MOBILITÉ INTERNE

Qui veut des financiers ?

Publié le 18 juillet 2014 à 14h44    Mis à jour le 24 juillet 2014 à 15h28

Domitille Arrivet

Un ghetto, la filière la finance dans une entreprise ? Pas autant qu’on le croit. Même si se diriger vers le monde des chiffres ou en sortir n’est pas donné à tout le monde (même en interne), les passages d’un métier à l’autre sont favorisés… et appréciés.

La mobilité interne a le vent en poupe. Il est temps d’en profiter. «Les difficultés qu’ont connues les entreprises ces dernières années les ont contraintes à réduire, voire à geler leurs embauches. En corollaire, elles ont eu pour effet un développement général de la mobilité interne. Les managers ont dû aller chercher des compétences à l’intérieur même de leur entreprise, dans d’autres métiers», analyse Gabriel Bardinet du cabinet Deloitte, auteur de l’étude Mobicadres sur la mobilité (voir encadré). Des mouvements qui s’accélèrent sous la pression des collaborateurs eux-mêmes : «Depuis une dizaine d’années, on constate que les cadres sont les premiers à souhaiter que leur parcours professionnel aborde plusieurs métiers. Cela a conduit les entreprises à se soucier de développer leur employabilité. Maintenant elles sortent des sentiers battus du recrutement externe et réfléchissent à la façon de faire évoluer leurs collaborateurs à l’intérieur de la structure», précise le professionnel.

Dans ces mouvements d’un service à l’autre, les professionnels des filières finances sont davantage courtisés qu’auparavant. La raison ? Avant tout la pression sur les résultats qui s’exerce chaque jour davantage sur les entreprises. Contraintes de rendre des comptes à leurs actionnaires, elles répercutent l’exigence de résultats à tous les niveaux, et dans chacune des filières. En conséquence, les spécialistes des comptes sont en vogue. Chez le constructeur PSA, actuellement en phase de redressement, ce sont les comptables que l’on recherche. «Connaître les données de gestion est un atout à un moment où le groupe veut réinstaurer une culture économique dans tous les centres de décision, et pas seulement dans la direction financière», confie Hélène Comiti, responsable des métiers de la direction financière et de la gestion au sein de la direction des ressources humaines. Dans le cadre de sa politique de gestion des emplois et des compétences, PSA a ainsi prévu des parcours qualifiants ou des fonctions passerelles afin d’amener en priorité les collaborateurs des métiers sensibles vers d’autres métiers plus porteurs, mais aussi de mettre à profit les compétences de salariés de certaines filières – dont la finance – dans des métiers qui nécessitent un regard nouveau. C’est ainsi qu’on a vu chez PSA un contrôleur de gestion passer au service achats, un responsable trésorerie s’investir dans le développement international de la filiale bancaire, un directeur financier France devenir patron du commerce en Belgique ou un directeur de la comptabilité s’occuper du grand export de la marque Citroën...

Même engouement pour les financiers chez SGS, société suisse du domaine de l’expertise qui compte 2 650 salariés en France, où ces profils qui savent manier les chiffres sont appréciés. «Depuis leur formation, souvent en école de commerce, ces financiers analysent et travaillent avec les chiffres. Ils ont une vraie valeur ajoutée lorsqu’ils arrivent sur le terrain : dans des fonctions opérationnelles, ils identifient les KPI (key performance indicators), recensent et analysent les données et peuvent les remonter au siège afin de déclencher un travail en amont, sur des études de marché par exemple. De plus, ils connaissent le fonctionnement global de l’entreprise et ses rouages», explique Isabelle Bernard, la directrice du développement RH de cette société. Des compétences qu’elle a notamment repérées chez Eric Sarfati, expert comptable de 47 ans, qui a fait ses premiers pas chez SGS en 1998 à la consolidation du groupe. Après une évolution vers le poste de directeur administratif et financier de trois filiales successives, il s’est vu confier, à l’occasion de l’arrivée d’un nouveau patron, la direction administrative et financière du groupe pour la France. Entre cessions de filiales et acquisitions de nouvelles structures qu’il a lui-même pilotées, Eric Sarfati a acquis une vision complète de la filière finances qui lui a donné le désir de se lancer dans des fonctions plus opérationnelles. Passionné de voitures, il a rejoint le pôle contrôle technique et automobile en tant que directeur du contrôle technique et qualité, puis deux ans plus tard, a été nommé business manager du pôle. «Pour cela, j’ai dû me former au marketing. La DRH m’a proposé le coaching individuel, pour aller plus vite. J’ai donc été suivi un jour par semaine pendant trois mois. C’est une formule efficace car elle permet d’aborder la théorie mais aussi de l’appliquer aux cas concrets que je rencontre au quotidien», explique Eric Sarfati. Un passage qui n’est pas donné à tout le monde : «Dans la filière finance, certains sont trop dans les chiffres et n’auraient pas assez d’ouverture au commercial et au marketing. Or, on peut acquérir la compétence théorique, mais l’esprit entrepreneurial, il faut l’avoir en soi», ajoute l’ambitieux professionnel.

A l’échelle d’une grande structure telle que la Société Générale, où la mobilité interne a été largement favorisée depuis début 2013 avec la création d’une plateforme qui centralise les postes à pourvoir pour les pôles d’activité et les directions fonctionnelles, les mouvements entre pôles d’activité représentent maintenant un tiers des mutations internes (3 000 au total en 2013 pour 17 000 collaborateurs). Julien Ochonisky, directeur des métiers du groupe, y travaille : «La transversalité permet le brassage des populations, la diversité des profils et la circulation des cultures. Ces facteurs de vivacité pour l’entreprise offrent aussi aux collaborateurs des perspectives plus larges qui favorisent leur motivation et leur engagement», explique-t-il. Alors, même si dans cette banque, les métiers de la finance sont plutôt recruteurs nets, en interne on ne cherche pas à freiner les départs vers d’autres services. «Même si un tiers des mouvements se fait au sein de la filière finance, celle-ci a chez nous un rôle de vivier vers d’autres métiers tels ceux de la filière risque (opérationnel, de crédit, de marché, etc.) ou le contrôle interne. D’autres peuvent s’orienter vers des postes plus opérationnels au sein des différentes activités : back ou middle-office sur les activités marchés, management de projet ou secrétariat général», précise le responsable. «Le financier, comme le contrôleur de gestion, est bien en phase avec l’activité. Il en a une vision globale et en connaît l’ensemble des ressorts économiques», estime Julien Ochonisky.

Pour autant, ces mobilités ne sont pas simples. Et, les entreprises le reconnaissent, en volume ces mouvements restent peu communs. Surtout pour ceux qui envisageraient le chemin inverse et voudraient passer des services opérationnels vers la fonction finance. Des cas rares. Ainsi BNP Paribas a tenté un «finance integration program» qui propose à une poignée de non-financiers d’acquérir les notions de base et les enjeux de la finance au travers d’une formation, afin de faciliter une éventuelle prise de poste dans cette filière. Un parcours que quelques collaborateurs de profil back-office ou chargé de clientèle ont récemment suivi pour accéder à des postes de contrôleur de gestion. Mais le gros des mouvements n’est pas là. «Certes on peut imaginer qu’un responsable opérationnel d’une filière puisse passer – après une formation – au contrôle de gestion de cette même activité parce qu’il la connaît. Mais lorsqu’on vient de l’industrie ou du marketing, on ne peut pas s’improviser directeur du contrôle interne», confirme Gabriel Bardinet chez Deloitte.

La fonction finance favorise la mobilité

D’après l’étude Mobicadres réalisée en juin 2014 par le cabinet Deloitte, les directions financières sont particulièrement propices à la mobilité interne. Ainsi, 55 % des cadres des directions financières et juridiques qui changent de poste trouvent une évolution possible dans leur propre société, alors que dans les services communication par exemple, ils ne sont que 34 % à évoluer en interne, les autres étant contraints de changer d’employeur pour évoluer.

L’étude souligne que pour les professionnels de la fonction finance, la mobilité interne s’effectue au sein même de la filière finances dans 67 % des cas, et que hors filière, 21 % des évolutions se font vers la direction générale et seulement 12 % des mouvements conduisent vers d’autres fonctions telles que le commercial, les ressources humaines, le marketing ou l’informatique.

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