Recrutement

Les ingénieurs, des profils convoités dans la finance

Publié le 8 juillet 2016 à 16h36    Mis à jour le 8 juillet 2016 à 17h51

Astrid Gruyelle

Les ingénieurs sont de plus en plus recherchés à des postes financiers, dans les entreprises, les sociétés de gestion ou encore les banques. Ils sont particulièrement appréciés pour leur compréhension de secteurs complexes et pour leurs méthodes de travail rigoureuses.

«A l’issue de mes études, je pensais effectuer toute ma carrière en tant qu’ingénieure et jamais je ne me serais imaginée un jour intégrer une banque !», raconte Gaëlle Regnard. Cette diplômée d’AgroParisTech et de l’Ecole nationale du génie rural, des eaux et des forêts a pourtant été récemment nommée directrice générale adjointe en charge des entreprises, filiales et fonctions supports au sein du Crédit Agricole Nord de France. Même si ce type de profil reste minoritaire, il se rencontre de plus en plus souvent dans les banques, mais aussi dans les sociétés de gestion et dans les entreprises. «Nous observons depuis quelques années un intérêt marqué des employeurs pour des profils de cadres financiers disposant d’une formation d’ingénieur ou ayant effectué un début de carrière en tant qu’ingénieur», relève Pierre-Louis Cisamolo, directeur senior chez Michael Page.

Dans les banques, ces profils occupent des postes de direction où ils supervisent des dossiers de clients opérant dans des secteurs particulièrement techniques. Ce sont de ces mêmes secteurs dont les ingénieurs se chargent lorsqu’ils sont gérants ou analystes au sein de sociétés de gestion. Dans les directions financières d’entreprises enfin, ces profils sont particulièrement recherchés dans trois domaines d’activité. «Les grands groupes dans l’aéronautique, l’agroalimentaire et les télécoms exigent de plus en plus souvent des ingénieurs pour occuper des postes de responsable du contrôle de gestion ou de contrôleur financier», note Laetitia Quatrevaux, senior manager au sein de la division finance chez Hays. Pour les candidats ainsi recrutés, deux voies sont possibles. La première consiste à rejoindre un groupe industriel dès la sortie d’école. «Ceux-ci commencent par occuper des fonctions techniques, puis se découvrent une appétence pour la gestion et s’orientent vers des postes financiers, jusqu’à devenir directeur général d’une filiale ou d’une activité», constate Sylvie Haldi, senior manager chez Robert Half. La seconde voie passe directement par un début de carrière dans la finance, en cabinets de conseil et d’audit financier. «Ces derniers recrutent de plus en plus leurs équipes à la sortie des écoles d’ingénieurs, observe Laetitia Quatrevaux. Ils recherchent des spécialistes de tout horizon pour venir en support de directions financières d’entreprise.» Il est courant que ces professionnels intègrent par la suite les sociétés elles-mêmes.

Une transition progressive

Ce passage d’une formation ou d’un début de carrière d’ingénieur à un poste de financier peut être facilité par une spécialisation initiale en finance.

«J’ai suivi une double formation, à l’Ecole des mines de Saint-Etienne et à l’Institut de science financière et d’assurances, explique Romain Grandis, gérant de fonds diversifiés chez DNCA. Je souhaitais conserver une approche pluridisciplinaire le plus longtemps possible, pour finalement privilégier l’option financière par rapport à l’ingénierie plus classique.» Ce passage peut autrement être progressif. «Un ingénieur qualité d’un grand groupe agroalimentaire a d’abord été nommé ingénieur logistique, un poste comportant notamment des missions de gestion des centres de coûts et profits, se rappelle Laetitia Quatrevaux. Elles ont fait naître un intérêt pour cette matière chez cet ingénieur qui a alors sollicité un MBA en finance à son employeur pour ensuite devenir responsable du contrôle de gestion.» Ces compétences complémentaires peuvent également être assimilées sur le terrain. «Alors qu’en début de carrière, j’ai occupé plusieurs fonctions dans l’administration publique qui faisaient essentiellement appel à mes connaissances d’ingénieur, je me suis ensuite tournée vers la banque, témoigne Gaëlle Régnard. J’y ai progressivement acquis des compétences en analyse financière, en m’appuyant notamment sur l’expertise des spécialistes avec lesquels j’étais amenée à travailler et les dispositifs de formation complémentaire du groupe.»

Pour les employeurs conscients de la capacité de ces profils d’ingénieurs à s’adapter à la matière financière, le premier atout réside dans la connaissance qu’ils ont des activités.«J’ai été recrutée au Crédit Agricole en tant que spécialiste du monde agricole, explique Gaëlle Régnard. Mes connaissances en la matière me sont utiles dans mes nouvelles fonctions lorsque je travaille par exemple sur des dossiers d’industries agroalimentaires pour lesquels il est particulièrement important de comprendre l’ensemble de la filière, les business plan des clients entreprises, mais aussi le fonctionnement des marchés agricoles.» Une qualité également utile au sein des sociétés de gestion. «Ma formation d’ingénieur peut me permettre de mieux comprendre les aspects techniques lors de l’analyse d’une société, relève Romain Grandis. Je suis par exemple à même d’appréhender plus rapidement les problématiques propres aux secteurs chimiques et technologiques.»

Un savoir-faire technique

A cette compréhension de sujets complexes s’ajoutent des aptitudes d’ordre technique. «En début de carrière, alors que je travaillais en tant que gérant et analyste quantitatif chez MMA Finance, j’ai créé un outil d’aide à la décision, se rappelle Romain Grandis. Mes compétences en informatique m’ont alors été très utiles.» Ce type de savoir-faire est d’ailleurs de plus en plus recherché dans un contexte de digitalisation. «Ces profils sont également prisés pour leur compétence analytique et leur esprit d'innovation, en particulier en finance de marché, où leur capacités spécifiques sont utiles en algorithmie ou encore lors de modélisation de prévisions financières», relève Pierre-Louis Cisamolo.

Les ingénieurs se démarquent par ailleurs par leurs méthodes de travail. «Ces profils sont généralement très rigoureux et s’adaptent rapidement, souligne Laetitia Quatrevaux. En outre, ils disposent généralement d’une vision à moyen ou long terme qui les habilite à encadrer des projets.» De plus, leur manière de raisonner leur permet d’appréhender des problématiques organisationnelles. «Le directeur financier récemment recruté d'une grande entreprise française du secteur textile, ingénieur de formation, a su capitaliser sur ses compétences logistiques pour bien appréhender les flux complexes de son nouvel employeur», raconte Pierre-Louis Cisamolo.

Enfin, les ingénieurs bénéficient d’un avantage en termes de communication au sein de groupes industriels où ils sont généralement en relation avec la direction générale ainsi qu’avec les équipes opérationnelles elles-mêmes composées d’ingénieurs. «Etant eux-mêmes ingénieurs, ils comprennent et communiquent facilement avec leurs pairs, relève Sylvie Haldi. Un directeur financier ayant un profil d’ingénieur dans l’aéronautique n’aura ainsi pas de difficultés à expliquer à ses dirigeants ou à ses équipes les coûts de R&D liés au lancement d’un avion pourtant particulièrement complexes à présenter.» Un atout qui explique que les employeurs cherchent à compléter leurs équipes avec de tels profils.

Une offre étendue de doubles cursus

  • Face à cet intérêt accru des entreprises pour des profils d’ingénieurs à des postes de financiers, de plus en plus de formations d’ingénieurs ouvrent des filières de spécialisation en finance. C’est notamment le cas du groupe HEI ISA ISEN, regroupant trois écoles d’ingénieurs autour de la région de Lille, qui vient de lancer pour la rentrée 2016 un master en management d’entreprise option finance. «Il s’agit d’une cinquième année d’étude effectuée en partenariat avec la Faculté de finance, banque, comptabilité de Lille 2 et délivrant un double diplôme, explique Corinne Statnik, responsable du pôle économie, gestion et statistiques au sein du groupe. Nous avons observé une réelle demande des employeurs pour cette double compétence.»
  • Parmi les débouchés figurent des fonctions financières. «Les étudiants sont principalement recrutés comme chargés d’affaires dans les banques ou contrôleurs de gestion en entreprise», illustre Corinne Statnik.

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