Directions financières

Les rémunérations variables gagnent du terrain

Publié le 5 juin 2015 à 17h25

Guillaume Clément

Traditionnellement réservée aux directeurs administratifs et financiers et aux cadres supérieurs, la rémunération variable s’est étendue depuis la crise à des postes de «middle management». Mais certains collaborateurs n’ayant pas de fonction d’encadrement commencent eux aussi à avoir accès à ce type de gratification.

Les rémunérations variables sont de moins en moins l’apanage du «top management» au sein des directions financières. Alors que l’attribution de ces gratifications est depuis longtemps une pratique courante en ce qui concerne des postes de directeur administratif et financier et de directeur du contrôle de gestion, le nombre de collaborateurs financiers occupant des fonctions non managériales pouvant en bénéficier tend à s’étendre progressivement, d’après plusieurs cabinets de recrutement. «Depuis environ quatre ans, nous constatons que le variable occupe une place de plus en plus importante dans les politiques de rémunération des entreprises vis-à-vis de cette catégorie de salariés,affirme Mathieu Blaie, directeur du cabinet Fed Finance. Par exemple, il arrive désormais que des comptables se voient proposer un tel complément de revenu, alors que ce n’était pas le cas auparavant.» Un développement qui s’explique par la volonté des entreprises de motiver leurs collaborateurs en vue d’atteindre des objectifs de plus en plus élevés. Elément intéressant pour les salariés, l’introduction de ces rémunérations n’implique le plus souvent pas en contrepartie un ajustement à la baisse du salaire fixe. Surtout, leur niveau peut représenter en moyenne entre 5 et 30 % de ce dernier, en fonction des postes (voir tableau), des profils des collaborateurs et des sociétés.

 

Les profils «stratégiques» privilégiés

Cette «démocratisation» des rémunérations variables ne concerne toutefois pas la totalité des collaborateurs financiers. D’abord, celles-ci sont principalement proposées au sein des grands groupes et des ETI. Ensuite, elles visent le plus souvent les profils «rares». «Les consolideurs, les contrôleurs de gestion industriels, ainsi que les comptables bilingues maîtrisant un ERP et disposant de connaissances pointues en matière de normes fiscales internationales, disposent de marges de manœuvre significatives lorsqu’il s’agit de négocier leur rémunération compte tenu de leur expertise technique, peu abondante sur le marché de l’emploi», indique Jérôme Jouanneau-Courville, directeur au sein du cabinet de recrutement Norman Alex. De ce fait, à défaut de bénéficier d’une augmentation de leur salaire fixe, ces professionnels osent de plus en plus réclamer une part de variable… et l’obtiennent !

De la même manière, les salariés qui se voient confier des missions structurantes ou ayant un impact sur la situation financière de la société ont aussi de bonnes chances de profiter d’une telle rémunération complémentaire. Ainsi, certains membres des équipes comptables peuvent se voir attribuer, sur des fréquences parfois mensuelles, des primes de bilan, équivalentes à du variable, lorsqu’ils parviennent à réduire les délais de clôture des comptes et à améliorer la qualité des données produites. «Même si cette tendance est encore limitée, nous avons déjà également pu observer des comptables fournisseurs obtenir un variable lorsqu’ils arrivaient à traiter un certain niveau de factures durant une période prédéfinie», indique Ludovic Bessière, directeur des métiers finance et comptabilité pour la France et le Luxembourg au sein du cabinet Hays. Les contrôleurs de gestion peuvent quant à eux être récompensés après avoir conduit avec succès certains chantiers d’optimisation des coûts et des processus.«Certains critères qualitatifs et spécifiques comme la mise en place de nouveaux tableaux de bord ou de nouveaux indicateurs de performance peuvent donner lieu au versement d’une rémunération variable pour ces profils», confie Guilhem Jeannin, manager exécutif chez Michael Page.

Le «savoir-être» de plus en plus valorisé

Outre l’efficacité des collaborateurs sur le plan professionnel, l’ajout d’une tranche variable constitue aussi un moyen pour l’entreprise de récompenser le savoir-être de ces derniers. «Les grands groupes prennent en compte de manière croissante le respect des valeurs d’entreprise au moment de valider l’attribution d’un variable, souligne Ludovic Bessière. Concrètement, un credit manager ou un contrôleur de gestion peuvent être évalués lors de leur entretien annuel sur la qualité de leur relation avec leurs collègues et la manière dont ils ont collaboré avec d’autres départements pour accomplir des tâches transversales, par exemple concernant le traitement des litiges avec des clients ou des fournisseurs.» Cette partie de la rémunération variable basée sur le leadership, la capacité de négociation et le travail en équipe est à l’heure actuelle surtout répandue au sein des groupes de culture anglo-saxonne.

Dans un contexte où les embauches ont tendance à repartir au sein des directions financières mais où les budgets dédiés au recrutement restent contraints, le développement de la rémunération variable devrait se poursuivre, selon plusieurs experts. «Proposer ce type de gratification est un moyen efficace d’attirer un candidat», insiste Bruno Fadda, directeur de Robert Half Finance et Comptabilité. Et surtout d’assurer à l’entreprise qu’elle ne dépensera son argent qu’en contrepartie d’une performance solide de ses collaborateurs.

Des politiques différentes selon le profil des entreprises

  • Au-delà du profil des collaborateurs et de leur cahier des charges, les modalités d’octroi et le montant des rémunérations variables fluctuent selon les entreprises. «Les critères d’attribution se sont globalement formalisés ces dernières années au sein des grands groupes et certaines ETI commencent aussi à adopter des modèles standardisés, sous forme de grilles détaillant les objectifs à atteindre et la part de la rémunération associée, constate Aude Boudaud, consultante senior finance chez Robert Walters. Les entreprises de plus petite taille offrent en revanche encore une certaine flexibilité dans ce domaine, ce qui peut donner davantage de latitude aux candidats pour négocier un variable.»
  • Autre critère déterminant, la structure capitalistique de la société peut influer significativement sur les chances des collaborateurs d’obtenir une part de variable dans leur rémunération. «Les entreprises dont la direction est fortement axée sur la performance financière ont tendance à proposer davantage ce type de gratification à leurs collaborateurs financiers, poursuit-elle. C’est particulièrement le cas au sein des sociétés sous LBO.»

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