Systèmes d'information

Les relations entre le DAF et le DSI tendent à se réchauffer

Publié le 19 juin 2015 à 12h30    Mis à jour le 19 juin 2015 à 19h07

Ryadh Benlahrech

La gestion des budgets informatiques a historiquement constitué une source de tensions entre le directeur financier et le directeur des systèmes d’information. Dans un contexte de transformation numérique des entreprises et d’émergence des risques de fraudes, ces deux responsables sont obligés de collaborer davantage, aboutissant à une détente des relations.

Se dirige-t-on vers une entente cordiale entre les directeurs financiers et les directeurs des systèmes d’information ? Historiquement, les rapports entre ces deux responsables ont été conflictuels. «Pendant longtemps, ces deux services ont eu en effet beaucoup de mal à cohabiter, confirme Caroline Couesnon, directeur-associé au sein du cabinet de conseil Advese. D’un côté, la direction des systèmes d’information renvoyait l’image d’une boîte noire, difficile à comprendre. De l’autre, la direction financière donnait l’impression d’être inaccessible dans sa tour d’ivoire.» Cette incompréhension réciproque pouvait souvent donner lieu à des ruptures brutales. «J’ai repris la direction des systèmes d’information en 2012 car il y avait trop de dysfonctionnements sur nos réseaux informatiques. Aujourd’hui, nous ne subissons plus ces problèmes», confie ainsi le directeur financier d’un groupe spécialisé dans l’événementiel.

Même si de telles situations sont loin d’avoir disparu, les rapports entre les deux fonctions ont malgré tout tendance à se réchauffer. «Depuis cinq ans, on observe une meilleure relation entre les directeurs financiers et les directeurs des systèmes d’information, sous l’effet de plusieurs facteurs», poursuit Caroline Couesnon.

Des budgets souvent non maîtrisés

Le premier est lié à l’automatisation des procédures en matière de comptabilité, de trésorerie ou encore de contrôle de gestion au sein des fonctions financières, qui s’est fortement accélérée depuis quelques années, avec notamment la démocratisation des ERP au sein des PME et des ETI. Une tendance qui implique mécaniquement un rapprochement entre le directeur financier et son homologue des systèmes d’information pour la bonne mise en œuvre de ces changements organisationnels. «Quand j’ai des besoins en solutions logicielles, je les exprime en interne à la direction des systèmes d’information, car je ne dispose pas de toutes les compétences nécessaires, témoigne Philippe Delieuvin, directeur financier et des ressources humaines de 1000 Mercis (45,2 millions de chiffre d’affaires), spécialisé dans le marketing et la publicité interactifs. Pour mettre en place de nouveaux outils, nos informaticiens, supervisés par le directeur des systèmes d’information, sont de très bons conseils pour m’orienter dans mes choix.» Ce dialogue est nourri par les problématiques techniques liées aux paramétrages des ERP. «L’utilisation d’un ERP oblige les deux services à travailler ensemble. Dans le cas contraire, il est très difficile de dégager la valeur ajoutée procurée par un progiciel, constate un expert. Dans ce contexte, l’installation de gros projets ERP dans une entreprise améliore sensiblement les relations entre le directeur financier et le directeur des systèmes d’information.» Une situation qui concerne également la mise en place d’un système de dématérialisation des factures, dont le développement est croissant. «Ce couple doit bien fonctionner pour la réussite de ces projets. Si un seul des directeurs est convaincu, il est alors très difficile d’appliquer un processus de dématérialisation au sein d’une entreprise», constate Eric Brétéché, chef de produit marketing chez Itesoft, spécialisé dans la dématérialisation de documents et de processus.

Outre les questions techniques, les aspects financiers sont particulièrement importants dans cette évolution des rapports. Les budgets informatiques représentent en effet des postes de coûts très élevés, qui peuvent créer des sujets de frictions. «Depuis quatre ans, nos investissements informatiques ont triplé, dans un contexte budgétaire tendu. Cela implique donc beaucoup de vigilance en matière de suivi des dépenses», plaide le directeur financier d’un groupe de loisirs. Il est vrai que selon beaucoup de professionnels, la dépense informatique n’est pas maîtrisée dans une grande majorité d’entreprises. «Il est important pour les directions des systèmes d’informations de mettre l’accent sur la qualité de services, la relation avec leurs clients, et d’apporter de la transparence dans leur fonctionnement et les coûts associés, estime Cédric de Lavalette, associé KPMG, responsable des activités technology transformation. Plus elles y arriveront, meilleures seront leurs relations avec les directions financières.» Une telle évolution est de plus en plus constatée par les spécialistes.

«L’importance des engagements financiers liés aux chantiers informatiques a conduit à la mise en place d’un pilotage économique assez fin des coûts associés, donc un rapprochement “sous contraintes” entre les deux filières, témoigne Caroline Couesnon. Désormais, ce rapprochement est intégré et vu positivement par les diverses parties prenantes.»

Une digitalisation croissante des entreprises

Les interactions entre le directeur financier et le directeur des systèmes d’information devraient également continuer de s’intensifier sous l’effet d’une autre tendance : l’augmentation des cyber-risques. Plus de 80 % des entreprises sont en effet engagées dans le processus de transformation digitale, selon le baromètre 2015 réalisé par Idaos, une agence de conseil spécialisée dans l’élaboration de stratégies digitales.

Dans ce contexte, les failles de sécurité sont susceptibles d’augmenter et de provoquer des risques quant à la protection des données sensibles des entreprises comme les fichiers clients, les coordonnées bancaires ou encore les brevets. «La sécurité informatique constitue une préoccupation majeure actuellement et la direction des systèmes d’information doit être en mesure de garantir la sécurité des données de l’entreprise, souligne Marie Guillemot, associée KPMG, responsable nationale des secteurs technologie, médias et télécommunications. Cela implique des interactions supplémentaires entre le directeur financier et le directeur des systèmes d’information.»

Ce défi est d’autant plus élevé que les tentatives de fraudes externes dans les sociétés explosent. Selon l’enquête que vient de mener l’Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) et Euler Hermes auprès de 177 entreprises, 77 % d’entre elles ont déclaré avoir été victimes d’au moins une tentative de fraude externe au cours de l’année écoulée. De quoi favoriser un peu plus les mariages de raison entre les directeurs financiers et les directeurs des systèmes d’information…

La double casquette séduit les PME-ETI

– Les PME et les ETI sont généralement enclines à avoir des directeurs financiers qui cumulent aussi la fonction de directeur des systèmes d’information. «Les deux fonctions sont assez liées, puisque la direction des systèmes d’information apporte une aide indispensable pour piloter les chiffres de l’entreprise. Je cumule les deux postes pour gagner du temps et optimiser nos finances», témoigne ainsi Jean-Marie Bosher, titulaire de cette double casquette au sein de la société Olmix, spécialisée dans la chimie verte (70 millions de chiffre d’affaires en 2014).

– Ce constat est partagé par d’autres sociétés. Par exemple, selon un sondage réalisé en ligne en 2014 par le cabinet d’audit BDO et le spécialiste du recrutement Fed Finance auprès de 62 directeurs financiers d’entreprises françaises toutes tailles confondues, 44 % d’entre eux ont déclaré que la direction des systèmes d’information était rattachée à la direction financière. Par ailleurs, 50 % des sondés estiment que la direction des systèmes d’information doit être sous la coupe de la direction financière pour gagner en efficacité.

– En revanche, dans les grands groupes, la direction des systèmes d’information est généralement indépendante, compte tenu de la complexité des outils. Le directeur des systèmes d’information peut même parfois disposer d’un siège au sein du comité exécutif, comme c’est le cas par exemple chez Accor Hotels ou Carrefour.

Les dangers du Shadow IT

Tous les outils informatiques utilisés dans une entreprise ne transitent pas toujours par la direction des systèmes d’information. En effet, ils peuvent être mis en place par d’autres directions ou par des business units. On parle alors de «Shadow IT».

Ces dernières années, cette pratique a augmenté avec le développement du cloud et l’utilisation des tablettes et smartphones personnels au sein des entreprises. Selon une étude menée en octobre dernier par l’intégrateur de logiciels américain Avanade auprès de 1 000 entreprises dans le monde, 37 % des dépenses informatiques sont ainsi effectuées en dehors du budget alloué à la direction des systèmes d’information.

Dans ces conditions, les risques financiers s’amplifient, des failles en matière de sécurité étant davantage susceptibles d’apparaître. «La direction financière a un rôle à jouer dans le dialogue entre la direction des systèmes d’information et les différentes business units de l’entreprise, affirme Philippe Rocques, responsable de l’offre application portfolio management pour Capgemini en Europe. Ce rôle de médiateur peut permettre de relier les besoins internes des métiers avec la direction des systèmes d’information, ce qui limitera ainsi le recours au Shadow IT».

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