Gestion d'actifs

Les spécialistes de la dette d'entreprise recherchés

Publié le 31 octobre 2014 à 0h00    Mis à jour le 31 octobre 2014 à 16h03

Alexandre Rajbhandari

Alors que les placements privés se multiplient et que le retour de la titrisation est annoncé sur le continent européen, les gérants d’actifs renforcent leurs équipes d’analystes-gérants sur ces types de produits. Des postes qui nécessitent de recruter des profils experts, au-delà du secteur de la gestion d’actifs.

Les analystes-gérants spécialisés sur les produits de dette d’entreprises ont la cote. Alors que le mouvement de désintermédiation bancaire gagne progressivement la France, les sociétés de gestion cherchent de plus en plus activement des candidats afin de renforcer leurs équipes dédiées à ce type d’actifs. «On observe globalement un regain d’intérêt des gestionnaires d’actifs pour de tels profils», confirme Amaury La Clavière, consultant senior de la division banque d’investissement chez Robert Walters. Il est vrai que, pour les gérants d’actifs, cette catégorie de titres représente une opportunité de diversification et de rendement intéressante.

Cette tendance concerne l’ensemble des sociétés de gestion. Ainsi, les plus grandes d’entre elles continuent de renforcer leurs effectifs dédiés. «De leur côté, les acteurs qui n’avaient pas forcément d’intérêt à lever assez de liquidités pour se situer sur ces produits auparavant commencent désormais à constituer de nouvelles équipes», constate Baptiste Lambert, manager de Robert Half Financial Services.

Les principaux gérants de retour sur la titrisation

Une dynamique qui devrait s’intensifier dans les prochains mois. «Nous avons placé le métier d’analyste crédit en tête des “jobs en or” du secteur de l’asset management pour 2015 !» annonce d’emblée Baptiste Lambert. Deux phénomènes soutiennent cette forte demande. Avec la multiplication des placements privés (Euro-PP) en France, la dette privée, et plus particulièrement la dette d’entreprises de capitalisation moyenne, gagne en importance.«Depuis le début de l’année, nous avons recruté quatre analystes supplémentaires dédiés aux produits de dette d’entreprise», témoigne ainsi Javier Peres-Diaz, lead portfolio manager global loans chez BNP Paribas IP. D’ailleurs, le phénomène devrait se poursuivre. «La demande d’analystes sur ces profils capables de s’occuper de placements privés d’entreprises de taille intermédiaire va aller croissant, témoigne Baptiste Lambert. Il y a deux ans, elle était quasiment inexistante !»

Parallèlement, le retour annoncé de la titrisation sur le continent européen a relancé le marché du recrutement des analystes-gérants spécialisés sur ces produits financiers, alors que ces derniers avaient complètement disparu à la suite de la crise financière. «Courant 2014, nous avons pu procéder à plusieurs recrutements, témoigne Amaury La Clavière. La demande en analystes-gérants sur ces titres continue progressivement de croître cette année, et les équipes qui avaient été décimées en 2008 commencent à se reconstituer.»

Des exigences techniques élevées

Pour ces deux marchés du recrutement en plein essor, les sociétés de gestion sont contraintes de chercher des profils experts, qui ont déjà travaillé sur les produits de dette. «Les problématiques du métier de la gestion crédit sont particulièrement techniques, explique Baptiste Lambert. En effet, les émetteurs ETI ne sont la plupart du temps pas notés, et il faut être capable de chercher les informations nécessaires pour appréhender au mieux le risque de défaut de ces sociétés. En outre, le marché des placements privés n’en est encore qu’à ses débuts, et les fonds ont besoin de techniciens qui connaissent déjà bien le secteur.» Du côté de la titrisation, les exigences des recruteurs sont tout aussi élevées. «Compte tenu de la complexité de ces produits, les asset managers recherchent uniquement des candidats qui ont déjà travaillé sur des problématiques de titrisation», explique Emmanuelle Villacèque, manager exécutif chez Michael Page.

Autant de critères qui obligent les sociétés de gestion à chercher des candidats au-delà du secteur de la gestion d’actifs. Ainsi, pour dénicher des analystes-gérants capables d’appréhender et de suivre un portefeuille de titres de dette d’ETI, les sociétés de gestion ne rencontrent que des candidats issus de la banque d’affaires. Plus particulièrement, les recruteurs se focalisent sur des profils d’analystes crédit qui affichent au moins quatre ans d’expérience, ou encore d’originateurs bénéficiant d’une dizaine d’années d’ancienneté. «Les dernières personnes que nous avons accueillies venaient toutes de la banque d’affaires, et avaient toutes entre dix et quinze années d’expérience sur des problématiques de crédit», précise Javier Peres-Diaz.

Pas de pression à la hausse des salaires

En dépit de l’expertise des postes et de la séniorité des candidats, les rémunérations peinent toutefois à suivre. «Les salaires annuels fixes proposés par la gestion d’actifs peuvent afficher une décote de 15 % par rapport aux rémunérations classiques en banque d’affaires», prévient Emmanuelle Villacèque. Ainsi, pour des analystes-gérants spécialisés sur des produits de placement privés ou de titrisation, les gestionnaires d’actifs proposent entre 80 000 et 110 000 euros de rémunération brute annuelle, en fonction de l’expérience. Pour autant, les recruteurs n’éprouvent visiblement pas de difficulté particulière à attirer des collaborateurs.«Le marché du recrutement en banques d’affaires est engourdi, et les opportunités d’évolution sont de plus en plus rares, surtout pour les marchés de niche comme celui de la titrisation, explique Emmanuelle Villacèque. De la sorte, les candidats que nous approchons sont déjà à l’affût des opportunités en dehors de leur secteur.» En outre, ces profils sont la plupart du temps à la recherche d’entreprises à taille plus humaine. «Généralement, après plusieurs années en banque d’affaires, ces profils valorisent davantage la culture de leur entreprise, et cherchent à participer à un projet entrepreneurial, explique Baptiste Lambert. Ils sont donc davantage disponibles pour intégrer une petite société de gestion.» Surtout, dans certains cas, les perspectives de rémunérations variables peuvent être particulièrement intéressantes, même pour des profils issus de la banque d’affaires. «Par exemple, pour les postes d’analystes-gérants sur la titrisation, ces dernières peuvent grimper jusqu’à 100 % de la rémunération fixe», signale Emmanuelle Villacèque. Les sociétés de gestion ne sont donc pas à court d’arguments pour attirer les talents des banques d’affaires.

Fédéris Gestion d’Actifs compte se renforcer sur les produits de dette

Faisant partie des pionniers sur le marché du placement privé pour les ETI, avec le lancement aux côtés de Kepler Capital Markets du fonds Core Euro Crédit, fin 2012, Fédéris Gestion d’Actifs a démarré cette activité avec des effectifs particulièrement restreints en matière d’analystes crédit. «Notre équipe dédiée à ces produits était constituée de deux personnes uniquement, se souvient Jean Rozière, responsable de la gestion crédit chez Fédéris Gestion d’Actifs. Depuis trois ans, nous avons décidé de renforcer nos compétences. Désormais, nous sommes cinq spécialistes au total.»

Mais la société de gestion ne semble pas vouloir s’arrêter là. «Nous sommes en train de réaliser deux recrutements, car nous avons pour ambition de croître davantage sur le marché de la dette des ETI, poursuit Jean Rozière. En effet, nous commercialisons actuellement un nouveau fonds, qui devrait faire passer notre encours total sous gestion sur ces produits de 750 millions d’euros à 1 milliard d’euros.»

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