Fusions-acquisitions

Les recrutements repartent

Publié le 9 janvier 2015 à 16h11    Mis à jour le 9 janvier 2015 à 18h54

Pierre Havez

Si la reprise des activités de fusions-acquisitions s’est clairement faite ressentir en 2014, les recrutements de collaborateurs spécialisés en M&A au sein des directions financières et des banques d’affaires sont restés assez limités. Réservés aux profils les plus expérimentés, ils devraient toutefois se diversifier cette année.

A l’image de quelques opérations emblématiques, comme le rapprochement entre Lafarge et Holcim, la reprise de SFR par Altice, ou l’arrivée de Predica au capital de Vinci Park, les opérations de fusions-acquisitions impliquant des sociétés françaises se sont multipliées en 2014. Le montant des transactions en France a ainsi atteint 163 milliards de dollars en 2014 selon Thomson Reuters, soit une hausse de 234 % par rapport à l’ensemble de l’exercice 2013 ! Un regain d’activité qui contraint les sociétés, tant financières que non financières, à se renforcer.

Une concurrence relancée entre les banques d’affaires

Les banques d’affaires ont d’abord dû étoffer leurs équipes. Mais leurs besoins sont restés assez mesurés, se concentrant sur quelques profils très ciblés.

«L’accélération des recrutements en banque d’affaires entrevue en début d’année s’est renforcée à partir du mois de septembre, observe Amaury La Clavière, senior consultant de la division Investment banking de Robert Walters.Ces demandes ont alors porté en priorité sur des profils confirmés de vice-président et de directeur, afin de consolider les équipes existantes au travers de profils confirmés.» En effet, dans les banques d’investissement et de financement, un certain nombre de départs de managers pendant les années 2009 et 2010 n’ont pas été remplacé depuis la crise. Mais après quatre ans d’un marché atone, la reprise actuelle des transactions nécessite de structurer de nouveau ces activités dormantes. «Nous constatons aujourd’hui un regain de concurrence entre les banques, observe Amaury La Clavière. Celles-ci ont donc besoin d’attirer de nouveaux talents afin de redévelopper des parts de marchés.»

A ces niveaux de responsabilité, le «track record», qui désigne l’historique des opérations déjà réalisées par le candidat, remplace le CV. «Les expériences présentées doivent évidemment correspondre aux critères en matière de secteur ou de taille des opérations visées par les employeurs, explique Emmanuelle Villacèque, executive manager au sein de la division Banque de Michael Page. Mais ces derniers s’intéressent également à la capacité du candidat à créer un réseau, à développer une vision stratégique et à fidéliser une clientèle.»

Des directions financières à la recherche de «business developpers»

Du côté des directions financières d’entreprises, quelques sociétés du CAC 40 ont également consolidé leurs équipes M&A. Mi-décembre, les groupes Total et JCDecaux, par exemple, annonçaient ainsi simultanément la nomination de nouveaux directeurs de leurs activités de fusions-acquisitions. Mais ces recrutements restent assez rares. Ils ne concernent ainsi que 2 % des directeurs financiers interrogés selon le dernier baromètre des rémunérations des fonctions finance mené par Michael Page, l’Association des directeurs financiers et des contrôleurs de gestion (DFCG) et l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE), et Option Finance auprès de 330 sociétés. «Ces besoins ont surtout concerné les grandes entreprises françaises cotées, dont le niveau de trésorerie permet de se montrer actif en matière de croissance externe, constate Amaury La Clavière. Certaines ont ainsi renforcé en 2014 leurs équipes internes en attirant d’anciens banquiers, permettant ainsi de mener de petites transactions de manière indépendante, et de limiter le recours aux conseils.»

Les demandes de ces grands groupes du CAC 40 visent donc des profils plus variés que les banques d’affaires. Certes, ceux-ci recherchent d’abord des experts en transactions, capables de mener des opérations de bout en bout de manière autonome. «Les profils de «business developper», à même de gérer la coordination des différents acteurs depuis l’identification de la cible et la phase de négociations, jusqu’à la finalisation de l’opération, sont particulièrement appréciés», précise Amaury La Clavière. Il s’agit donc de collaborateurs très seniors, justifiant de près de dix ans d’expérience en banque. Mais d’autres parcours intéressent également les directions financières. «Nous avons reçu cette année un nombre croissant de sollicitations pour des postes de M&A de niveau intermédiaire, en support technique des transactions, indique Mikael Deiller, manager exécutif senior, chez Michael Page Finance & Comptabilité. Ces offres s’ouvrent notamment à des candidats issus de Big 4 et plus spécifiquement d’activités “Transactions services” ou “M&A” de leur branche conseil.» En outre, ces profils font preuve d’une bonne capacité d’adaptation, une qualité importante en raison du caractère généralement ponctuel des problématiques de développement externe dans la vie d’une entreprise.

Des salaires et des perspectives d’évolution très variables

Malgré de nombreuses compétences communes – notamment en termes de technique financière et de valorisation – et un niveau d’expérience proche, les salaires de ces collaborateurs restent encore très variables selon qu’ils exercent en banque d’affaires ou au sein de la direction financière d’un grand groupe. Les salaires fixes proposés ont néanmoins tendance à se rapprocher. Pour les collaborateurs ayant entre 6 et 15 ans d’expérience, ils s’élèvent en effet actuellement entre 80 000 et 120 000 euros fixes annuels. «Pour parvenir à attirer de bons profils issus de la banque, les entreprises sont aujourd’hui prêtes à faire des efforts pour proposer des packages attractifs, au regard de leur politique interne de rémunération, indique Emmanuelle Villacèque. En revanche, même si les montants des bonus tendent globalement à croître grâce à la hausse des volumes d’activité, la part de variable diminue très nettement lorsqu’un candidat passe d’une banque à une direction financière.» La part variable traditionnellement offerte par les entreprises reste ainsi bien inférieure à celle des banques d’affaires et des boutiques de M&A, où elle peut atteindre 50 % à 75 % du fixe.

Si elles sont moins rémunératrices, les entreprises offrent en revanche des possibilités d’évolution de carrière plus variées que les banques, dont les parcours restent très linéaires. «Les candidats qui souhaitent intégrer le département M&A d’une entreprise envisagent souvent ce changement comme une première étape vers des métiers plus opérationnels, pointe Amaury La Clavière. Dans un second temps, ils peuvent ainsi accéder à des postes au sein des équipes en charge de la stratégie, ou à des responsabilités de directeur de business unit et de direction financière de filiale.» L’afflux de ces profils spécialisés au sein des directions financières devrait se poursuivre cette année. Par exemple, 17 % des directeurs financiers interrogés lors du dernier baromètre Michael Page-DFCG-AFTE-Option Finance considèrent que les postes dédiés aux fusions-acquisitions sont en pleine évolution, alors qu’ils n’étaient que 10 % à partager cet avis en 2013. Ces recrutements pourraient même s’ouvrir progressivement à des profils moins expérimentés, afin de venir compléter les équipes actuellement en cours de réorganisation.

Les salaires des spécialistes M&A stables en 2014

Les salaires, hors bonus, des métiers de M&A sont restés globalement stables en 2013, selon l’étude de rémunération 2014 de Robert Walters.

  • En banque d’investissement, les experts en fusions-acquisitions et en capital-risque gagnent ainsi entre 55 000 et 90 000 euros annuels (de 3 à 6 ans d’expérience), puis entre 75 000 et 130 000 euros (entre 7 et 12 ans), pour atteindre entre 90 000 et 160 000 euros (plus de 12 ans d’expérience). Des niveaux identiques à ceux de 2013.
  • En entreprise, ces salaires vont de 50 000 à 80 000 euros (de 3 à 6 ans d’expérience), puis de 90 000 à 130 000 euros (de 7 à 12 ans d’expérience), pour s’élever entre 130 000 et 200 000 euros (plus de 12 ans d’expérience).

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