aux IFRS), il y aurait peut-être une tolérance permettant d’amortir certaines dépenses sur les trois ans que durerait le contrat, poursuit Fabien Dawidowicz. Le lendemain matin, mon équipe et moi avons vérifié cette intuition et avons pu mettre en œuvre le lissage de cette charge, optimisant ainsi le résultat de l’exercice.»

Apprendre d’autres compétences

S’impliquer dans un hobby permet également de se dépasser et donne les moyens de développer certaines compétences. «J’ai été pendant quatre ans musicien professionnel, pratiquant la flûte traversière dans des orchestres et en tant que soliste, explique Nicolas Reynaud, directeur général délégué en charge des finances de la Société foncière lyonnaise (150 millions d’euros de chiffre d’affaires). Si cela semble atypique par rapport à mon parcours, j’ai appris non seulement l’exigence et la rigueur mais aussi l’humilité, quand il arrivait que mes efforts ne payent pas ou quand j’étais confronté à de grands artistes.»Bien que ce dernier ait renoncé à cette première vocation, ces quatre années n’ont pas été inutiles pour autant pour la suite de sa carrière. Ce qu’il a appris pendant cette expérience lui a permis de prétendre à un poste de cadre financier. «La musique a selon moi un lien avec les mathématiques, une caractéristique qui prédispose à la réflexion financière», résume Nicolas Reynaud. Cet argument a convaincu en 1988 le directeur général de l’entreprise immobilière Sophia, lui-même mélomane. Ce dernier n’a pas hésité à le recruter à un poste… de chargé de la dette crédit-bail !

Se distinguer pendant un recrutement

De façon plus générale, entretenir un hobby est apprécié au moment du recrutement. «Les loisirs permettent à la fois d’apprendre à connaître les candidats mais aussi de faire la différence après une première sélection, explique Philippe Tonlorenzi, manager exécutif senior chez Michael Page. A cette étape, le hobby peut être un véritable élément distinctif puisque les candidats ont souvent le même niveau d’études et d’expérience professionnelle.» Une passion jouera d’autant plus en faveur du candidat qu’elle est partagée avec le chasseur de tête ou le haut dirigeant cherchant à étoffer son équipe. Mais sa mise en avant peut aussi se révéler à double tranchant. «Si vous êtes à la hauteur, cela donne envie au cadre dirigeant de travailler avec vous, explique Philippe Tonlorenzi. A contrario, j’ai déjà vu un directeur général refuser un candidat qui se disait passionné de jazz et qui a été incapable de lui citer ses trois pianistes préférés lors de l’entretien.» Ainsi, à l’instar de tout ce que l’on indique sur son CV, il faut démontrer un engagement certain pour être crédible. «Par exemple, beaucoup indiquent qu’ils font du footing, poursuit Philippe Tonlorenzi. S’ils ne précisent pas dans leur CV quels temps ils ont réalisés dans le cadre de compétition officielle, je considère que ce loisir n’indique rien sur le candidat»

Enrichir son réseau professionnel

A plus long terme, un hobby constitue également une bonne base pour enrichir son réseau. Le sport en est une bonne illustration. Par exemple, le tournoi de golf annuel de la DFCG est très recherché par les commerciaux des banques d’investissement désireux d’entretenir de bonnes relations avec les directeurs financiers. Pour ces derniers, il s’agit surtout d’une occasion de sortir de l’isolement de leur fonction et de partager avec des pairs. «Par exemple, j’ai sympathisé sur le green avec un entrepreneur qui travaille dans la distribution de boissons aux professionnels, se souvient François Surbled, directeur financier de Jeff de Bruges (175 millions d’euros de chiffre d’affaires réseau en 2013). Nous avons pu échanger sur la façon de gérer la saisonnalité de nos activités.» Ainsi, jouer au golf n’empêche pas en effet de confronter ses analyses et sa connaissance du marché avec d’autres professionnels. Les informations récoltées peuvent parfois avoir un impact concret pour l’entreprise. «J’ai su par un partenaire de golf, lui-même directeur financier, qu’il disposait d’un taux pour ses flux bancaires bien inférieur au mien, poursuit François Surbled. Dès que je l’ai appris, j’ai contacté mes banquiers afin de renégocier mes conditions, avec succès.»

Améliorer son relationnel en interne

A l’interne, les loisirs, qui alimentent facilement les conversations dans les couloirs des bureaux, peuvent aussi permettre de nouer des liens informels. «Par exemple, je demande à nos collaborateurs de ne pas jeter leurs dosettes de café afin de pouvoir utiliser le marc pour mon compost, explique Benoît Mérel. Certains d’entre eux me posent ensuite des questions.» En parallèle, le directeur de la stratégie de TDF s’est également investi dans son propre jardin. Les deux professionnels s’échangent désormais des conseils d’horticulture. L’avantage de ce loisir est qu’il est facile à partager.  «Cette année, j’ai ramené des épinards à mon directeur général et des salades à mon assistante !», précise avec fierté Benoît Mérel. Nourrir une passion permet ainsi de créer des liens de confiance qui permettront, en période de pression, de réagir rapidement avec moins de risque d’incompréhension.

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